DU MÊME AUTEUR 1. Ça ne s' invente pas. 2. Passez-moi la Joconde. 3. Sérénade pour une souris défunte 4. Rue des Macchabées. 5. Du sirop pour les guêpes. 6. J'ai essayé on peut! 7. En long, en large et en travers. 8. La vérité en salade. 9. Tout le plaisir est pour moi. 10. Fleur de nave vinaigrette. 11. Ménage tes méninges. 12. Le loup habillé en grand-mère. 13. San-Antonio chez les " gones ". 14. En peignant la girafe. 15. Du brut pour les brutes. 16. J'suis comme ça. 17. Un os dans la noce. 18. San-Antonio chez les Mac. 19. San-Antonio polka. 20. Les prédictions de Nostrabérus. 21. Le coup du père François. 22. Votez Bérurier. 23. Vas-y,Béru! 24. Tango chineto que. 25. Salut, mon pope! 26. Mets ton doigt o"j'ai mon doigt 27. Mange et tais-toi. 28. Faut être logique. 29. Y a de l'action! 30. Si, signore. 31. Béru contre San-Antonio. 32. L'archipel des Malotrus. 33. Maman, les petits bateaux. 34. Zéro pour la question. 35. Bravo, docteur Béru. 36. La vie privée de Walter Klozett. 37. Viva Bertaga. 38. Un éléphant, ça trompe. 39. Faut-il vous l'envelopper? 40. Tu vas trinquer, San-Antonio. 41. Le gala des emplumés. 42. Dis bonjour à la dame. 43. Laissez tomber la fille. 44. Les souris ont la peau tendre. 45. Mes hommages à la donzelle. 46. Certaines l'aiment chauve. 47. Du plomb dans les tripes. 48. Des dragées sans baptême. 49. Des clientes pour la morgue. 50. Descendez-le à la prochaine. 51. Bas les pattes! 52. Concerto pour porte-jarretelles. 53. Deuil express. 54. J'ai bien l'honneur de vous buter 55. C'est mort et ça ne sait pas! 56. Messieurs les hommes. 57. Du mouron à se faire. 58. Le fil à couper le beurre. 59. Fais gaffe à tes os. 60. Sucette boulevard. 61.Atue...etâtoi. 62. Ça tourne au vinaigre. 63. Les doigts dans le nez. 64. Remets ton slip, gondolier. 65. Au suivant de ces messieurs. 66. Des gueules d'enterrement. 67. Les anges se font plumer. 68. La tombola des voyous. 69. Chérie, passe-moi tes microbes. 70. J'ai peur des mouches. 71. Le secret de Polichinelle. 72. Du poulet au menu. 73. Prenez-en de la graine. 74. On t'enverra du monde. 75. Une banane dans l'oreille. 76. San-Antonio met le paquet. 77. Entre la vie et la morgue. 78. San-Antonio renvoie la balle. 79. Hue, dada! 80. Berceuse pour Bérurier. 81. Ne mangez pas la consigne. 82. Vol au-dessus d'un lit de cocu. 83. La fin des haricots. 84. Y a bon, San-Antonio. 85. Si ma tante en avait. 86. De"A "jusqu'à"Z". 87. Bérurier au sérail. 88. La rate au court-bouillon. 89. En avant la moujik. 90. Ma langue au Chah. 91. Fais-moi des choses. 92. Ça mange pas de pain. 93. N'en jetez plus! 94. Moi, vous me connaissez? 95. Viens avec ton cierge. 96. Emballage cadeau. 9'?. Appelez-moi chérie. 98. Mon culte sur la commode. 99. T'es beau, tu sais! 100. Tire-m'en deux, c'est pour offrir. 101. A prendre ou à lécher. 102. Baise-baîl à La Baule. 103. Meurs pas, on a du monde. 104. Tarte à la crème story. 105. On liquide eton s'en va. 106. Champagne pour tout le monde! 107. Réglez-lui son compte! 108. La pute enchantée. 109. Bouge ton pied que je voie la mer. 110. L'année de la moule. 111. Du bois dont on fait les pipes. 112. Va donc m'attendre chez Plumeau. 113. Morpions Circus. 114. Remouille-moi la compresse. 115. Si ,naman me voyait! 116. Des gonzesses comme s' il en pleuvait. 117. Les deux oreilles et la queue. 118. Pleins feux sur le tutu. 119. Laissez pousser les asperges. 120. Poison d'avril ou la vie sexuelle de Lili Pute. 121. Bacchanale chez la mère Tatzi. 122. Dégustez, gourmandes! 123. Plein les moustaches. 124. Après vous s'il en reste. Monsieur le Président. 125. Chauds, les lapins! 126. Alice au pays des merguez. 127. Fais pas dans le porno... 128. La fête des paires. 129. Le casse de l'oncle Tom. 130. Bons baisers oa tu sais. 131. Le trouillomètre à zéro. 132. Circulez, y a rien à voir. 133. Galantine de volaille pour dames frivoles. 134. Les morues se dessalent. 135. Ça baigne dans le béton. 136. Baisse la pression. tu me les gonfles! 137. Renifle, c'est de la vraie. 138. Le cri du morpion. 139. Papa, achète-moi une pute. 140. Ma cavale au Canada. 141. Valsez, pouffiasses. 142. Tarte aux poils sur commande. 143. Cocottes-minute. 144. Princesse Patte-en-l'air. 145. Au bal des rombières. 146. Buffalo Bide. 147. Bosphore et fais reluire. 148. Les cochons sont lâchés. 149. Le hareng perd ses plumes. 150. Têtes et sacs de noeuds. 151. Le silence des homards. 152. Y en avait dans les pâtes. 153. AI Capote. 154. Faites chauffer la colle. 155. La matrone des sleepinges. 156. Foiridon à Morbac City. 157. Allez donc faire ça plus loin. 158. Aux frais de la princesse. 159. Sauce tomate sur canapé. 160. Mesdames, vous aimez ça ". 161. Maman, la dame fait rien qu'à me faire des choses. 162. Les huîtres me font bâiller. 163. Turlute gratos les jours fériés. 164. Les eunuques ne sont jamais chauves. 165. Le pétomane ne répond plus. 166. T'assieds pas sur le compte-gouttes. 167. De l'antigel dans le caîbute. 168. La queue en trompette. 169. Grimpe-la en danseuse. 170. Ne soldez pas grand-mère, elle brosse encore. 171. Du sable dans la vaseline. 172. Ceci est bien une pipe. 173. Trempe ton pain dans la soupe. 174. Lâche-le, il tiendra tout seul. SAN-ANTONIO Hors série: Histoire de France. Le standinge. Béru et ces dames. Les vacances de Bérurier. Béru-Béru. La sexualité. Les Con. Les mots en épingle de Françoise Dard. Queue-d'âne. Les confessions de l'Ange noir. Y a-t-il un Français dans la salle? Les clés du pouvoir sont dans la boîte à gants. Les aventures galantes de Bérurier. Faut-il tuer les petits garçons qui ont les mains sur les hanches ? La vieille qui marchait dans la mer. San-Antoniaiseries. Le mari de Léon. Les soupers du prince. Dictionnaire San-Antonio. Ces dames du Palais Rizzi. La nurse anglaise. Le dragon de Cracovie. oeuvoes complètes Vingt-huit tomes parus. Morceaux choisis: 1. Réflexions énamourées sur les femmes 2. Réflexions pointées sur le sexe 3. Réflexions poivrées sur la jactance 4. Réflexions appuyées sur la connerie 5. Réflexions sur les gens de chez nous et d'ailleurs 6. Réflexions passionnées sur l'amour 7. Réflexions branlantes sur la philosophie 8. Réflexions croustillantes sur nos semblables 9. Réflexions définitives sur l'au-delà 10. Réflexions jubilatoires sur l'existence FLEUVE NOIR AVERTISSEMENT Pas d'erreur, les mecs Le baratin qui suit ne concerne pas des petits futés existant ou ayant existé. Ceux qui voudraient jouer les gros bras tomberaient sur un os. PREMIERE PARTIE LES MECS DE CHICAGO PARLENT FRANÇAIS CHAPITRE PREMIEr APRÈS VOUS S'IL EN RESTLe lac Michigan, c' est comme la mer, en aussi bleu, en aussi tourmenté lorsque le vent souffle, et il soufflait vachement ce jour-là. Chicago, patrie des gangsters, s'étale en éventail au bord de la flotte. C'est une ville bien géométrique, avec des rues qui se coupent toujours à angle droit. Vu du ciel, on dirait un gigantesque quadrillage. J'en avais le torticolis, à force de matouzer du haut de l'avion. J'en prenais plein mes châsses; forcément, c 'était la première fois que j 'annonçais ma viande dans cette contrée. Ça m'aurait fait pleurer les fesses de caner avant d'avoir reniflé l'odeur particulière qui flotte sur ce patelin. Voyant l'intérêt que je portais à la contrée, un gros lard d'Amerlock, ayant dans le bec un cigare gros comme l'obélisque de la Concorde, s'est mis à me raconter la banlieue que nous survolions- Forest River! énonçait-il en mâchouillant son Puis il l'a bouclée, en même temps que sa cein­ture, et l'avion s'est mis à descendre doucement, doucement, comme le bouchon rouge d'un pêcheur lorsqu'une tanche s'en ressent pour le ver de vaEnsuite, le car du Municipal Airport..il fonçait dans une voie rectiligne appelée Archer Avenue. Les autres voyageurs faisaient comme mégnace: ils la fermaient. On la ferme toujours un bout de temps, lorsqu'on vient de se cogner plusieurs plombes d'avionJe regardais par les vitres du car confortable avec la même avidité que je regardais par les hublots de l'avion. Et le gros zig au cigare, qui devait être un roi de la roubignole en branche, continuait par instant d'éructer une explication; cette fois, ça n'étaient pas des noms de banlieues, mais des noms de rues que pondait sa grosse bouille lippue. noms enchanteurs, quoi, pour un mec qui venait de traverser la mare aux harengJe uis descendu à l'angle de Michigan Boulevard et de Grand Avenue, parce que c'était la station qu'on m'avait donnée. L'adresse où je devais me rendre était 228 ter, Grand Avenue... Cette voie large piquait droit sur le lac qu'on apercevait tout au bout comme un rec­tangle de ciel. Elle était bordée de gratte-ciel impressionnants, exactement comme on voit dans les films. Et la circulation était maison, moi, je vous l'annonce! Les grands boulevards de Paname, à quatre heures de l'après-midi, ressem­blent au désert de Gobi en comparaison. Pour tout vous dire, bien que je sois du genre mec-au-culot, je me sentais aussi déprimé qu'un cachet d'aspirine dans un verre d'eau chaude. La veille - ou l'avant-veille - je ne savais plus, avec ce changement de longitude, j'avais quitté le Bourget, peinard, dans le zinc d'Air France, et voilà que je débarquais dans ce grondement épou­vantable de Chicago. Un peu comme si je rêvais. Vous pigez le topo? Enfm, j'ai dégauchi mon 228 ter... C'était une masure de cinquante étages au moins qui commen­çait par un bref perron de deux marches et ne s'ar­rêtait que chez saint Pierre. J'ai pénétré dans un hall immense comme la salle des Pas Perdus de Saint-Lago. Y avait des flopées de grooms qui se baguenaudaient à proxi­mité. cétages. Je me suis dit qu'à cette allure-là, on serait dans la lune avant la nuit. Nature, j' ai cru qu'il y avait maldonne et que le groom m'avait fait entrer dans la dernière fusée interplanétaire. fl a rouvert la grille. J'ai biglé le numéro de l'étage on était au trente-quatrième! Il m'a désigné un couloir large et neuf dans lequel un flic en uniforme faisait des effets de cia-queues en agitant son bâton. Si vous croyez qu'il s'est foutu au garde-à-vous en m'apercevant, vous vous collez le doigt dans l'orbite jusqu'au fignedé ! Au contraire, il m'a examiné d'un air à la fois rigolard et provocant qui m'a fait mal. - Hello! il a grogné quelque chose de vague qui ressem­blait plus à du lion qu'à de l'amerlock. - Mr. Grane, please? Alors, là, il m'a étalé une phrase en accordéon qui n'en finissait plus et je lui ai fait signe de la boucler parce que, primo, je n'entravais rien à ses salades et, deuxio, il commençait à me casser les précieuses. Ma hargne revenait, je récupérais. - I arn French I j'ai murmuré. I veux speaker with Mr. Grane and you allez you manier the ron­delle. Compris? Ça l'a siphonné. fl m'a conduit à une porte vitrée sur laquelle était écrit en noir un mot que je n'ai pas pu lire. Il l'a ouverte sans frapper et m'a remis à une souris blonde comme un demi de bière. Cette fille, j'ai cru l'avoir vue dans un maga­zme. Grande, mince, des jambes longues et faites au moule, des yeux bleus pailletés d'or, un nez menu, une bouche de vamp, des cheveux courts avec une frange soignée. Je l'ai renouchée de haut en bas, puis de bas en haut, en m'attardant les deux fois sur son popotin qu'elle avait en forme de pomme et qui sollicitait la main de l'homme. - J amfrench policier, J veux voir Mr. Grane. Mors, toute sa gravité a foutu le camp. - Vous êtes très pittoresque ! a-t-elle déclare. - Dieu soit loué ! Vous parlez français! - Un petit peu... Vous avez probablement entendu Petula Clark... C'est pareil. - Un instant. Vous êtes monsieur San­Antonjo? - Pour vous servir, miss... Et vraiment, j'aime­rais vous servir à quelque chose. Un sourire... Ça se passait bien. - J'ai vécu deux ans en France, dit-elle. Je fai­sais les Beaux-Ails, à Paris. - Sans blague! J'en aurais pleuré. - Vous connaissez Paname? - La rue de ....... J'avais un petit hôtel pour étudiants très charmant, très pittoresque. Elle m'a décoché un nouveau sourire avant de frapper à la porte de droite. Elle a disparu un ins­tant. Puis, sa mince silhouette s'est encadrée à nou­veau dans le chambranle. - Voulez-vous venir? Dans la pièce voisine se trouvait un grand bureau métallique et un immense fichier. Entre les deux était assis un homme assez bizarre, qui res­semblait à un plombier zingueur. il était petit, lent, gris, avec un visage de clown démaquillé et des yeux épais comme de la confiture. Lorsque je suis entré, il s'est levé à demi, a esquissé une courbette comme les pompistes de chez ShelI après qu'ils ont fini de donner un coup de peau de chamois à votre pare-brise, et il a dit en me désignant une chaise: - Très heureux de vous connaître, monsieur San-Antonlo. Soyez le bienvenu. C'est la première fois que vous venez à Chicago? il a débité tout cela sans respirer en tirant d'un de ses tiroirs un flacon carré sur lequel je me suis mis à loucher. C 'était le meilleur whisky que j 'aie jamais bu. Pendant qu'on s'en cognait un verre, la secré­taire blonde s'est fait la valise. -Vous savez pourquoi vous êtes ici? m'a demandé Grane. - Vaguement... Il paraît qu'il y a de la casse dans le secteur et que l'affaire revêt un petit côté français qui vous a fait réclamer le concours offi­cieux de notre police? - Tout à fait officieux. Il n'avait presque pas d'accent; il aurait pu se faire passer pour Suisse à la Terrasse du Flore! - Peut-être pourriez-vous me mettre au courant dans le détail? - J'allais vous le proposer. Il me verse un nouveau glass de raide. - Savez-vous ce que c'est qu'une taxi-giri? - Chez nous, on appelle ça une entraîneuse. Non? - Non, ça n'est pas exactement une entraî­neuse. Une taxi-girl est une fille qui appartient à un établissement de danse. Le type qui est seul va danser dans ces boîtes, il prend des jetons à la caisse et il choisit la taxi-girl de son rêve. Il lui remet un ticket pour une danse. - Marrant, ai-je dit. On n'a pas l'air très senti­mental dans votre bled. Ces considérations n'ont pas eu l'heur de lui plaire. il a remisé sa bouteille d'un geste nerveux. - En général, poursuivit-il, ces filles ne sont pas des coucheuses. Oh! évidemment, on lie davantage connaissance en dansant qu'en faisant la plonge dans un drugstore, mais, en principe, elles sont ce que vous appelez honnêtes. Ce sont des espèces de fonctionnaires de la danse. Vous sai­sissez? - Parfaitement. - Or, depuis un mois, une épidémie de meurtres sévit dans leurs rangs. Il ne se passe pas de semaine sans qu'on trouve le cadavre d'une ou deux de ces filles, soit dans la rue, soit dans leur chambre. - Voyez-vous! - Elles sont assassinées par des moyens diffé­rents, mais toutes ont dans la main le même mor­ceau de papier portant, calligraphiés, ces deux mots : Le Français. Il a ouvert un second tiroir et en a sorti une enveloppe de carton glacé. - Voici... J'ai examiné son contenu : sept feuillets de bloc-sténo sur lesquels la même main a écrit les deux mots fatidiques : Le Français. Ces deux mots avaient été rédigés au moyen d'un stylo à encre. Et l'encre en était noire. Grane a respecté mon examen, puis il a murmuré: - D'après nos experts en graphologie, il est probable que ces mots ont été écrits par un Français. Cette écriture penchée, aux pleins et aux déliés accusés, est française. " Depuis un mois, la police urbaine est sur les dents, mais l'enquête piétine. Pas le moindre indice. On trouve un cadavre ou deux de plus chaque semaine, et c'est tout. Le criminel parait sortir de l'ombre et s'y replonger dès que son acte est accompli. " Jusqu'ici, sept filles sont mortes. Leur assassi­nat s'est toujours déroulé discrètement, sans témoin, sans bruit! " Nous avons effectué des rafles, exercé des sur­veillances étroites dans tous les établissements de danse de la ville. Nous avons jeté un coup d'oeil sur l'activité de tous les Français habitant la région, bref, remué ciel et terre, sans le plus petit résultat. " Le Français continue de tuer... La presse est très excitée, l'opinion publique aussi, par contre­coup direct. Mors, l'idée m'est venue de faire appel à un as de la police française. " J'ai esquissé une courbette. L'as de la police française ne se sentait pas trop reluisant, je vous jure! Cette histoire du Français qui démolissait les greluses, vue d'ici, me parais­sait gênante pour le prestige national. - Vous comprenez, a poursuivi Grane, il ne faut rien négliger. Vous, étant de même nationalité que le tueur, vous pouvez lutter avec lui sur un terrain qui nous échappe, à nous autres: le terrain psychologique. - Je vois... - Je vais vous remettre le dossier des sept meurtres. Vous avez carte blanche. Au cas où vous vous heurteriez à une difficulté quelconque, télé­phonez ou faites téléphoner à Nord 54-54. Vous vous souviendrez ? 54, deux fois... - Je me souviendrai. - Pour tout renseignement concernant la ville, miss Cecilia, secrétaire, qui parle le français, vous viendra en aide. -O.K.! J'ai balancé un O.K. ! sonore qui m'a ravi. Ça venait, je m'installais dans l'américanomuche! - Elle est à votre disposition, a conclu Grane en me tendant un dossier vert, tout pareil à un dos­sier français. Je vous ai fait traduire les pièces du dossier, les voici... Si vous avez du nouveau, pre­venez-moi. En cas de coup dur, toujours Nord 54, deux fois. Vous pigez? il a risqué son " vous pigez " avec circonspec­tion. - Je pige... Alors on a éclaté de rire, lui et moi, et je suis sorti de sa casbah d'un pas plus légerla belle blonde était toujours là, plus couverture de L~fe que jamais. Elle avait eu le temps de recharger son fond de teint et elle m'attendait avec sur les lèvres son sourire des grands jours. - Vous êtes miss Cecilia? ai-je questionné en m'approchant de son fauteuil tournant. - Juste... - C'est un nom qui ne me dépayse pas trop. Je parie que vous connaissez un petit restaurant fran­çais où on mange du poulet à la crème, et je parie aussi que vous allez accepter mon invitation àdîner. Dans tous les romans traduits de l'américain que j'ai lus, le flic maison invitait les jolies secré­taires avant de leur dire bonjour. C'est comme ça qu'on agit dans votre patelin? - Plus ou moins, admit-elle. - J'ai pas trop l'air godiche? - L'airquoi? - Gourde, emprunté, si vous préférez... Elle ne pigeait pas. - Va falloir que je complète votre français. Les cours du soir sont gratis chez moi. Vous avez un hôtel à me recommander? - Il y a le Connor, tout près. j y arque. vous passez me prendre dans une paire d'heures? - Entendu... Je lui ai dédicacé mon regard le plus doux, format carte postale pour soldat amoureux. Puis je les ai mis. Jamais je n'avais commencé une enquête dans des conditions pareilles Les Ricains qui appelaient à la rescousse un spé­cialiste du latin parce qu'ils y perdaient le leur! Drôle d'affaire !... Je venais m'atteler dans les brancards après eux... Le flic de l'entrée continuait ses effets de cla­quettes. il me bouchait l'accès de l'ascenseur. - Après vous, s'il en reste, ai-je murmuré en le bousculant d'un coup d'épaule. Mais ça n'était pas à lui que je m'adressais. C'était à Grane et à son équipe. Oui, c'est comme ça que tout a démarré! CHAPITRE il ILN'YAPAS QUE LES SHÉRIFS QUI ONT UNE ÉTOILLe portier du Connor bigle ma valoche de fibrane comme si c'était l'étal d'un marchand de lacets. Lui aussi me renouche illico et se met à me parler dans un français qu'il a dû apprendre dans un lexique javanais. il est sentencieux, sévère. - Une chambre ! dis-je. il me conduit à la réception et je m'explique. Deux minutes plus tard, je prends possession d'une crèche qui est un véritable bijou: cosy, bar àliqueurs, salle de bains, etc. Je déballe mes fringues, puis je me dessape et je prends une douche glacée. Ensuite, j'inventorie la cave à liqueurs, mais tous les flacons sont factices. Comme je n'aime pas ces plaisanteries, je sonne le garçon d'étage et, lui collant dans les pognes une bouteille de whisky bidon, je lui dis de m'amener dare-dare le modèle vivant! il s'exécute. Je n'arrive pas à retrouver mon équilibre; pour­tant, j'aurais pu venir dans ce pays à l'époque de la prohibition, ç'aurait été moins marrant! Vautré sur le plume, en peignoir de bain, un verre de rye à portée de la patte, je me mets à com­pulser le dossier des taxi-girls bousillées. Comme vient de me le dire Grane, elles ont toutes les sept été tuées de la façon la plus discrète qui soit. Comme disait un pote à moi: " Si c'était pas de leur cadavre, on s'en serait même pas aperçu. " Deux sont mortes dans la rue, d'un coup de cou­teau ajusté en plein coeur, trois ont fmi leurs jours dans leur piaule avec une praline dans la caibombe, une est clamsée dans un taxiphone, étranglée, et une a été trouvée la gueule dans sa baignoire. Toutes les sept avaient dans une main le fameux morceau de papier. J'examine les photos; elles sont très variées. Les adresses n'offrent aucune similitude non plus. Perplexe, je me gratte l'occiput. il en a de bonnes, le boss, de me déléguer dans ce bouzin alors que je ne parle ni n'entrave le ricain. Je vais avoir bonne mine, moi! Pas moyen de poser des questions. Et un guide à la paluche pour me diriger ! Ah ! il est mimi, l'enquêteur. Sur ces réflexions pessimistes, le bignou gré­sille. Je décroche. Un zig me susurre que miss Cecilia est laga. - Faites monter ! Corne on I je meugle. Je n'ai que le temps de passer mon bénard, la souris est devant moi, gentiment coiffée d'une toque en peau de léopard et portant une veste de lainage vert agrémentée d'un col en léopard aussi. Resplendissante! Vous la verriez dans une vitrine, vous entreriez pour demander le prix! Et vous seriez capable de payer avec un chèque sans provi­sion afin de pouvoir l'emporter tout de suite! - Hello I lance-t-elle joyeusement. J'ai le torse nu, mais ça n'a pas l'air de la cho­quer le moins du monde! Je réponds: - Hello! Ici, c'est une bonne habitude à prendre. Elle lance un regard en biais au dossier étalé sur le cosy. - Déjà dans l'affaire ?... - Jusqu'à la ceinture! fais-je. A franchement parler, ça m'a l'air duraille. - Vous n'avez pas confiance en vous? demande-t-elle. Je ris de cette innocente provocation. - Mettez-vous à ma place, si vous vous en res­sentez, miss. Je ne connais pas votre langue, encore moins votre ville et pas du tout vos moeurs. A part ça, on me demande de trouver un criminel que vos flics à vous - réputés comme étant for­tiches, cependant - n'ont pu dégauchir. Ça res­semble plus à un numéro de cirque qu'à une enquête. Vous ne trouvez pas? Elle devient grave. - Oui, fait-elle, a priori, ça paraît très difficult. cile ! Difficile - Oh I thanks! Elle sort une cigarette de sa poche. Je m'em­presse pour lui donner du feu et elle me souffle une bouffée bleutée au nez. - Pourtant, Grane a raison: vous, vous connaissez les réactions d'un criminel français. Je hausse les épaules. - Sur cette planète, mon petit, il y a les crimi­nels et les honnêtes gens.., plus les flics qui font la liaison. Je ne crois pas aux criminels français ou américains. - Cependant, au point de vue psychologique... - Oui... Eh bien ! nous verrons. Je passe une chemise, je noue une cravate. - On y va, dis-je en cueillant ma veste sur un dossier de chaise. - Si je me reporte au compte rendu que m'a donné Grane, les filles assassinées appartenaient toutes à des maisons différentes? - Oui. Et alors? - Comment, et alors? Vous n'entravez pas? Sur les sept, il n'y en avait pas deux qui tra­vaillaient dans la même boîte! Ça signifie que le Français change de crèche chaque fois. Si, jusqu'à présent, il n'est jamais retourné une seule fois sur le terrain de ses exploits, ça veut dire qu'il va continuer à... à " prospecter " les autres boites. Voyons, il y a beaucoup de maisons de danse, dans cette ville? - Une bonne cinquantaine. Le chiffre me fait faire la grimace. - Sept ôté de cinquante, reste quarante-trois, fais-je. Hum! il a du pain sur la planche, le cama­rade. Nous restons un moment sans piper mot, enve­îoppés par la fumée bleue de nos sèches. - Vous commenciez à faire une proposition? dit-elle. - Oui, j'aimerais que nous allions danser dans une boite. Une boîte vierge de victime, de préfé­rence. J'imagine mal ces sortes d'endroits. - Facile, murmure-t-elle. Elle demande la note à la barmaid. - Sans blague! fais-je. Les femmes casquent, dans votre pays? - Tout se passe en camarades! Je lui rafle l'addition. - Faisons ça à la française, ma petite amie... C'est l'homme qui douille, mais les relations sont tendres. Elle rosit, ce qui lui va bien. Nous sortons. fl fait nuit, mais, à Chicago, l'obscurité est inconnue. Si vous voyiez, ça, les mecs ! Un flamboiement! Cent mille enseignes gigantesques et multico­lores embrasent le ciel. Une vraie féerie. Un volcan de lumière éblouissante ! Un volcan en éruption. Nous grimpons dans un taxi et Cecilia jette l'adresse au chauffeur. Dix minutes plus tard, nous franchissons le seuil d'une boîte où se dépense un orchestre noir. Une foule épaisse se trémousse en cadence au rythme d'une batterie du tonnerre. La salle est immense. Au fond, se tient un bar où des barmen en veste rouge débitent du coca comme s'il en pleuvait. A l'autre extrémité, la scène de l'orchestre. Des lumières aux éclairages variables, des bancs le long des murs. Et cette populace morne qui se secoue les tripes sans paraître y prendre le moindre plaisir3- Vous dansez ? demande Cecilia. - Oui, mais mal. - Voulez-vous que nous essayions? - Vous allez me prendre pour un gros sac. - Mais non! J'adore qu'on me marche sur les pieds. - Mors, avec ma pomme, vous serez servie. Justement, l'orchestre y va d'un slow. Le slow, c'est comme qui dirait la question de repêchage des médiocres de la danse dont je fais partie. - Vous ne vous défendez pas trop mal, assure Cecilia sans se marrer. - Merci. Tout en la serrant contre moi, j'examine les alen­tours. Il y a des filles assises sur les banquettes, d'autres qui dansent, d'autres qui lichetrognent au bar. On sent les professionnelles. Ce sont des souris toutes pareilles qui, un beau soir... ou, plutôt, un vilain pour elles... Et peut-être la prochaine victime du... Français est-elle là, ne se doutant de rien. A quoi pensent-elles, ces greluses? A rien, sans doute. - Le dernier meurtre remonte à quand? je demande. Cecilia fronce le sourcil. - Attendez. A samedi dernier. Cela fait... Je compte plus vite qu'elle. - Cela fait cinq jours. Dites, il ne va pas tarder à réitérer, le gnace, ou alors il va perdre sa cadence. Non ?... - En effet. - On tient un recensement des taxi-girls, ici? - Pensez-vous! Toutes ne sont pas déclarées. Il doit y en avoir plus d'un millier. - Charmant !... Je répète: - Sept ôté de ....... - Oui, il en reste pas mal à tuer. Je me frotte un instant encore contre le ventre admirablement plat de Cecilia. Si ça continue, elle va me filer des idées, cette môme! Or, je ne suis pas ici pour jouer à la bête à deux dos. - Je vais vous raccompagner à votre domicile, fais-je. M'est avis qu'il vaut mieux que je sois seul cette nuit. J'ai mon petit plan. - Déjà? - Oui... - Dommage que vous n'ayez pas un rôle pour moi dans le scénario... Mais elle est de bonne composition. - Je suppose que vous aimeriez la liste des boîtes comme celle-ci ? Je vous l'ai préparée. Elle la sort de son sac. - Vous pensez à tou- Hé! une seconde! fais-je en lui tendant un second ticket. Elle se dit qu'elle a trouvé le bon pigeon. Elle préfere bavarder en sirotant un verre plutôt que de remuer le prose contre des gars qu'elle ne connaît pas. Au bout de six tickets, on est presque copains. Je l'ai fait marrer, ce qui est la première chose à faire lorsqu'on veut conquérir une femme, quelle que soit sa nationalité. - On se voit, tout à l'heure? Bien sûr, elle ne pige pas illico. Je me souviens alors que j'ai un petit dictionnaire franco-anglais dans ma poche. Grâce à lui, je lui pose un rambour. Elle l'accepte de bonne grâce. Elle finit son tapin à deux plombes du mat', c'est-à-dire dans trois heures. Moi, ça me laisse du temps. - A deux heures, je serai devant la boîte, pro­mets-je. Etje sors. J'ai le bocal gros comme une citrouille. Cette atmosphère irrespirable me chavire. Un petit vent aigre balaye la strasse. Je respire profondément, histoire de purger mes poumons. Tout de même, ça ne vaut pas l'air de Paname! Un taxi rôdaille par là. Je lui fais signe. Je sors ma liste et je lui donne l'adresse qui figure en hautLe mec se met à rouscailler comme une vache. Je comprends pourquoi immédiatement; l'adresse que je lui donne est à deux cents mètres à peine. Pour lui obstruer le bec, je lui allonge un dollar et j 'entre dans la nouvelle turne. Celle-ci s'appelle : Cyro's. C'est du kif. Même ambiance, mêmes gens. Je prends un seul ticket et j 'inspecte le local. Entre nous et la place des Ternes, je ne vois guère ce qu'il peut y avoir à repérer ici. Des gens qui dansent, mornes et vides comme des sifflets ! Vrai, c'est d'un lugubre !... Je vais au bar et je demande au barman s'il a du champagne. Il me répond oui. Et il s'annonce avec une bouteille dont l'étiquette est écrite en anglais, ce qui ne manque pas d'humour. C'est de la pisse d'âne de dernière qualité. Il devait avoir du diabète, le bourricot. C'est fade, sucré, triste et pâteux. Je repousse mon verre. Je paie. A ce moment-là, il y a un grand diable à la mâchoire proéminente comme un tiroir de caisse enregistreuse qui me frappe sur l'épaule. - Vous êtes français ? me demande-t-il. - Oui. Pas vous? dis-je, car il a un accent àcouper au sécateur. - Suivez-moi ! ordonne-t-il. Et il ajoute- Police. D'un geste qui ne manque pas d'élégance, il glisse sa main par l'ouverture de ma veste et palpe ma seringue. - Hé! doucement! fais-je, comprenant la méprise. Moi aussi, je fais partie de la police. Je lui montre mes papiers. - Téléphonez à Nord 54-54, les services de Grane vous confirmeront mes dires. Son visage en forme de coupe-papier s'élargit un instant pour sourire. - J' m sorry, murmure-t-il. Navré, commissaire, mais je suis de faction ici pour l'histoire. On a déjà tué des filles de la maison. Je fais claquer mes doigts. Cecilia a marqué toutes les boîtes sur sa liste, y compris celles où le meurtrier s'est manifesté. Jc me souviens en effet avoir lu le mot Cyro's sur le~ rapports. - Comment est morte la fille d'ici? - Dans la cabine téléphonique du hall. - Très curieux... Etranglée, n'est-ce pas? - Oui. - J'aimerais jeter un coup d'oeil. - Facile. Arrivez! Je l'accompagne jusqu'à l'entrée. Là, sac. Au fond de ce cul-de-sac se trouvent deu, cabines téléphoniques. Entre l'entrée et le~ cabines, le vestiaire, puis les toilettes. En somme, le gars était peinard pour étrangler k gonzesse, car les cabines sont en partie masquéeE par le vestiaire. - Personne n'a vu la fille se diriger vers le télé~ phone? - La préposée du vestiaire. Mais elle ne sais pas si les gens qui passent devant elle se rendent ai.~ téléphone ou aux toilettes. - Evidemment! Je vois un écriteau sur la porte des toilettes: ladies. - Les toilettes réservées aux hommes ne sont pas ici? - Non, dans l'autre partie du hall. - Et la fille du vestiaire n'a pas remarqué d'homme de ce côté ? Cela doit pourtant attirer son Peu de mâles doivent croiser dans le sec­teur réservé aux femmes. - Elle n'a pas vu d'homme. - Vous ne trouvez pas cela étrange? - Tout est étrange, dans cette histoire. Je le regarde. - En somme, en quoi consiste votre job, ici? - Les chefs ont décidé de poster un inspecteur forme comme une équerre. Il y a une seconde partie se terminant en cul-de- ~t le français dans toutes les boîtes4 Bonne précaution, ricané-je. Je vais jusqu'aux cabines. - Dans laquelle? - Droite... La plus en retrait, bien entendu. Comment fonctionne le téléphone, ici? On introduit des nickels dans la fente. standardiste vous donne votre communication. - La fille avait demandé un numéro? - Non. On a retrouvé son nickel par terre. n'a pas eu le temps. Le type lui a sauté dessus. - C'était risqué, dites... - Très. Je murmure pour moi tout seul: il fallait que le gars soit drôlement pour prendre un risque pareil. On l'a retrouvée quelle heure, la souris? - Le lendemain matin. C'est le Noir qui fait nettoiement. - La mort remontait à quelle heure? - Une heure du matin. - Et, entre une heure du matin et la personne n'a téléphoné? Il me regarde, perplexe. Certainement pas, fait-il. Certainement pas, ou non? il y a un guo entre les deux- Si quelqu'un avait téléphoné, il aurait décou­vert le cadavre et donné l'alerte. - La standardiste doit tenir une comptabilité des appels; c'est du moins ainsi que cela se passe en France. - Aux Etats-Unis également. - O.K. ! Il ne reste qu'à lui demander la liste et l'heure des demandes émanant de cette cabine le... Au fait, quand a été butée la poule .... - La quoi? - La petite. - Samedi dernier. - C'est donc la dernière de la liste? - Oui. - Tiens! Vous m'accompagnez jusqu'au stan­dard? Il hésite. - Oui. Il rafle son chapeau au vestiaire où on lui a réservé un petit coin spécial. - Suivez-moi ! ordonne-t-il. Mais je ne bouge pas. Je suis contre l'espèce de comptoir de velours du vestiaire et je regarde en direction des cabines. On voit très bien celles-ci. il faut être plus que téméraire pour attaquer quel­qu'un dans de pareilles circonstances. A vrai dire, la chose me semble pratiquement irréalisable. Une femme ne se laisse pas étranglesans ruer ou crier, et il est difficile de saisir conve­nablement ledit quelqu'un dans un endroit aussi exigu. - A quoi pensez-vous? me demande mon compagnon. - Au meurtre, bien sûr ! monsieur heu... - Stumm! - Monsieur Stumm. Un drôle de meurtre ! ... Nous sortons. On tourne le coin de la rue et, deux blocks plus loin, nous tombons sur un bâti­ment où il y a écrit en gros : Central Post Office. Stumm se repère là en habitué. Des couloirs, des ascenseurs... Nous débouchons dans une salle immense où une tinée de gonzesses jactent devani les tableaux lumineux hérissés de fiches. il va droit à l'une d'elles. Puis il me fait signe. Je l'écoute bafouiller, ne saisissant pas le cen­tième de ce qu'il bonnit. Ensuite, il file à un bureau marqué " Private ",~ juste comme dans le filin policier made in Hollywood qu'on projette dans votre quartier. Là.i un vieux crabe boit le contenu d'une bouteille theri mos en faisant de petits effets de langue. Les deux zigs parlent un bout de temps, puis le, vieux crabe commence à farfouiller dans un immense classeur. il en extrait des piles de feuillets couvertes dpapier gommé sur lesquelles sont inscrites des abréviations à la machine. Et je te discute le bout de gras. Et je te pousse des exclamations. A la fm, Stumm se tourne vers mégnace: - il y a eu quatorze appels entre une heure et deux heures, depuis le Cyro's. il paraît tout contrit. Moi, je mouille, vous pensez... - Tiens, fais-je, je croyais que vous étiez des phénix, dans la police américaine. En France, le FB .1. et le reste, on en consomme autant que la pénicilline! Il est penaud pour toute la police des U.S.A., Stumm. Il en bave des ronds de galure. Nous sortons. - il faudrait donc conclure que ces quatorze appels sont partis de la même cabine? Hum! ce serait assez bizarre. Il ne me répond pas. Nous marchons en silence. La nuit devient plus fraîche, plus venteuse. - Il y a peut-être eu erreur quant à l'heure du décès, fait-il enfin. Peut-être la fille n'est-elle morte que juste avant la fermeture? - Pendant la ruée du populo sur le vestiaire? Evidemment, ça parait invraisemblable. Il hausse les épaules- Ce~þc ô~2kT, 1~~i.~-jt', ~ .W .'~V.~t79 w~ de ea~ uatre. Ix>uLII~ c1~ ~ ~ 9~ à ~'~s i~ux,je me charte ~ie J 'affaire. Il a un signe de tête affirmatif. Je bigle ma montre que j 'ai réglée sur l'heure de hicago, because les fuseaux horaires. Vous avez ~ entraver ça à l'école. Non? C'est vrai que vous 'êtes qu'un beau ramassis de cancres! heure moins des... J'ai le temps d'aller rr,e jeter qiielqUe~ centilitres whisky dans un troquet convenable, ~ de mofl Croyez~moi ou ne me croyet '~, ~ reprends espoir. Je me dis que, vue d'ici, la voie ~ ç~t,. 1k~ m~"~ à peu de chose près et que mon étoile continue d'y briller. En tout cas, la matière grise fonctionne toujours au petit poil. ~ Non? iuit. La cabine a servi entre l'heure présumée de la de l~établîssement. Je sors mon tarin du verre de rye e~ j' ~X XXX\~ bonne raison à cela : le glass est vide. Stunini a peut-être raison, le toubib de la police a pu se foutre le doigt dans l'oeil. Un toubib qui joue au con, ça se voit souvent, beaucoup trop sou­vent! Oui, il y a cette solution. Mais il y en a une seconde, et j' ai la faiblesse de m'y attarder k môme a pu être étranglée autre part et amenée ic par la suite! En ce cas, cela changerait la face du problOc. - How rnuch ? je demandeLe garçon me dit un chiffre que je ne pige pas. D'un geste informé, j'aligne un billet de cinq dollars. Puis j 'empoche ma mornifle et je me mets à la recherche de ma première boîte de danse, celle devant laquelle j 'ai rambiné une taxi-girl. J'ai hâte d'avoir un petit aperçu du comportement privé de ce genre de donzelle. Puisque je suis ici pour la chose de la psycholo­gie, comme dit Grane, autant y aller carrément! Il est deux plombes plus trois lorsqu'elle radine. Vaporeuse, ma Dorothy Lamour pour noces et ban­quets ! Faut voir! Moi, je suis un peu emprunté, je ne sais pas par quel bout on les chope, les gis­quettes, ici! - Un glass? Qu'est-ce qu'on risque? Elle dit: - Yes... On va se tortiller quelques verres de whisky. Puis je lui exprime ma sympathie d'une façon toute manuelle, ce qui est la seule méthode interna­tionale que je connaisse. - On go to bed ? fais-je, après que les premiers attouchements se soient avérés concluants. Elle n'est pas contre, mais elle a un regard à mon lai-feuille qui en dit long comme une rame de métro sur son désintéressement. Je cligne de l'oeil en tapotant mon crapaud. Ça la met en confiance, cette mignonne Elle piaule, à quelques rues de là, un petit appar­tement assez minable. Elle met son doigt sur ses lèvres lorsque nous grimpons l'escalier. Ça me rappelle la bonne pro­vince française, quand j 'allais sauter la bonniche des voisins. Le meilleur moment de l'amour, c'est lorsqu'on grimpe l'escalier. Je suis la souris en regardant onduler son postère fort aimablement. Elle a le dargeot sympa, c'est énorme. Ça aide aux relations culturelles. Je la suivrais comme ça jusqu'à la planète Mars. Mais elle va moins haut, le troisième étage lui suffit. Elle engage une clé plate dans une serrure confi­dentielle. Je vous l'ai dit, c'est locdu, comme crèche. Locdu et vaguement craspect, avec les serviettes de toilette sales par terre, un divan dont les couver­tures balayent un parquet qui en a plutôt besoin. Des mégots poisseux de rouge dans les cendriers, des pantoufles ravagées, des culottes sur les dos­siers de chaise. Enfin, ça n'a pas d'importancL'amour, ça se fait n'importe où, n'importe com­ment. L'essentiel est qu'on soit deux Je pose mon bada et ma veste. A ce moment, elle découvre ma seringue accrochée sous mon bras. Elle devient toute chose. Vous parlez d'un petit étourdi que je fais Elle devient pâle comme une crème fouettée et ses yeux s'agrandissent. Je rigole. - I arn the French I dis-je. Du coup, elle ouvre grand sa gueule et se met àhurler, sans souci des voisins dont pourtant elle semblait vouloir respecter le sommeil. Mors, je l'empoigne par le bras. - Silence Je lui montre mes papiers. Le mot police est aussi éloquent en français qu'en anglais. Elle se calme. Petit à petit, je l'apprivoise. Je lui explique ma mission et ça la réconforte. On fmit par mettre au point un petit langage ànous qui nous suffit à exprimer des idées cohé­rentes sinon philosophiques. Je lui demande si elle connaissait les souris qui ont été butées et elle me répond que non. Elle n'a pas la moindre idée de ce que peut être le soi-disant Français assassin. Tout en discutant le bout de gras, je lui flatte les hanches et la conversation finit par laisser place aux gestes. Elle a un beau coup de reins, la gamine! On s'en offre une drôle de tranche, je vous le promets. Jamais les rapports franco-améri­cains n'ont été aussi serrés Quand on a terminé la partie de zizi-panpan, on recommence à jacter. C'est une grande loi humaine: un sens intervient toujours après un autre. Elle me dit que son turbin est épuisant. La danse fatigue. Les veilles aussi. Bref, elle rêve d'être manda à un mec convenable qui lui achèterait un gentil cottage dans la banlieue et lui ferait une paire de lardons. C'est le rêve de toutes les gerces qui ne mènent pas une vie très réglo. Je m'informe de ses gains. Elle touche une ris­tourne sur les tickets empochés et une autre sur les consommations. Dans les bonnes soirées, elle se fait un peu de fric, mais il faut en suer! Probable qu'elles arrondissent leur budget en faisant une petite passe, de temps à autre! Elles ne peuvent jamais refuser la clientèle; c'est interdit par la direction. - A qui appartiennent ces maisons, fillette? - A un consortium. Chacune a un gérant qui dépend de la société principale. - Et qui dirige la société? - Maresco..- Qu'est-ce que c'est que ce type-là? Elle ne répond pas. Je n'insiste pas. Je sens en elle comme une méfiance. Tant qu'il n'était question que du travail, ça boumait, mais, maintenant qu'on aborde un sujet plus épineux, elle joue à la carpe et ne com­prend plus mon langage. J'hésite, puis je sors un billet de ma poche et je le dépose sur le lit. Elle reste assise, immobile. C'est à peine si elle me dit au revoir d'un bref mouvement de tête. Peut-être n'ai-je pas donné assez? Pourtant, je lui ai lâché vingt dollars. C'est pas sale pour subir mes hommages, hein? Un coup de tringle à la française, ça devrait au contraire se payer! Décidément, les grognaces de Chicago sont bien déroutantes, avec leurs façons de se faire tuer comme des mouches ou de ne pas dire merci lors­qu'on leur crache de l'osier. Je hèle un taxi: - Le Connor, rapidos! Il est temps que je me file dans les toiles, car je ne tiens plus sur mes cannes Ça fait un bout de temps que je ne me suis pas couché dans un bon lit tout blanc. BAS LES PAUESIl n'est pas loin de midi lorsque je me réveille. Je commence par le commencement, c'est-à-dire par prendre une douche froide, ensuite de quoi je téléphone à Cecilia, histoire de lui donner un petit bonjour. Mais ça ne répond pas à son domicile. Je demande alors Nord 54, deux fois, et c'est sa voix harmonieuse qui lâche dans l'ébonite le tradition­nel " Hello ! ". - Passé une bonne nuit ? demande-t-elle. Il y a quelque chose de moqueur dans son ton. - Pas mauvaise. Pourquoi? - C'est votre genre, le brun? C'est vrai que la Française est surtout brune. Je deviens prudent comme un gars chargé de déminer une région. - Tout ça pour en arriver à quoi? - A la petite taxi-girl que vous avez enlevée cette nuit. Je prends l'apostrophe dans les gencives. - On est en Russie ou en Amérique ? je râle! On me fait suivre ! Si c'est ça, je refais ma valise et le premier avion pour la Francecaille, y a moi dedans! Elle éclate de rire. - " On " ne vous fait pas suivre, affinne-telleMais " on " fait suivre tous les hommes qui atten­dent une taxi-girl à la sortie de son travail. C'est la plus élémentaire précaution, vous ne pensez pasJe ne réponds rien. Evidemment, j 'aurais dû me douter de la chose. En tout cas, ils font fort bien leur service, les anges gardiens, je ne me suis aperçu de rien. Très élé­gamment fait! Je pense à Stumm, lequel m'a sauté sur le poil illico. Mazette, ils ont mis en place le dispositif numéro un. - Vous n'êtes resté chez elle qu'une heure, fait-elle. Je croyais que les Français restaient beaucoup plus longtemps chez les jeunes femmes. Je me fous en rogne. - Vous verrez, lorsque j'irai chez vous! Elle ne l'a pas volé. Du reste, ça la déconcerte un peu. - Dites-moi, Cecilia, soyons sérieux. J'ai sim­plement voulu me rendre compte de la façon dont vivait une taxi-girl. - Et c 'est concluant? - Qui sait ?... Autre chose: cette surveillance étroite dont les maisons de danse font l'objet, y a-t-il longtemps que vous l'exercez? - Dès le deuxième meurtre... et elle n'a fait que se renforcer. - Je ne vois pas comment, en ce cas, mon ' ~ " a pu commettre les cinq autres for- - Nous non plus ne le voyons pas. - il paraît que toutes les boîtes appartiennent àiu - C'est exact. - Et il paraît également que le consortium a àin v~raii N'y 9 - Dites-moi, vous en avez appris des choses! - Une heure bien employée, en compagnie Et encore, je ne parle pas la langue vi ~ii~ marquer un point. - Qui est ce Maresco? - Vous avez entendu parler d'Ai Capone? - Je connais mal l'histoire des Etats-Unis, mais qu'après La Fayette, c'est le gars qui a le p ~rdeluiici. Maresco a été comme qui dirait un de ses - Bravo. Et, vis-à-vis de la police, quel rôle ~ t il n in Aucun. Il se tient... ... Peinard? C'est ça. i veut dire quoi? Qu'il bande les yeux des billets ? Ça veut dire ce que je vous dis: il se tienpeinard. L'origine de sa fortune est plus que dou­teuse, mais la façon dont il la gère est régulière. - Bon, bon... Où habite-t-il, cet I homme? Pourquoi? J'aimerais lui dire un petit bonjour. Elle semble abasourdie. - Quoi ! Vous voulez voir Maresco? - C'est pas le bon Dieu, non? - Ici, c'est beaucoup plus! Pour le voir, on une recommandation du gouverneur au moins et demande audience deux mois à l'avance. Bon. Il habite où? Kedzie Avenue, près de Garfield Park. Sa maison ne porte pas un numéro? - Peut-être, mais elle n'en a pas besoin, tout le monde la connaît. Elle ajoute: - Vraiment, vous allez essayer de le voir? - Je vais le voir, Cecilia. - Quelle idée! - N 'est-il pas le grand patron de toutes filles mortes ? - Si, dans un sens. - Eh bien, c'est dans ce sens-là que je parler. Il a eu des réactions, Maresco, en qu'on démolissait ses gambilleuses? - Il a offert une prime à qui découvrirait - ou permettrait de découvrir - l'assassin. - Grosse? - Dix mille dollars. - Hum! c'est d'un bon patron, un pareil geste Je réfléchis afm de voir si je n'oublie rien. Mais non, je lui ai posé toutes les questions qui me titillaient la langue. - Ça va, je vous laisse travailler, mon ange. Faites mes amitiés à Grane. Elle prend un ton très nonchalant pour demander: - Je vous vois, aujourd'hui? - Evidemment, dis-je. il est bien entendu que vous m'invitez ce soir, à neuf heures, à prendre un drink chez vous. J'ai votre adresse! Je raccroche sans lui laisser le temps de retrou­ver ses esprits CHAPITRE IV MARESCO (bis) Kedzie Avenue est en plein coeur de la J'avise un mec occupé à ramasser des débris papier ou des épluchures de fruits qu'il jette une sorte de tonneau à roulettes. - Hello! je lui lance, the Maresco please? Vous vous rendez compte combien mon se perfectionne? Du reste, il n'hésite pas un de seconde et me désigne une bicoque qui drait parfaitement à M. Ford pour monter une ~ cursale. Un immense dais bleu, clouté d'étoiles I orne l'entrée. De part et d'autre de la lourde, il y deux portiers galonnés. M'est avis que si Maresco ne se prend pas pour le président Etats-Unis, il ne se prend pas non plus pour 1' crément qui décore la bordure du trottoir. Je grimpe les marches du perron. Les deux portiers, sans se consulter, se rappro­chent, ce qui bloque net la lourde. Je bigle les deux immenses épaules jointes. C'est ce qu'un prof de géographie appellerait une " frontière naturelle " L'un d'eux me pose une question. Sans doute me demande-t-il ce que je viens maquiller. - I veux voir Mr. Maresco! ils me dévisagent. Alors, je gueule: - Police! en leur soufflant dans le nez à la façon de King-Kong. Là, je les émeus un tantinet. Le plus massif (tout en ronce de noyer !) me fait signe de le suivre. Nous pénétrons dans un hall au fond duquel un huissier en smoking, qui ressemble à un croupier, dit des trucs inaudibles dans un télé­phone intérieur. Lorsqu'il a raccroché, il nous dévisage sévère­ment. Le portier baratine. Je laisse flotter les rubans. - I flot speak english, dis-je modestement, après qu'il a jacté. I arn afrench policeman. I will, I want. M..., je veux voir Maresco, et au trot, remuez-vous ou je fais un malheur! L'huissier ne bronche pas- Ask Nord 54-54, lieutenant Grane! fais-je sèchement. J'écris le numéro de téléphone. A la fin, l'huissier décroche son appareil inté­rieur et demande conseil à un mec. Il me fait signe de m'asseoir sur une banquette couverte de satin bleu. Je refuse et je me mets à faire les cent pas dans le hall. Cinq interminables minutes s'écoulent L'huissier ne me perd pas des yeux. De temps à autre, je me plante devant lui et je le renouche. Comme j'ai l'oeil américain, je ne mets pas long­temps à repérer la grosse bosse que forme son veston de smoking, du côté de l'aisselle gauche. Ils ont de drôles de stylographes, les huissiers de Maresco, vous pouvez me croire. Des stylos de calibre 45, pour un mec qui est rangé des voitures, c'est assez cocasse; il est vrai que nous sommes en Amérique, un bled où il ne faut s'étonner de rien. Enfin, le bignou grésille. Il décroche et grogne: - Hello! Il écoute religieusement, secoue la tête, et rac· croche. - This way, please I me jette-t-il. Il me fait entrer dans un ascenseur qui ressembl4 à un salon. L'intérieur est tendu de peau de suèdebeige et une banquette bleue attend les postères fatigués. Mais ça ne vaut pas le coup de s'asseoir, car ces vaches d'ascenseurs vont à des allures impression­nantes. Vous n'avez pas retiré votre doigt du bouton que déjà vous êtes arrivé. Nous marchons sur un tapis moelleux comme une tranche de pudding et un zig costaud, vêtu d'un complet marron et cravaté de jaune, s'inter­pose. L'huissier me confie à lui. Le nouveau gnace mesure dans les deux mètres et, lui aussi, a le cos­tard gonflé à gauche. Peut-être, après tout, qu'ils ont le coeur dilaté, dans la baraque. Il garde son chapeau sur la tête et mâche de la " gum ". Voir encore une fois au cinéma de votre quartier! Nous passons deux portes. Puis c'est un bureau comme je n'en ai encore jamais vu, même au ciné. Si une bombe tombait sur le Palais des Sports, Bénaïm pourrait organiser ici ses réunions de boxe. Cette pièce tient toute la superficie de l'im­meuble. D'immenses fenêtres l'éclairent large­ment. A l'extrémité, c'est arrangé en bar luxueux. Au milieu se trouve un meuble couvert de peau de suède - Maresco a dû faire un voeu ! - et cerné de fauteuils qui ressemblent à un troupeau d'élé­phants. Quelques costauds du format de celui qum'escorte sont enfouis jusqu'au cou dans lesdits fauteuils. Derrière le bureau se tient un vieux bon­homme aux cheveux drus, grisonnants. On voit qu'il est vieux à son visage ridé, mais, comme prestance, il se pose là! Il a d'épais sourcils, l'oeil noir et enfoncé, la bouche mmce. Pour les fringues, c'est un Brummeil! Complet bleu croisé, chemise blanche, cravate noire ornée d'un filet bleu. Aux doigts, une quincaillerie valant des milliers de dollars. Il me regarde venir comme un roi, du haut de son trône, regarde venir le mendigot de la semaine. Lorsque je suis devant lui, il m'examine silen­cieusement, implacablement. Son regard est d'une cruelle éloquence: il m'apprend que ma cravate rouge ne va pas du tout avec mon costard gris àrayures, parce qu'elle est elle-même à rayures. Que mes chaussettes bleues sont une hérésie et mes pompes de daim une preuve de mauvais goût. J'essaie de briser sa contemplation en lui adres­sant un salut que je m'efforce de rendre cordial, mais il est hypnotisé. - Si je vous plais tellement, je peux vous avoir ma photo en pied, je murmure. - A quoi bon ? rétorque-t-il. Son français est excellent. Sa voix est douce, chaude, comme celle d'un speaker qui donne aux futures mamans des conseils de puériculture.J'avoue que je suis surpris. - Vous parlez français ? balbutié-je. - Devinez ? fait-il sans rire. Drôle de gabarit! Des types comme lui, on n'en rencontre pas des tonnes - Vous êtes de la police française? - Oui. - Grane vient de me donner des explications, inutile donc de résumer. Vous attendez quelque chose de moi? Je me convoque d'extrême urgence pour une conférence intime. " San-Antonio, je me dis, l'honneur national est en jeu. Si tu continues à te laisser mettre en boîte par ce zigoto, tu vas tellement avoir l'air d'une crêpe que tu n'oseras plus jamais te rencontrer dans une glace. " Je me racle le corgnolon. - Oui, fais-je, j'attends plusieurs choses de vous: un siège, pour commencer, car j'ai horreur de parler debout, et ensuite quelques minutes d'at­tention. Son sourcil gauche remonte d'un centimètre. il est vachement surpris et, par conséquent, inté­ressé. D'un coup de pouce, il me montre un fauteuil. Je m'y laisse choir, puis j 'examine les quatre 66 BAS LES PAlTES! bmtes dispersées dans l'immense pièce comme des naufragés sur des atolls! " Faites chauffer l'atoll! " comme diraient gars de Bikini Je leur souris aimablement, mais autant sourire àquatre tas de terre. Leurs cerveaux sont gros comme des noisettes et se perdent dans la masse. Alors, pour la question des réactions, vous repasse­rez la semaine prochaine ! Tout ce qu'ils sont capables de faire, ces tordus, c'est de sortir un pétard de leur poche à la vitesse où vous crachez un noyau de cerise et de vous téléphoner une pra­line dans le bocal! Je reviens à Maresco, lequel, décidément, offre un intérêt humain. - ils ne sont pas marrants, vos boy-scouts ! je lui fais. Chez nous, les tueurs sont plus rigolos, car ils sont latins il ne bronche pas. Mais sa bouche s'entrouvre d'un quart de poil. - Aux Etats-Unis, dit-il, le temps est une valeur. Je n'ai que quelques minutes à vous accor­der, monsieur le commissaire français. - Le Bon Dieu vous le rendra, fais-je genti­ment. - Que voulez-vous? - Vous poser une question. BAS LES PAflES 67 - Vous n'avez aucune qualité pour poser des questions à un citoyen américain. Il doit être bon sur un court de tennis, Maresco. il a le don de la riposte! - J'agis à titre officieux, d'accord, mais sur la demande de votre police. Maresco se tourne légèrement en biais afm de pouvoir croiser ses jambes. - Ecoutez, dit-il, je suis d'origine italienne. Je connais beaucoup l'Europe, la France en particu­lier. Dans nos pays, tout est officieux, mais, ici, tout est officiel. L'officieux, c'est fait pour les gens qui ont du temps à perdre. " Moi, je n'ai pas le temps de répondre à vos questions. Vous venez me parler des filles assassi­nées, vous avez appris que les boîtes auxquelles elles appartenaient sont sous mon contrôle et vous jouez les enquêteurs. Je ne sais rien. J'ai promis dix mille dollars à qui trouvera le meurtrier. Trouvez-le et passez à la caisse. " il se dresse à demi. - Bonsoir. Comme mise à la lourde, c'est du gratiné, vous ne trouvez pas? Je ne veux pas lui donner la satisfaction de me voir en crosse. - Comme vous voudrez, Maresco, dis-je en me levant. Pourtant, si vous ne voulez pas me parler, 68 BAS LES PATTES laissez-moi vous dire quelque chose. Je ne crois pas beaucoup à l'histoire du meurtrier sadique. Un meurtrier sadique se serait fait crever depuis le temps. Et puis... Et je le bigle puissamment: - La petite du taxiphone n'aurait pas été portée dans la cabine " après sa mort et après la fermeture du Cyro's! " Je me taille sans me retourner. M'est avis qu'il doit regretter ses manières d'empereur romain, le vieux Rital! Le tueur à gages qui m'a escorté pour venir me raccompagne. qUne fois dans l'avenue, je respire puissamment. Curieuse prise de contact, à la vérité! Je viens de faire connaissance vraiment avec les Etats-Unis. C'est une sorte de baptême du gangstérisme. Je tourne le coin de l'avenue et je pénètre dans un établissement tout ce qu'il y a de sélect. - Double whisky! dis-je en m'accoudant au bar. CHAPITRE V UNE VIEILLE CONNAISSANCE Le Cyro's est fermé. Une grille à croisillons en interdit l'accès. Pourtant, j 'entends chanter à l'inté­rieur. Un zig brame à plein chapeau. Et ce zig, je vous parie la main de ma soeur contre le masseur de Marlène que c'est un Noir. Il n'y a qu'un Noir pour chanter les blues de cette manière-là. Je passe mon poing au travers de la grille et je cogne dans la porte. Ça ne produit tout d'abord aucun effet, mais la persévérance est toujours récompensée. A force de tabasser, la chanson s'arrête et la lourde s'en­trouvre. Je vois apparaître le visage rigolo d'un négrillon. Il est en veste blanche boutonnée sur l'épaule, il porte un pantalon bleu et il est coiffé d'une casquette à petite visière. - Excuse me, lui dis-je. Open, police! étinceler comme un collier de perles. .Je sais que cette comparaison est d'une pauvreté navrante, mais les plus grands auteurs se laissent aller à la facilité. - Open! Je le gueule tellement fort que des passants se - retournent. Et je rajoute: - Police! Parce que c'est le mot qui a le plus de chance d'impressionner un honnête homme. Le négus a fmi par réaliser. Il ouvre la grille et je - pénètre dans l'estanco. Le coin est vaste, désert comme une cathédrale après les vêpres et en grand nettoyage. C'est le négus qui se tape la séance d'aspirateur avant de remettre les sièges en place. C'est certainement lui qui a découvert le cadavre de la souris dans la cabine. Mais, comme il ne jacte pas une broque de français, je renonce aux ques­tions. Je sors mon dico de ma fouille et je construis des phrases comme on joue au puzzle. En quelques minutes de cet exercice qu'il suit avec attention, je parviens à lui faire comprendre que j 'ai besoin de voir le gérant de la taule, et de le voir rapidement! Il sourit aimablement alors et m'entraîne solen­nellement vers le fond de la salleNous pénétrons dans un couloir bas de plafond. Au bout, il y a l'éternelle porte Private. Ce sont ces portes-là qu'un flic aime le mieux franchir. Le Noir frappe. Un grognement lui répond. Ce grognement doit vouloir dire " entrez ", car, sans hésiter, il ouvre. J'aperçois un grand type brun et maigre derrièr~ un bureau. Tout le monde vit derrière un burlingue, dans cette contrée. Comme sale gueule, il faut aller loin pour trou­ver pire ! il est bistre, il a le regard fuyant, les pommettes saillantes et un air faux-cul vaporisé sur toute la physionomie! il bondit et repousse un tiroir. Hello I fais-je. Je parie le dentier de votre vieille aïeule contre une douzaine de roses rouges que vous parlez français. il me toise d'un air inquiet. - Oui, admet-il. Perqué? - Parce que vous êtes italien aussi et que vous avez vécu à Pigalle avant de venir aux U.S.A. Je continue: -- Vous vous appelez Seruti. J'ai bien connu M. votre frère ! J'étais là lorsque les flics l'ont serin­gué à la Villette, dans la cahute où il s'était plan­qué avec Mario-Grosse-Tête! Il en est baba, le frère - Yé m'appelle Seruti, admet-il, drôlement soufflé. - J'ai une mémoire visuelle extraordinaire, affirmé-je avec modestie. J'ai vu ta gueule aux dossiers, à Paris. Alors, comme ça, tu t'es rangé? - Oui, dit-il, jé faite ma situationne à Chicago. Je m'assieds en face de lui. - Le monde est petit, dis-je. il est mal à l'aise. il me regarde en se demandant qui je suis. - Police ? questionne-t-il prudemment. Je lui présente ma carte. - Commissaire San-Antomo. Il se dresse. - Non, chez nous, t'es à jour. A moins que tu aies une ardoise secrète? Il fait un grand signe de dénégation. - Bon, te fais pas péter une articulation, il n'est pas question de boulot. il me dédie alors son plus chaleureux sourire. - Bene, j'aimé mieux ça. On prend oun drink? - D'accord. Il me regarde en riant et répète ma phrase initiale: - Lé monde est pétite! Puis, réalisant que ça n'était pas seulement pour pouvoir parler de Pantruche que je suis venu: - Vous avez bésoin dé moi- Qui sait, fais-je en trempant mon pique-bise dans le verre de rye qu'il vient de me verser. Du coup, son bel optimisme s'évapore instanta­nément. - C'est dans ta taule, icigo, qu'une môme a été scrafée? - Oui, mais... - Il y en a d'autres, je sais. Une épidémie... - Oui. - Seulement, la tienne, elle est cannée d'une façon poilante. Dans une cabine... Etranglée, la pauvre chérie. A proximité d'un tas de gens qui n'ont rien vu, rien entendu. - Yé n'y souis pour rien. - Ben, voyons! Simplement, tu pourrais me dire à quel endroit elle est morte, la pauvrette. - Mais... - Ah! non. Te mets pas à bêler, ça fait couenne! - Yé vous assoure, commissaire, yé né connais dé l'affaire qué cé qué les journaux en ont dit... - Passe la main! Tu es le boss de cette boîte, oui ou non? - Oui, mais... Je lui allonge un parpin qui lui arrive illico à la pointe du menton. Il a un geste rapide vers sa seringue, mais j 'ai sorti la mienne avant. - Laisse l'artillerie à ta gauche, chéri... Et pardonne un mouvement d'humeur. L'humeur, c'est mon défaut mignon. Il met ses pognes à plat sur la table. - Bon, bien sage... Je sais que la fille n'a pas été étranglée dans la cabine. Elle l'a été ailleurs, mais, par la suite, on a transporté sa carcasse dans le taxiphone. Ne proteste pas, je te dis que je sais cela. J'en déduis que la fille a été tuée dans ce coquet établissement, mais dans un autre endroit où tu n'aurais pas aimé qu'on la trouve. Mors, après la fermeture, toi et tes pieds nickelés, vous l'avez mise là-bas. Une cabine, c'est une chouette idée; c'est le petit coin d'ombre accessible pour tout le monde. il se lève. - Commissaire, dit-il, jé né sais pas dé quoi vous parlez. J'ai déjà répondou à la police, jé n'ai plou rien à dire. Rien! Cette fois, il est sûr de lui. il a fait son petit numéro mental, il a réalisé qu'ici je suis un double zéro, un résidu de lavasse. La police de Chicago n'a pas l'air de bien impressionner les truands en place. - Bon! dis-je. Nous parlerons de ça un de ces quatre. Mais crois bien que j'en sais long, plus long encore que tu ne le supposes. Cette nuit, j 'ai passé une heure charmante en compagnie d'une souris de la taule voisine. Elle a eu une conversa­tion très édifiante. Je me lève. - Bye-bye, Seruti. Et je m'en vais en refilant un dollar au Noir qui manie l'aspirateur. Je viens de foutre un paveton dans la mare. M'est avis, les gars, que l'eau ne va pas tarder à se troubler. Vous trouvez peut-être que j'agis d'une façon un peu incohérente; seulement, ma seule arme, ici, c'est le pifomètre. Faut bien que je m'en serve. NonUne fois dans la rue, je perçois un bruit pareil au grondement du métro. Je comprends que c'est mon estomac vide qui fait ce raffut. Alors, j'entre dans un bar et je commande un sandwich-club. Une fois colmatée la brèche de mon estomac, je décide d'aller serrer la cuillère à Grane. Vu que c'est lui qui m'a relancé jusqu'à Paname, il est plus que normal que je le tienne au courant de mes investigations, comme ils disent ici Je m'annonce donc dans le building maison - ou plutôt " grande maison " - et j'adresse un petit salut déjà protecteur au flic qui monte le pet devant la lourde. Seulement, cet enfoiré ne me remet pas, car il est nouveau. C'est fou comme les gens qui ne vous ont jamais vu vous remettent péniblement! La tendre Cecilia fait fumer une machine àécrire à force de lui cogner dessus. En m'apercevant, une légère coloration inonde son beau visage. Elle s'arrête de malmener son clavier et se lève. - Oh ! vous, murmure-t-elle. - Yes, me I fais-je. Elle reste immobile. Je m'approche d'elle et je lui roule un léger patin. - C'est de la folie, balbutie-t-elle, après me l'avoir rendu. Elle a les châsses qui jouent à l'appareil à sous. Vite, elle se recharge les baveuses. Puis elle renouche à droite et à gauche, mais il n'y a per­sonne. - N'oubliez pas que vous m'offrez le café ce soir, dis-je gentiment. - Vous pourriez venir dîner, murmure-telle en baissant chastement les mirettes. - Pourquoi pas? - Vous aimez le soja? Je réprime la grimace qui s 'apprêtait à me contacter la physionomie. - Pourquoi pas, fais-je, lorsqu'il est servi par vous? Je coupe court à ce flirt un peu poussé. Les jeunes filles en flirt ne boulonnent plus et celle-ci est sur le tas en ce moment. - Grane est laga? - Il est quoi? - Laguche? Elle rit. - Je suppose que c'est de l'argot ? fait-elle. - C'en est, je suis doué pour les langues. Vous verrez ce soir. Là-dessus, comme elle estime également que nous venons de débloquer suffisamment, elle va m'annoncer. Grane me reçoit presto. il ressemble plus qu'hier et bien moins que demain à un clown démaquillé. Ça vient de sa peau lisse et rosâtre. M'est avis qu'il s'est attardé dans un incendie, ce citoyen. - Hello! murmure-t-il en souriant. Du nouveau? - Peut-être... Sa patate prend un air ahuri. - Vous parlez sérieusement? - Mon Dieu, Grane, ne m'avez-vous pas fait radiner de France pour que je m'occupe de votre affaire? - Si, mais une telle rapidité- Attention! je n'ai pas mis la main sur l'as­sassin et je ne la mettrai peut-être jamais. Simplement, j 'ai découvert certains petits éléments qui ne figurent pas dans le rapport. - Oh! dit-il. Vous avez rendu visite àMaresco? - Oui. - On a téléphoné de chez lui à deux reprises. Une première fois avant votre entrevue, pour demander des explications sur votre compte, et une seconde après votre départ, pour redemander des explications. La seconde fois, c'est Maresco lui-même qui était à l'appareil. - Mince d'honneur, je ricane. il fait semblant de ne pas avoir entendu. - Puis-je vous demander la raison de cette visite? - Mon Dieu, n'est-il pas le grand manitou des boites où travaillaient les victimes? - Si, mais... - Mais c'est tout ! Je ne néglige rien. il n'insiste pas. Je poursuis - Autre chose : le gérant du Cyro's est un repris de justice; à Paris, il a un dossier comme ma cuisse, aux sommiers. Quatre ans de taule pour attaque à main armée, puis huit ans pour abus de confiance. Un gentil cocoGrane hausse les épaules. - Si vous voulez des anges, il ne faut pas venir à Chicago. - Je m'en doute. Mais là n'est pas la question. Je suis en mesure de vous apprendre que la fille butée au Cyro's ne l'a pas été dans la cabine télé­phonique, mais ailleurs et on a porté son çorps là-bas " après " la fermeture de la taule. " Cela dit, je connais suffisamment les hommes pour pouvoir affirmer que Seruti, le taulier, est au courant de ce transport de cadavre. Je ne dis pas qu'il soit mêlé au meurtre - ce qui, en tout cas, n'aurait rien de surprenant - mais qu'il sait où la fille a été tuée. " Grane se frotte le menton. - Je ne vois pas ce qu'on peut faire, dit-il. Seruti, c'est Maresco. Dans l'état actuel des choses, on ne peut pas s'en prendre à Maresco sur des présomptions. Il a les jetons, Grane ! Ici, plus qu'ailleurs, c'est la république des pontes! - Laissez glaner, dis-je. Je vais m'occuper de cela tout seulabre. Je suis ici à titre tout ce qu'il y a d'officieux; c'est un handicap et un avantage. Je n'ai pas d'appui, mais aussi pas de comptes àrendre! il a senti que je suis en rogne et il tire un flacon de raide de son fameux tiroir-bar- Undrink? - D'accord... Sur ce terrain-là, nous nous entendrons toujours. Je liche mon godet. - Dites-moi, Grane, puisque vous faites sur­veiller sur une grande échelle les maisons de danse, voulez-vous attacher un zigoto à la per­sonne d'une jeune taxi-girl de mes relations? - Quel nom? - J'ignore le prénom. Je n'ai lu que son nom sur sa plaque : Momsson. Et elle habite... Je tire un brin de camet de ma poche. - Canal St... 518... C'est une fille brune... bien foutue... - Vous avez des raisons de croire qu'elle est en danger? - Toutes les taxi-girls le sont, mais peut-être l'est-elle particulièrement. Grane décroche son téléphone et demande quel­que chose à la standardiste. On lui passe le service réclamé. Je l'entends refiler le blaze et l'adresse de la pépée. - Le nécessaire va être fait, assure-t-il. J'ai demandé qu'on place devant sa porte un spécia­liste. - Parfait ! Il ne me reste plus qu'à vous deman­der de me soumettre encore une fois les fameux papiers signés : le Français. - Volontiers... Il récupère son dossier et sort de l'enveloppe en carton les sept billets. - Vous avez une loupe? - Facile. Il sonne Cecilia et lui demande d'apporter l'ob­jet réclamé. Tandis que j 'examine les sept billets, il me regarde attentivement, sourcils froncés. - Dites-moi, Grane, les experts qui ont exa­miné ces bouts de papier ne vous ont rien dit? Il hausse les épaules. - ils m'ont dit beaucoup de choses, notamment que c'était le même individu qui avait écrit cela, qu'il s'agissait d'un homme, d'un homme assez nerveux. - Oui, ils n'ont pas précisé s'il aimait les épi­nards et s'il se prénommait Gaston! Je secoue la tête. - Les experts sont les mêmes sous tous les cieux. Au fond, ces gens qui devraient être des scientifiques sont surtout des imaginatifs. Ils vous disent que le type est nerveux et ils oublient de vous dire l'essentiel. Et s'ils oublient de vous le dire, c'est que, justement, cet essentiel-là leur a échappé! Grane est intéressé, je vous le jure! il ne donne­rait pas sa place contre une sucette en sucrd'orge! Et même pas pour une fantaisie de la plus belle star d'Hollywood. - Quoi ? croasse-t-il. Je prends mon temps. Pour une fois qu'un Français peut mystifier des Ricains, les prendre en flagrant délit d'incompétence! - Il y a que ces billets ont été écrits le même jour ! fais-je. Grane se lève, contourne son bureau et se penche par-dessus mon épaule. - Sur quoi vous basez-vous pour affirmer une telle chose? - Prenez la loupe. Ça se voit à l'oeil nu, mais prenez-la tout de même! il prend la loupe. - Le type a écrit avec un stylo à encre. Il y avait une saleté après la pointe du stylo. Un petit bout de poil ou une grosse poussière. On le voit très bien à certains empâtements qui reviennent dans les déliés, c'est-à-dire dans les remontées de la plume. Or il ne s'agit pas d'un défaut fixe de la plume, car cet empâtement est inégal. Et, de plus, il se déplace. Voyez cette boucle de " L " ici: l'empâtement est à gauche et, là, il est à droite. Conclusion: il y avait une légère saleté au bec de la plume. Croyez-vous qu'on garde une saleté des semaines à la pointe de son stylo? il se masse le menton. - Non, évidemment. - En plusieurs semaines - elles nous sont don­nées par l'étalement des meurtres -' le criminel aurait été obligé de remplir son stylo, car, même s'il ne s~ en servait pas beaucoup, l'encre se serait évaporée. Et, en remplissant le stylo, la petite saleté aurait fichu le camp. Vous pigez? - Très bien. il retourne s'asseoir. - Tous les billets écrits le même jour? - A la file, oui! - Et pourquoi ? demande-t-il. Je souris. - Peut-être parce que l'assassin avait, ce jour-là, sous la main, un type sachant écrire le français et qu'il en a profité pour stocker les petits billets. Comme un automate, Grane verse à boire. il vide son verre et me regarde. - Ça voudrait donc dire..., commence-t-il. Je me lève et ramasse mon chapeau. - Ça voudrait simplement dire que le meurtrier des taxi-girls est n'importe quoi, sauf Français! déclaré-je avec un petit sourire heureux. Je porte deux doigts à ma tempe droite. - Salut, Grane, je continue. Et je vous tiendrai au courant, comme de bien entend CHAPITRE VI LE POULET-COCOlTEJe pars du building poulet d'une démarche de gladiateur, mais je suis un tantinet moins fiérot lorsque je me retrouve sur le macadam. En un temps record, j'ai défriché un peu le ter­rain; seulement je suis un peu moins fracassant, car je ne sais plus du tout que faire. Faut comprendre! En réalité, je suis seul dans cette ville tentaculaire. Tout seul comme un toutou perdu. Maintenant, je sais que je ne puis compter d'une façon vraiment effective sur la police, because la police d'ici a ses chouchous et elle fait gaffe où elle pose ses grands pieds. J'ai contre moi le clan Maresco qui ne doit pas savourer outre mesure mon entrée de cirque dans son buriingue. Lorsqu'il saura que je suis allé briser les nougats àSeruti, il montrera les chailles, c'est officiel. Et je vous parie le bouton de jarretelle de Greta Garbo, la Divine, contre un préservatif d'occasion que, dès demain matin, Grane, le brave Grane, me convo­quera gentiment dans son cirque et me demandera non moins gentiment de mettre l'océan Atlantique entre Chicago et moi! Probable qu'il doit regretter amèrement sa brillante initiative. Il donnerait son amygdale gauche pour ne pas m'avoir fait venir. Plus je gamberge à ce blot, plus je me dis que la police d'ici a demandé mon concours afm de faire plaisir au public et, surtout, pour renforcer l'idée qu'il s'agit d'un sadique de nationalité française. Tout en réfléchissant, je gagne mon hôtel. Au moment où j 'y pénètre, quatorze gnaces assis dans le hall se dressent et m'entourent. Ils ont des appareils photographiques et mâchent du chewing­gum, ce qui indique clairement que j 'ai affaire àdes journaleux. Le pire, c'est qu'ils croient parler français. Ils m'accablent de questions, le magnésium crépite... Je suis aveuglé, assourdi, bousculé... Celui qui jacte le françouze le plus potable me dit qu'ils veulent une interview de moi. Est-ce que j'ai une idée sur l'affaire? Est-ce qu'il y a beau­coup de sadiques en France? Est-ce la spécialitc delamaison?... etc. Je lui réponds que je n'ai rien à dire et je ldemande qui a rencardé la presse sur ma n ici. il me dit qu'ils ont été avertis par un coup tube anonyme. Je serre les poings! Probable c'est un coup à Maresco ou à Seruti, ce qui t v au même. Ces sagouins se sont dit qu'en me fi cette meute enragée dans les guibolles, ils m reraient en paralysant mes gestes. J'essaie d'abord de leur échapper àd'épaules, mais je comprends vite qu'il ne faut y compter. Un paquet de journaleux, à (I i c'est une hydre. On lui coupe une tête, il repousse instantanément une autre! Le mieux, c'est de leur refiler la matière papelard. Pourquoi, après tout, ne leur pas ce que je sais? Cela donnerait à réfléchir l'assassin. Je déballe donc la totalité du paquet. Tout passe: les sept billets rédigés simultanément, fille butée ailleurs que dans le taxiphone, tout! Je vais jusqu'à parler de Seruti, vieille sance de la police parisienne. Ils en ont pour salive, les vaches! Leur culot aidant, ils vont me tartiner chose de soigné! Enfm, je finis par leur glisser des pattes. Et me fais propulser dans ma chambrette pourune nouvelle douche, car toutes ces allées n m'ont fait transpirer et je tiens à me pré- nickel chez Cecilia. J'ai bien droit à une soirée de délassement. Non? Depuis que je arrivé, j 'ai pas arrêté de cavaler de gauche n i heures lorsque je redescends, parfuméJe cramponne un taxi en lui colloquant l'adresse m~i blonde secrétaire. En cours de route, je me arrêter devant un fleuriste et je fais l'emplette L botte de roses crème absolument sensation- Je les tiens à la main au moment de sonner, ce n ~ ~ me donner l'air spirituel. ~ habite au douzième, Cecilia... dans un bel Elle vient m ouvrir en pantalon gris perle et che­saumon. Elle a un foulard jaune paille la glotte et sur le ventre, un tablier blanc n i. : I Entrez vite ! me dit-elle. t i boîte volumineuse. - Qu'est-ce que c'est? demande-t-elle avec cet faussement surpris qu'ont les sauterelles n ~ i VI fl Voici des fleurs, des feuilles et des branches. voici mon coeur qui ne bat que pour vousElle pousse une exclamation ravie. - Comment avez-vous su que j'adorais roses? - L'amour rend futé! Elle secoue la tête. - L'amour ! Hé là ! comme vous y allez! - Cecilia! m'exclamé-je sur un ton reproche, vous qui n'avez peur de peur d'un mot? - Qui sait? - Un tout petit mot... Je lui chope le menton. - On l'utilise beaucoup chez vous, n' pas ? demande-t-elle. - Oui, mais à bon escient! - Allons, dit-elle en se dégageant, j'ai un dîner sur ma cuisinière. L'appartement est gentil. Un living-room dans le style nucléaire, avec meubles qui ressemblent à des figures triques en couleurs. Une chambre, une salle d'eau entièrement carrelée en bleu pâle. C' net comme un magasin d'exposition, avec de personnalité qu'une cabine téléphonique. - Installez-vous ! me crie-t-elle. il s'échappe de bonnes odeurs de la cuisine. C'est réconfortant. Décidément, l'Amérique a bon. J'accroche mon bada à un portemanteau repré­tête de cygne stylisée. Puis je me coule précaution dans une sorte d'énorme tulipe, ~ stylisée, qui a la prétention d'être un du tout. - Servez-nous deux Martini ! dit Cecilia. portée de paluche, il y a un bar roulant aussi ~ le reste de l'appartement. Vous aimez le style moderne ? je questionne. - Devinez ! fait-elle. arrive pour vider le verre que je lui ai pré-un doigt de Martini dans un poing de gin. - Vous n'aimez pas? C'est-à-dire qu'à côté de mon vieux moi. - J'ai un peu l'impression d'avoir mis le pied lune. Ça la fait marrer. Ce que vous êtes amusant! - N'est-ce pas... Vous avez faim? J'ai toujours faim, et toujours soif. Chez moi, je vous ai cuisiné? Du soja? Non ! Du poulet à la crème! - Sans blague? On sait cuisiner, chez vous Je croyais que tout était en boite! - Mais il était en boîte! Je ne me marre pas. - Ah ! bon... - Vous savez dresser un couvert? - Je sais tout faire. - Alors, les assiettes sont dans ce meuble! Le poulet à la crème en boîte n'est pas il faut le reconnaître. Vous faites frire des dans du beurre et vous versez le contenu de boite dans la casserole pour le chauffer. ( - W expresse, résultats satisfaisants Et consommation au whisky, s'il vous plaît! Je siffle les deux tiers de la bouteille de que Cecilia m'a fait déboucher. Elle siffle le sième tiers. Elle en sifflerait un quatrième s'il avait plus de trois tiers dans un flacon. Telle qu'elle est, elle est bien partie, et aussi. Je me dis que le moment est venu de lui un peu de certaines vieilles coutumes françaises. Je pose mon verre vide et je la rejoins sur divan. Elle a posé son coquin petit tablier Elle a un peu de feu aux pommettes. Je passe mon bras sur son épaule et je contre moi. Sa bouche a une consistance qui plaît. Pas trop ferme et pas molle, pourtantÇa vaut tous les dentifrices à la chioro­vous pouvez imaginer! Sa langue est agile. Bref, tout ce qui est utile en Vous n'auriez pas achevé de lire votre horoscope votre hebdomadaire habituel que ce que les tordues appellent " l'irréparable " est déjà On est en route pour le septième ciel, Cecilia et i façon dont nous nous émenons, nous pas tarder à y parvenir! vous le dis, on fait la pige aux ascenseurs Le terminus est un éblouissement CHAPITRE VII ÇA SENT LA POUDRCecilia n'est peut-être pas la championne du mimi mouillé, mais elle a pour l'amour des dispo­sitions surnaturelles. Je lui fais mon grand jeu: la torpille nippone, le bouquet de violettes, le frisson papou. Elle fait un cirque du tonnerre. Ses cris sont si perçants qu'à un moment donné je monte l'ampli­ficateur du poste. Lorsque je la laisse choir, elle est aussi flasque qu'une douzaine de limandes. Vous parlez d'une séance ! ... Si jamais je signe pour une tournée à travers l'Europe, ne manquez pas de retenir votre jeton huit jours à l'avance, ça vaut le coup d'oeil! Je lui dépose un gros bécot sur la bouche, un dernier, sans passion, un baiser d'adieu. - Bonne nuit, Cecilia... Fais de beaux rêves... Elle a un soupir: - Vous partez? - Oui, je vais à mon hôtel. - Restez ici... - Non, j'ai besoin de prendre l'air; après l'amour, l'animal est triste Elle est tellement vannée qu'elle ne proteste pas. Je rectifie ma toilette et je quitte l'appartement sur la pointe des pattes. Dans le couloir, j 'aperçois deux mecs à allure bizarre. Je n'y prête pas attention parce que, des mecs à allure bizarre, il y en a plein les rues. Ces deux-là se dirigent vers l'ascenseur, tout comme moi. Je parviens à leur hauteur et nous for­mons un petit groupe devant la porte. L'un a appuyé sur le bouton d'appel. Quelques secondes s'écoulent et il ouvre la porte. Je suis un peu sur­pris, car il l'ouvre sur le vide. Mais je comprends rapidos. L'autre gnace qui, par une rapide manoeuvre, est passé derrière moi, me flanque un coup d'épaule pareil à un coup de boutoir. J'ai l'impression d'essuyer la charge de la brigade sau­vage! Ma pensée fonctionne à quinze cents tours-seconde! Je vois l'immense carré noir de la cage d'ascenseur qui vient à ma rencontre ; je tends les bras, mais sans parvenir à agripper quoi que ce soit. Puis, c'est le grand valdingue, en grenouille, dans les profondeurs. Mon subconscient me dit en vitesse que je suis fini. Venir à Chicago poul crever dans un trou, c'est un peu pénible sur les bords, vous ne pensez pas? J'ai encore le temps de penser que nous sommes au quatorzième étage. Lorsque j 'atterrirai, je serai disloqué comme une poupée de son lorsque douze chiots ont joué avec elle Et, presque aussitôt, je sens un choc maison. Je repose sur une surface plane. " Bon Dieu! me dis-je, je n'ai pas descendu quatorze étages. " Je suis sur le toit de la cabine, indemne. Juste un nerf un tantinet froissé, autant dire le gros miracle. Je ne bronche pas. J'attends en me disant que mes agresseurs se sont peut-être bien aperçus que la cabine n'était pas au rez-de-chaussée. Mais ils ont fait la valise rapidos à l'autre bout du couloir où se trouve le second ascenseur. Par mesure de sécurité, je laisse s'écouler quatre à cinq minutes que j 'emploie à frotter ma cuisse endolorie et àpenser à tout ça. Puis je me souviens que les ascenseurs, ici, sont munis d'une trappe permettant de les évacuer en cas de panne. Reste à savoir comment fonctionne cette trappe ! Je la délimite et je sens une poignée. Je tire. Elle s'ouvre comme la porte d'un meuble de cuisine, car elle est à va-et-vient. Je pénètre donc dans la cabine de la façon la plus aisée qui soit après la grande porte. Puis j'en sors enfm et je m'époussette. Je suis au treizième, c'est-à-dire que je n'ai dégringolé qu'un seul étage. Or, les étages sont courts, ici, et le toit de la cabine est moins dur que du bitume. Mon ange gardien a traversé l'Atlantique en ma compagnie, c'est un gentil petit mec. Comme je suis salement écoeuré par les ascen­seurs, je me tape les treize étages à pince. Pour succéder à une séance d'amour à grand spectacle, c'est un peu beaucoup! J'ai les flûtes en flanelle de coton en arrivant en bas. Heureusement, un bar me tend les bras. Je lâche mon mot de passe: - Double scotch. Le garçon obéit avec empressement, car j 'ai parlé net. Je potasse mon petit lexique et je dis, après avoir vidé mon glass: - A gain I Le barman remet ça et je continue de jouer aux vases communicants. Quatre whiskies dans la bedaine, c'est une bonne compagnie pour un homme dans mon cas. Je me sens remis à neuf. Je cigle et je sors. La nuit est bien belle, avec beaucoup d'étoiles au ciel et beaucoup de néons dans les rues. Je biche un taxi et je lui ordonne de me conduire au Cyro's. Tandis que je cherche de la morniflette pour le casquer, une fois arrivé, un crieur de jour naux passe, en hurlant. Je ne pige rien à ses cris mais, en première page du canard qu'il brandit, j reconnais une photo de femme. Elle tient quatr colonnes à la une. Pas moyen de se gourei J'achète un journal. Ma faible connaissance de l~ langue anglaise et mon intuition me permettent d lire le titre et le sous-titre: " Le Français a frappé une huitième fois! Un nouvelle taxi-girl est abattue à son domicile. " Et, juste dessous, il y a le portrait de la soun que j'ai calcée la nuit d'avant. Elle a l'air vache ment vamp, là-dessus. Je me rappelle avoir v cette photo contre le mur de sa chambre. Elle a ét tirée par un photographe spécialisé dans le portra de pin-up. Ce gars-là, il sait travailler, parole C'est le superman du contre-jour. Vous lui refile une centenaire et il vous en extrait une photo sexy Un champion, je vous dis! Un super-champion! Cette mort et mon plongeon dans l'ascenset sont du même tonneau. La pauvre môme a bien é'butée à cause du Français, mais, le Français e question, c'est bibi. Le boy-scout de Grane n'a p~ été à la hauteur. Je jette le canard car, ici, ils sont telleme manousses, tes UdvvuA, i.ju~ v~u~ ~'. cloquer dans votre poche. Puis j'entre au Cyro's. Maintenant, les lieux me sont familiers. Je fends la foule des danseurs, contourne l'estrade de l'or­chestre et pousse la porte du couloir. Un escogriffe du type argentin, vert comme une · olive, avec des rouflaquettes en pointe, s'interpose. - Seruti, please I fais-je sèchement. Ça ne lui suffit pas, il fait des magnes. Il me · barre le couloir en mettant ses ailerons en croix C'est une fâcheuse idée pour sa gonfle. Un type dont les bras sont écartés appelle pour ainsi dire h crochet du droit à la mâchoire. Je lui mets tout 1< paquet. Ça fait comme lorsqu'on lâche un sac d< noix. Ses chailles jouent la danse macabre. Quant lui, il se répand sur le tapis. Je pousse une lourde, la première venue. Ell. donne sur un réduit dans lequel sont entreposés de instruments de musique. Je traîne ma victime par le collet dans ce coince teau et je lui plonge la tirelire dans une gross caisse crevée. Voilà une bonne chose de faite. Il y a longtem~ que je n'avais pas billé dans le portrait d'un truan Je reviens au couloir et me dirige vers la pori du bureau. J'entre sans frapper. A quoi bon prendes manières élégantes avec des gens qui sont aussi peu cordiaux? Seruti est en train de téléphoner. Il est tourné de profil et ne se donne même pas la peine de regar­der de mon côté. Sans doute croit-il qu'il s'agit de son escogriffe? Je lui laisse achever sa petite conversation, après quoi je m'assieds sur le coin de son bureau. il a un haut-le-corps et me regarde exactement comme si j 'étais la réincamation de Ravaillac. - Non, Seruti, dis-je doucement, ça n'est pas mon fantôme. - Que... que voulez-vous? - Discuter à coeur ouvert avec toi, mon chéri. - Mais... - Non, plus de mais entre nous, trésor. Je cramponne sa cravate de la main gauche et je la tords, ce qui, illico, le fait devenir écarlate. De la droite, je me mets à lui administrer une kyrielle de beignes sur le museau. Des allers et retours... Je ne m'arrête que lorsque ma main est endolorie. A ce moment-là, il ressemble à un mec qui s'est engueulé avec une douzaine de kangourous. Son pif saigne, ses lèvres éclatées aussi. Il a une pau­pière fermée et les joues violettes. Ma main est maculée de sang. Je sors de sa poche le fm mouchoir de soie blanche parfumé et m'essuie après. Avant de lâcher sa cravate, je cueille son feu dans son hoîster. il faut toujours se méfier des réactions d'un lâche. Parfois, il leur vient comme des accès de courage désespéré. - Ceci, dis-je enfm, n'est qu'une légère mise en train, mon trognon. Je voulais simplement te montrer que je suis décidé à parler net. " Nous allons donc bavarder en amis. Inutile de tricher, je sais que tes potes ont buté la môme dont je t'ai parlé tantôt. Cette souris a été mise en l'air àcause de moi, elle m a servi de test. Maintenant, j'ai la preuve que tu es étroitement mêlé à l'affaire des meurtres. Toi et ta bande, vous avez eu peur que la môme ne m'ait parlé. Alors, vous l'avez occise et vous avez voulu me liquider itou pour annuler le coup. Mais on ne bute pas San-Antonio facilement, je suis un dégourdi dans le genre de Raspoutine. Pour m'avoir, faut y mettre le prix! " il est hagard. Son oeil unique est injecté de sang. Il me fixe avec terreur. - J'ai fait exprès de te parler de cette fille, Seruti. C'était un piège, elle me servait d'appât. Je voulais voir si vous aviez quelque chose à cacher. Mon plan était de la faire protéger par la police, mais les flics sont dégourdis comme des manches. C'est malheureux. Mais sa mort m'apprend que j'avais mis dans le mille. Et l'attentat dont j'ai été BAS 35 PA rES victime aussi. Maintenant, les brèmes sont abat­tues, parle! il balbutie: - Je... je ne sais rien... - Sans blague! Tu serais amnésique, Seruti? A ton âge? T'as reçu un choc ou quoi? On m'a raconté qu'un nouveau choc rendait parfois la mémoire aux amnésiques, qu'est-ce qu'on risque d'essayer? Je lui téléphone un parpin sur la tempe. il bas­cule. Je le rebiche au moment où il va s'écrouler. - Qu'est-ce qui t'arrive? Tu tombes dans les pommes dès qu'on te parle un peu fort? Notez qu'il est toujours assis dans son fauteuil pivotant et que je l'ai admirablement à ma poigne. - Parle! - Je ne... il n'a pas le temps de fmir. Mon crochet du gauche le foudroie nature! Il part à la renverse, le fauteuil s'incline. Je m'écarte de lui pour le laisser à son évanouisse­ment et me dégourdir un tantinet les tiges. Je fais quelques mouvements de culture phy­sique élémentaire. Ensuite, je me mets à la recherche d'un flacon de raide. il est facile àdégauchir, Seruti est assez porté sur le biberon. J'en torche une vaste lampée et je fais couler un peu de liquide corrosif entre les dents du Rital. il ne tarde pas à pousser un soupir. Il rouvre son oeil valide. - Alors, fais-je, ce voyage au pays des songes? il a la bouche pâteuse et il claque de la langue difficilement. Je lui tends la bouteille. - Tiens, remets-toi! Il attrape le goulot, boit longuement. Sa glotte monte et descend dans son cou maigre comme un yo-yo. Et, brusquement, il a une détente. Il lève la bou­teille et cherche à me l'abattre sur le dôme. C'est raté, car je suis bien plus haut que lui. Si j'avais été à sa hauteur, j'y allais de mon aubergine! Je lui arrache la bouteille et je lui file un coup de genou sous le menton. - Tu es turbulent, Seruti... Ça te perdra. Il saute comme un chat hors de son fauteuil. Il a l'air bien décidé. Sans que j'aie eu le temps d'in­tervenir, une lame brille au bout de ses doigts. J'avais un peu oublié qu'il était Rital. Les Ritals naissent avec un ya à la main, la chose est connue - Pose ce cure-dents, fiston, ou alors ça va barder pour ta couenne! Mais il joue son va-tout. Il y a maintenant le fau­teuil entre lui et moi. Et, au lieu de me foncer dessus, il recule. J'ai compris, c'est un lanceur. vmgt pas, ils vous plantent une lame dans le coeur aussi facilement que vous sucez une feuille d'arti­chaut. Si je ne réagis pas dans la seconde qui vient, il me perce. Son oeil me vise soigneusement, sa main est ferme. Alors, je sors mon feu. Il lève la main, je tire et me jette à plat ventre. Un sifflement, un cn. Je me relève; le couteau vibre dans le bois de la porte, Seruti est affalé sur son bureau avec un gros trou dans la tête. Ces calibres 45, ça ne pardonne pas. - Pauvre cocu ! je murmure. Et c'est de moi que je parle. Laisser échapper une pareille occase de se mettre au parfum, avouez que c'est sauvagement tartouze. Non? Seruti, c'était le témoin n0 1. En m'y prenant bien, j'étais certain de le faire jacter. Les gars comme lui se mettent toujours à table lorsqu'on les invite d'une certaine manière. Mais, la manière, je ne l'ai pas eue. J'ai tout raté en lui tendant sa bouteille de rye. L'alcool l'a brus­quement dopé. Il lui a causé une réaction violente. J'examine le cadavre. Seruti est mort comme il n'est pas permis de l'être. J'ai idée que Maresco ne va pas aimer ça du tout, du tout! J'entrouvre la porte. La musique fait rage. Personne n'a entendu mon coup de pétard, grâce àl'orchestre et à ses mambos. Je quitte le bureau et referme la lourde. Puis je longe le couloir. La salle est en pleine hystérie. C'est très bon, ça. J'enfonce mon bada sur mes yeux et je me mêle à la foule. Il va y avoir un drôle de pet lorsque le meurtre sera découvert. Mieux vaut que je ne m'éternise pas ici davantage. En loucedé, je quitte le Cyro's. Comme je vais en franchir le seuil, une pogne s'abat sur mon épaule. Je sursaute et me retourne. Stumm est là, sou­riant. - Alors, monsieur le commissaire, fait-il, cette enquête? - Elle se poursuit, dis-je. - Vous avez fait une petite tournée d'inspection dans la salle? - Tout juste. - Rien à signaler? - Rien. - Vous avez vu que le tueur s'est manifesté une fois de plus? - J'ai vuLES PAflE - '... est moche. - Très moche. Il me regarde et renifle. - Vous ne trouvez pas que... - Que quoi? - Que ça sent la poudre? Non, dis-je. il approche son tarin de moi d'une façon un p cavalière. J'ai bien envie de le lui ramoner d't coup de patte, mais je me contiens, mieux val stopper le massacre pour l'instant. D'un moment l'autre, l'escogriffe du réduit va retrouver s esprits et crier à la garde. Ça me contristerait d'ên embarqué dans cette affaire, surtout en ayant st moi l'arme du crime. - Oui, continue Stumm, vous sentez la poudre, - Peut-être parce que j 'étais dans une boîte oî l'on faisait partir des pétards? - Sans doute, dit Stumm, incrédule. Je porte deux doigts à mon galure. - Bye-bye! Il a une légère inclination de tête et il devien rêveur. Moi, je les mets! CHAPITRE GRANE SE DÉGONLa première chose que je fais en arrivant à m~ hôtel, c'est de téléphoner à Nord 54 deux fois. Au préposé qui me répond, je demande à pari à Grane; il bafouille deux doigts de français, qui lui permet de me répondre que le lieutena n'est pas là. Je réunis alors toute ma persuasion pour lui di de mettre la pogne dessus dans le quart d'heure q vient et de lui dire de me rejoindre toutes affaii cessantes à l'hôtel Connor. Le gars fait O.K. en nasillant et il raccroche. Moi, je cramponne mon soufflant et je l'enx loppe dans la blague à tabac imperméabilisée q Félicie, ma brave femme de mère, a jugé bon glisser dans mon bagage. Puis je fais glisser l'e gm à l'intérieur de la chasse d'eau des goguescette façon, si ça tourne mal, le décès de Seruti, je n'aurai au moins pas l'arme du crime sur moi. Les minutes passent. Je les tue en lichetrognant de petites gorgées de raide. Je les tue si bien que je fmis pas m'endormir sur mon divan. Une vrille dans l'oreille me fait sursauter. Je mets une double paire de secondes à piger qu'il s'agit de la sonnerie du téléphone. Vivement, je décroche. - Allô? - M. Grane... - O.K. !qu'ilgrimpe! Je cours me passer la gueule dans la flotte avant d'ouvrir à Grane. Un coup d'oeil à la glace du lavabo me prouve que mon physique n'est pas panoramique. J'ai la tronche boursouflée par le whisky et l'oeil jaunâtre, comme un cheval malade. J'ouvre à l'instant précis où il replie son index pour frapper. - Entrez vite, dis-je. il entre. Je n'avais pas remarqué encore sa démarche sautillante. Il paraît triste et désenchanté. - Vous connaissez la nouvelle ?... je demande. - Bien sûr, fait-il, on a tué la fille que vous m'aviez donnée à surveiller. - Je ne peux pas lire vos putains de journaux. Ça s'est passé comment? - Comme d'habitude: en douce. Elle étaimorte lorsque mon gars s'est amené devant sa porte. C'est une amie à elle qui a découvert le drame. - Abattue? - Deux balles de 38 dans la poitrine. Personne n a nen entendu. - Elle tenait le morceau de papier? - Oui, mais, cette fois, il était rédigé à la machine à écrire. - Voyez-vous... - C'est une indication? - Oui. Il ne me suit pas très bien ; je lui explique: - Cette fille a été liquidée par la bande àMaresco. il lui ont foutu le petit billet traditionnel pour laisser entendre qu'il s'agit du même meur­trier. Cela me prouve donc que ça n'est pas eux qui ont tué les autres poules. Si c'était eux, Grane, le billet aurait été écrit à la main. - A moins que leur stock ne soit épuisé. Puis, réalisant qu'il est question de Maresco: - Mais Maresco n'est pas l'auteur des précé­dents meurtres. Et rien n'indique qu'il soit mêlé àcelui-ci. - Ah ! Vous croyez! Je me mets alors en devoir de déballer tout le paquet. Je dis à Grane de quelle façon j'ai tendu un piège à Seruti en lui parlant de la pauvre môme een lui disant qu'elle m'avait fait des confidences. Je retrace l'attentat sur ma personne, sans préciser qu'il a eu lieu dans la maison de sa secrétaire. Enfm, j'en viens à la phase délicate entre toutes: mon explication orageuse avec Seruti. Ça n'a pas l'air de l'amuser. - Vous l'avez tué ! s'étrangle-t-il. - C'était ou lui ou moi. - Evidemment, mais... Un peu cloué, Grane ! Il regrette de plus en plus d'avoir appelé un condé français. Sans doute pense-t-il à Maresco, le grand mani­tou du pays ! Ça va chauffer pour son avancement. - Avez-vous l'arme du crime? - Je l'ai planquée. - Où ça? Je le lui dis. Cette fois, il hausse les épaules. - Prenez-vous les flics d'ici pour des enfants? murmure-t-il. Une chasse d'eau, c'est le premier endroit où ils vont passer la mam. Je suis assez dépité. - Donnez-moi votre revolver! ordonne-t-il. - C'est que... - C'est que quoi? - Je n'aime pas rester désarmé, surtout dans un patelin comme celui-là. J'ai l'impression d'être tout nuEn soupirant, il me tend son feu : un Colt magni fique. - Prenez celui-ci et donnez-moi l'autre. Je retourne à la pêche. Je prends la blague, la pose sur le lavabo afin de la faire égoutter, et je lui tends l'arme. Il la glisse dans sa poche en disant: - Les balles... Je récupère mon arsenal et il le glisse dans son autre poche. - On vous a vu, au Cyro's? - Je comprends. - Qui? - Votre inspecteur, Stumm. Grane fait la grimace. - Je n'aime pas beaucoup ça. Il est malin. - C'est aussi mon avis. Du reste, il m'a fait remarquer que je sentais la poudre. - C'est bon, j'aurai une conversation privée avec lui. Je crois, San-Antonio, voyez-vous... il se tait. Je le regarde en plein dans les carreaux et il rougit un peu. - Vous disiez que vous croyiez, Grane? - Je crois que votre venue ici est un pas de clerc. J'entends, de ma part. Vous l'avez dit, le meurtrier n'est probablement pas français. Ici, nous avons des méthodes... à part. Nous devonsnir compte de certaines influences... occultes... - Bref, fais-je, vous n'avez que faire de ma bonne vieille psychologie. Vous voulez rester entre vous dans vos meurtres, n'est-ce pas ?... Vous me trouvez un peu turbulent, hein? il ne répond pas. - Ecoutez, Grane, dis-je en lui prenant le bras, je suis certain que vous êtes un honnête homme et un brave type. Vous souffrez de cet état de choses et, en votre for intérieur, vous aimeriez que la lumière éclate. Eh bien ! écoutez-moi: elle se fera ou j 'y laisserai ma peau. Si vous me connaissiez, vous sauriez qu'on ne m'intimide pas facilement. Tout ce que je vous demande, c'est de me laisser aller de l'avant. Si vous craignez pour votre situa­tion, rompons les ponts. il hésite. - Vous êtes très courageux, fait-il, seulement, vous ne pouvez comprendre en quelques heures nos moeurs. Il y a des puissances... - Occultes, vous l'avez dit. - Des puissances d'argent influentes. C'est ainsi. Je ne critique pas notre régime, il en vaut beaucoup d'autres. il suffit seulement de com­prendre le système et de savoir s'y intégrer. - Bref, de laisser faire, de la boucler lorsque des Maresco font les gros yeux. - En somme, oui. - Bien. Moi, je ne suis pas un gars d'ici. J'ai un passeport en règle et un permis de séjour en bonne et due forme. Je peux donc voir venir. - A condition de ne pas vous servir à tort et àtravers de ce joujou, objecte Grane en tapotant sa poche. - Je ferai attention. Vous me blanchissez pour cette fois ? - C'est la dernière, San-Antonio. Vous voilà prévenu. Il se lève. - Ici, lorsqu'on s'obstine dans la voie que vous prenez, on se retrouve à la morgue avant d'avoir compris ce qui vous arrive! Je le chope par le colback. - Grane, vous commencez à fienter dans mes bottes ! Moi, j 'étais à Paris, peinard. Je faisais mon boulot gentiment et je me foutais de vos gangsters et de vos tueurs. Qui a demandé le concours d'un collègue français... pour l'étude " psychologique "du cas? Ça faisait joli, pour la presse. Non? Je parie que c'est vous qui avez alerté les repor­ters ! ... Cela détournait la rage du populo, il est docile, le populo, il regarde le lapin qu'on lui désigne. Avouez que c'est vous, Grane. Il hausse les épaules. - Ce sont mes chefs, oui. En effet, le public esmécontent de notre " incapacité ". Ici, il faut du nouveau. L'Amérique est le pays où l'actualité a le plus besoin de se renouveler. Je n'y peux rien, et vous non plus! - Bravo! Je rengaine ma fureur. - N'empêche que j'ai fait des milliers de kilo­mètres pour venir jouer les divertissements. Eh bien non! Je me pique au jeu. Le policier français venu pourchasser le criminel français fera son boulot. Il est pâlot, le frangin. - Très bien, fait-il, mes voeux vous accompa­gnent, San-Antonio. il hésite, puis me serre la main. A un de ces jours, dis-jeMaintenant, me voilà face à face avec bibi. C'est un tête-à-tête qui en vaut un autre, après tout! Comme on dit dans notre doulce France, je dois prendre mes responsabilités. En somme, c'est un gentlemen's agreement que nous venons de conclure, Grane et moi. il éponge le meurtre de Seruti, mais, en revanche, il se déculotte pour l'avenir. A partir de maintenant, je ne peux plus compter sur luiJe dénoue ma cravate et je vais à la fenêtre. La ville immense est étalée autour de moi. Je la sens qui grouille, hostile, avec ses assassins, ses filles, ses flics effrayés. Dire que je me fendais le parapluie lorsque je voyais ça au ciné! Je baisse le store et commence à me déloquer. Je revêts un bath pyjama de soie bleue qu'une gre­luche de la Garenne-Bezons m'a offert. il se boutonne sur l'épaule, à la russe. Là-dedans, j'ai l'impression d'être un officier du tsar en exil ! L'exil ! C'est un drôle de machin! Je consulte ma tocante. Elle annonce timidement deux heures du mat'. Allons, la journée a encore été rude. Le sommeil va me rebecqueter. M'est avis que demain matin j 'y verrai plus clair et que je pourrai statuer sur mon cas d'une façon précise. Je vide un dernier petit godet et je me fous au plumard. La fatigue m'enveloppe comme un drap de crin. Et Paris tournique au fond de mon cerveau comme un bouchon dans un remous. Oui, je suis groggy. L'amour, la bagarre, les chutes dans les cages d'ascenseur, au fond, ça délabre. J'éteinsAvant de sombrer, je parodie un peu Turenne. " Repose-toi, carcasse, murmuré-je. Et n'aie pas les chocottes, si tu savais où je vais t'emmener promener tout à l'heure, tu les aurais à zéro. " CHAPITRE I JE RENDS MES BILLELe grésillement du téléphone. J'ouvre les yeux. A travers les stores filtre un beau soleil des familles. Je bigle ma montre avant de décrocher. Elle annonce huit heures. Ça n'est pas une heure pour rendre visite à un honnête citoyen. A moins que les visiteurs ne soient des bourdilles. Qui sait, peut-être Grane n'a-t-il pas tenu parole? Peut-être m'a-t-il laissé choir comme une vieille chaussette hors d'usage? Ce serait farce si je me tapais dix berges de mitard pour l'assassinat de Seruti. Je décroche. Le portier de jour qui parle un solide français me dit: - M. Maresco voudrait vous voir. Je me frotte les châsses. -Qui- M. Maresco. Et il prononce ce nom avec ferveur, comme s'il s'agissait de la reine d'Angleterre. - A quelle heure propose-t-il un rendez-vous? demandé-je. Le portier distille des points d'interrogation et de suspension alternés. - Mais, bredouille-t-il, IL EST LÀ! Du coup, j'en avale ma salive de traviole. Maresco s'est dérangé en personne! - C'est bon, qu'il monte. Je passe une robe de chambre en tissu-éponge àmotifs compliqués. Puis je sors mon soufflant de mon hoîster et je le glisse sous un coussin, à portée de la main. Un petit heurt discret à la porte. Je vais ouvrir. il est là, en effet. Je l'avais imaginé encadré d'armoires à gueules de boxers; mais il est seul. Nippé comme un dandy. Costume gris perle, che­mise blanche, cravate bleu foncé. Il a un parfum délicat, frais comme un bouquet de fiançailles. il me regarde d'un air neutre. - Bonjour, murmure-t-il. - Salut, Maresco, fais-je. Vous êtes rudement matinal, dites donc. Il est vrai que, dans ce putain pour vous être de pays, le temps c'est de l'argent, dit-on. Eh bien, entrez. Il entre, inspecte brièvement ma chambre. - Asseyez-vous. - Inutile, merci. - Vous voulez boire un drink? - Je ne bois pas beaucoup. - En ce cas, que puis-je faire agréable? - Peu de chose, fait-il. Je remarque alors qu'il tient un petit paquet à la main. il le déplie. Le pacson contient une impor­tante liasse de bank-notes. - Joli.., fais-je sans m'émouvoir. Vous l'avez trouvé? - Non... mais c'est peut-être vous qui allez le trouver sur votre oreiller. - Sans blague? - Oui. - Et, pour ça, il faudrait faire quoi ?... Peindre la lune au minium? - Non, aller voir comment se porte Paris. Je le regarde dans les yeux. Ses châsses sont petits, avec des éclats métalliques. - Hum ! je vois... Je vous gêne? - Justement, c'est le mot qui convient. - Et vous me demandez d'aller plus loin. Voum'offiez combien pour que je prenne le chemin du retour? - Dix mille dollars! - La prime offerte pour la capture du criminel, en somme? - En somme, oui. - C'est beaucoup. - N'est-ce pas? - Je dois être très gênant? - Très. - Je croyais que vous aviez envisagé une solu­tion plus expéditive, cette nuit ? Un coup d'épaule! Si j'avais dégringolé les quatorze étages, je vous faisais réaliser une sérieuse économie. Non? - Cette solution n'est pas de moi. Elle était de Seruti. Il s'était donné peur en vous voyant mettre le nez dans ses affaires. Moi, je ne me résous à ces solutions-là qu'en dernier ressort. C'est ce qui a fait ma force jusqu'à présent. J'agis toujours en deux temps: premièrement, j 'estime qu'il est plus agréable de s'entendre avec du fric. Neuf fois et demie sur dix, ça marche. Si ça ne peut s'arranger de la sorte, alors, bien sur... Il replie lentement le pognon. - Vous avez un très bon avion dans une heure. Vous avez le temps. - Il n'y a peut-être plus de place. - il y a toujours de la place dans un aviolorsque je téléphone à l'aéroport. Dix mille dollars, en France, c'est une somme. - Cinq briques1! - Vous allez vous acheter quoi, avec ça? J'éclate de rire. - Maresco, vous me faites penser à un jeu radiophonique de chez nous. On pose des ques­tions à un type, s'il répond juste, il palpe de l'oseille. Ensuite, on lui demande ce qu'il compte faire du grisbi! - Acceptez-vous, oui ou non? - Jusqu'ici, je ne me suis jamais vendu. - Aux Etats-Unis, tout est à vendre! - Le cours du flic est élevé? - Cela dépend. - En somme, je n'ai pas à me plaindre ? fais-je en désignant le paquet. - C'est à vous de juger. Je secoue la tête. - Non, décidément, même dans ce pays, je désire rester incorruptible. Lorsqu'une sale habi­tude est prise, voyez-vous... Il ne bronche pas. - Vous savez que, si vous êtes encore a Chicago dans une heure, vous terminerez sûrement la journée à la morgu- C'est une menace? - Mais non, un simple pressentiment. - Vous êtes doué? - A mes heures. Je lis l'avenir de certaines per­sonnes. Pour vous, je vois un avion ou un ange. L'ange vous emporte beaucoup plus loin que l'avion. Il ne plaisante pas. Je m'y connais en types. Celui-là, figurez-vous, n'est pas une mazette. Il est calme, froid. C'est un bonhomme qui a l'habitude d'être obéi, tout le monde doit céder devant lui d'une façon ou d'une autre. il a tous les atouts dans sa manche: le fric, des hommes de main et... la police. Cette visite succédant à celle de Grane me prouve que je suis foutu si je ne cède pas. Après tout, on n'a qu'une peau. Je veux bien la risquer pour le gouvernement de mon pays, puis­qu'il me paie pour ça... mais je serais un drôle de gland si je me faisais buter par entêtement. il me laisse réfléchir à loisir. Au fond, il pige bien la situation. - O.K.! Maresco, dis-je. Puisque vous le prenez sur ce ton, je rends mes billes. il sourit. - Ça n'est pas pour le fric. Gardez-le, je ne bouffe pas de ce bread-là. Je suis un con à l'an­cienne mode, un de ces bons vieux cons comme on'en fait plus qu'en Europe, Maresco. L'Europe, le temps ne vous en dure pas? il lisse ses cheveux grisonnants. - il n'y a pas d'Europe, dit-il. Il y a partout des gens à briser et de l'argent à empocher. Tout le reste, c'est pour les poètes. - Vous permettez que je note ça sur mon camet? - Mors, vous partez? - Je pars... Je cède à la menace. Dans ce putain de bled, je n'ai pas d'armes pour lutter. Mais croyez que je regrette. Je serais parvenu à élucider le mystère des taxi-girls assassinées. Car, pour moi, c'est un mystère. Je sais qu'elles n'ont pas été butées sur votre ordre, mais je sais aussi que vous tenez à ce que le criminel ne soit pas arrêté. C'est assez marrant, au fond. Et vous, sachant que je sais cela, vous préférez me voir de l'autre côté de l'océan Atlantique. Dans un sens, vous êtes fair­play. il lisse ses cheveux. C'est son tic favori. - D'où vient que vous soyez seul, Maresco ? Je pensais qu'un homme comme vous ne se déplaçait pas sans ses petits camarades aux larges épaules? - ils sont en bas, dans la voiture. J'ai pensé qu'ils auraient été de trop. Psychologue, le bonhommeIl savait bien que j 'aurais joué les casseurs devant ses gorilles. - O.K. ! dis-je, pour utiliser le jargon local, brisons là. Si vous voulez que je prenne l'avion en question, il faudrait peut-être que je fasse ma valise. Non? - Parfait, je vous laisse. Il pose son paquet de blé sur la table. - Prenez ça, à titre de dommages et intérêts pour l'histoire de cette nuit. Je vais pour protester, mais il me sourit, avec presque de la bienveillance, comme un vieux mon­sieur sourit à un gars plein d'ardeur. Après tout, dix mille dollars, ça vaut mieux qu'un coup de pied dans le prose. J'ai un léger hochement de tête qui ne veut pas être un merci. Il est sorti. Je regarde la porte. Puis je décroche le téléphone et je demande Nord 54-54. C'est Cecilia qui me répond. - Mon amour ! s'écrie-t-elle. - D'après ce que je vois, vous êtes seule? dis-je - Oui. Je vous fais mes adieux, cher ange. Comment- De la façon la plus sommaire qui soit, c'est-à-dire par téléphone! Elle pousse un cri. - Ignorez-vous que Grane me l'a demandé? - il vous a demandé d'abandonner? - Oui. Il paraît que j'ai l'esprit trop "fouinas­seur ", comme dit ma brave femme de mère. Je commence à incommoder vos services. D'autre part, c'est aussi l'avis de Maresco qui sort de ma chambre à l'instant. - Maresco est allé vous voir? - Ça vous épate, hein? - Mon Dieu... - Il m'a mis le marché en main : retour au ber­cail ou aller simple chez saint Pierre. Etant donné que Grane me laisse glander, je ne puis prétendre déclarer la guerre à Maresco. Mors, je file. Ça n'est pas reluisant, mais il existe des circonstances particulières. Ne croyez-vous pas? Elle soupire. - C'est affreux, Tony. - Oui, la séparation est si brutale. Je vous écri­rai sitôt arrivé, Cecilia. Promettez-moi que vous passerez vos prochaines vacances en France. - C'est juré. Serments d'amoureux. Au fond, nous n'y croyons ni l'un ni l'autre, mais nous jouons le jeparce que, dans certains cas, on ne peut procéder autrement. - Eh bien ! bon voyage, Tony! - Bons gangsters, Cecilia. Elle a un petit rire fêlé. - Toujours le mot pour rire. Elle imite un bruit de baiser. Ça me chatouille le tympan. Je le lui rends et je raccroche. Me voici libéré sur le chapitre des convenances. J'avertis l'hôtel qu'on me prépare ma note illico. Puis je me change à toute allure. Trente minutes plus tard, je débarque à l'aéro­port. Comme je m'approche des guichets, un grand zig à l'air pas du tout avenant me frappe sur l'épaule. il me semble le reconnaître, ce vilain oiseau. C'est un des pieds nickelés de Maresco. il est grand, large, avec le menton proéminent et un chapeau qui pourrait servir de parasol à un patronage en vacances. Il me tend un billet d'avion. Puis, il me fait signe de le suivre sur l'aire de départ. Mon avion est là, étincelant au soleil matinal. Il fait un temps magnifique, le ciel est pur, uni, bien bleu. Les voyageurs escaladent l'escalier roulant. BAS LES PATTELes employés en combinaison blanche à liséré bleu s'occupent des bagages. Le costaud me salue d'une façon on ne peut plus désinvolte. Mais, au lieu de partir, il se contente de faire un pas en arrière et d'attendre. Décidément, Maresco est un homme organisé. il ne laisse rien au hasard. il veut être bien certain que j'ai vidé les lieux. Je remplis mes poumons de l'air pollué de Chicago. Lentement, j 'escalade le praticable. Une gracieuse hôtesse me prend en charge et me conduit à un fauteuil, en queue de l'avion. Cinq minutes plus tard, les moteurs se mettent àgronder. Nous décollons CHAPITRE MON INTERPRETJamais je n'ai voyagé à bord d'un appareil aussi luxueux, aussi confortable. Les fauteuils sont tellement moelleux que l'on a l'impression d'être étendu sur un nuage. Le whisky servi par l'hôtesse est fameux et l'hôtesse est gironde. En prenant le glass qu'elle me tend, je lui chope le bout des doigts, ce qui paraît l'amuser. M'est avis que cette souris a contracté de mau­vaises habitudes à force de vadrouiller à deux mille mètres, cela lui a collé l'envie de s'envoyer en l'air. Je suis tout mou, tout plein de laisse-moi­tranquille. Et, pourtant, sous mon chapiteau, y a un de ces numéros de cirque dont vous ne pouvez pas vous faire une idée! Franchement, j 'ai l'impression d'être malade, très malade. J'ai beau essayer de gamberger à autre chosetoujours mes pensées viennent percuter le même butoir. " San-Antonio, me dis-je, tu n'es qu'un sale dégonflé. T'as les jetons dès qu'un seigneur fait les gros yeux. Tu t'es laissé posséder par les Ricains, par leur police d'abord, qui a voulu se servir de toi comme produit d'entretien: la machine à faire reluire l'opinion publique. Et tu t'es laissé possé­der aussi par ses truands. " Vraiment, ça devient intenable. "Dégonflé! Dégonflé! T'es tout juste bon àservir de tête de lard dans un jeu de massacre à la foire du Trône. " Tu viens d'abdiquer pour la première fois de ta carrière. Tu sucres les fraises comme une pauvre cloche que t'es! T'es fini avant d'avoir vraiment commencé. Mort à la fleur de l'âge comme une fleur de nave! " - Un autre whisky ! fais-je à l'hôtesse. Vous croyez peut-être que l'alcool me calme? Va te faire foutre! il m'énerve, au contraire. Il me rend fébrile. Grane, Maresco... Deux beaux spécimens! Ils m'ont eu, l'un et l'autre. Tout ce que j'ai réussi à faire, c'est d'allon­ger un sous-fifre du caïd et de calcer la secrétaire du flic. Maigrichonne, la revanche! Je fais claquer mes doigts. Et j'ai les poches pleines d'artiche! Moi, San­Antonio, j'ai empoché les fafs d'une crapule. On m'a eu pour quelques morceaux de papier! Ah ! non, je vous le jure! Au fur et à mesure que je m'éloigne de Chicago, ma rancoeur contre moi-même se fait plus âpre! Ça devient cuisant! - Dites donc, fais-je à l'hôtesse, où faisons-nous escale avant New York? - Cleveland. - Combien d'arrêt? - Vingt minutes. - On peut se dégourdir les jambes? - Pourquoi pas? - Il y a un bon bar à l'aéroport? - Sûr. Je fais un petit signe d'acquiescement et je me tasse sur mon fauteuil-nuage. Le petit lutin qui habite mon subconscient - j'ai dû vous en parler par ailleurs, de ce tordu - émet un léger ricanement. " Mors, San-Antonio, le champion, gazouille-t-il, on a envie de faire une couennerie, pas vrai? On est peinard, les poches bourrées, on va retrou­ver Paname, sa vieille maman, sa petite amie, son bistrot. Mais ça ne suffit pas, hé ? " " Ta hure ! " je lui crie intérieurement. il rigole et la fermeL'avion se met à décrire un vaste viron, puis il pique du pif. Je bigle par le hublot. Tout en bas, sur la planète Terre, je bigle un terrain d'aviation. Des appareils sont posés, des hommes s'activent. - Cleveland ! annonce l'hôtesse. Le signal vert s'allume pour les ceintures. Un mstant après, le pilote nous pose sur le pré avec une infinie douceur... Je descends du zinc. Mes tempes cognent à se rompre. J'ai vingt minutes pour me décider. Je marche en direction du bar. J'en commande un double, c'est toujours comme ça qu'il faut prati­quer avant de prendre une décision héroïque. " Que fais-je? " Je serre mes poings, mes doigts font des noeuds. Tonnerre, c'est la pommade! Pas moyen de se décider. Et, soudain, j'éclate de rire. Il s'agit d'être franco vis-à-vis de moi. Du moment que j 'hésite, c'est que ma décision est prise. Tant pis pour mes bagages. Et, du reste, c'est encombrant. J'ai le paquet d'artiche que m'a refilé Maresco. Avec ça, je peux voir venir! Je cigle mes consos et je file aux toilettes. Là, j 'allume une sèche. Je la fume doucement, le regard perdu sur un distributeur de papier hygié­nique. Lorsqu'elle est achevée, j'en allume une autre. Des haut-parleurs aboient. Des moteurs vrom­bissent. J'attends, l'oeil toujours perdu. Puis je quitte ce petit endroit. Il fait plus beau encore qu'à Chi... A la place où se trouvait mon coucou, il n'y a plus qu'un prati­cable que des hommes en combinaison roulent en direction d'un hangar. Un point argenté dans le ciel. Je pousse un soupir tellement copieux qu'il fait frissonner l'herbe rase. " Maintenant, tu l'as voulu, mon bonhomme, me dis-je. C'est à toi de jouer, planque tes pinceaux! Vers le milieu de l'après-midi, je descends du train de luxe à South Bend, une assez grande ville à l'est de Chicago. Je débarque, les mains aux poches. Pourtant, en cours de route, j'ai eu le temps de réfléchir et de dresser mon plan d'attaque! J'entre dans un grand magasin de confection et je m'offre des fringues ahurissantes: un costard verdâtre, une chemise mauve, une cravate jaune. Un chapeau imperméable bis, avec une bordure blanche. Une fois fringué, on dirait que je vais tourner un film. Je ressemble à un Sud-Américain moyen. Une paire de lunettes noires sans monturt vous ne reconnaîtriez plus votre vieux San­kntonio. En quittant le marchand de loques, je gagne un arage où on vend des tires d'occase. Je m'offre ne vieille Bentley assortie à mon costume, avec es housses de cuir et un volant chromé. Comment que je te les fais valser, les pions du ieux Maresco! Le garagiste m'explique le maniement de l'auto­is. C'est d'un facile! Vitesse automatique. Cette inde, rien que de penser à elle, ça suffit à la faire nctionner. Au volant de ça, je me sens un autre homme. ommage que je ne puisse pas rentrer ce toboggan France; c'est pour le coup que les potes ouvri­lent des chasses grands comme des gobe­ouches! Je me lance sur la route de Chicago. Seulement, mme dans ce pays la vitesse est limitée, je ne ux faire grunper l'aiguille du compteur à ma nvenance. Force m'est donc de rouler à une are de père de famille. Au moins, ça autorise la iditation! le me dis que la première chose à faire, c'est de occuper de Maresco. Voilà un type qui détient secret. Et ce secret, je vous parie une jambe culée coîiire ur~ séjour et~ EXonde qu'ÏX a trafl ~ meurtres des sourisSeulement, le gros hic est le suivant: comment puis-je m'occuper du vieux Rital étant donné que je ne parle pas l'anglais et que je ne bénéficie plus de la protection de la police? Une enquête dans ces conditions est pratique­ment impossible, et pourtant c'est à cet impossible-là que je m'attaque. Je n'ai pour moi qu'une chose: du fric... C'est un bon interprète. Je suis bien décidé à le faire fonctionner au maximum. J'en suis là de mes réflexions lorsque j'avise, en bordure de la route, un petit gars qui fait du stop. C'est un touriste: sac tyrolien, short, jambes sales. Vous voyez le topo? Il n'a pas vingt ans. Il est blond, joufflu, il a des taches de rousseur plein la trogne. Je le détaille, car je viens de stopper. Il me sort un baratin sans doute pour me demander de le charger. Comme il vient de prononcer le mot " Chicago ", je dis " yes, corne on ", et je lui ouvre la portière. il se perd en remerciements. Il balance son sac tyrolien à la volée, derrière le paquebot, puis il s' installe. Il essaie de tailler une bavette. - I do flot speak english I fais-je. il interroge: - Spanish? Evîdemment, avec mon complet vert pomme, ox pense tout de suite à ça- No, French... - Comment! s'écrie-t-il avec un accent traî­nant, 'vous êtes français? - Tu parles, Charles! - Je suis belge ! s'écrie-t-il. Je fais un saut de joie qui manque nous foutre dans le fossé. - T'es belge! Vue d'ici, la Belgique, c'est comme qui dirait la petite banlieue de Pantruche. - Oui, dit-il, je suis de Namur. Je fais mes études à Bruxelles. Pour mes vacances, j 'ai décidé de visiter les Etats-Unis en stop. J'ai pris à Anvers un bateau en stop, et j'arrive à New York! Je vou­drais essayer de gagner San Francisco de cette façon. Puis de faire un crochet par le Mexique. Si je réussis, j'écrirai mon odyssée pour un journal belge. Je sens une bouffée d'allégresse qui m'inonde. - Belge! M..., autant dire presque Français. Serre-en cinq! Je lui tends la pogne, il me broie les phalanges! Il me plaît, ce petit gars. Il est sain, gonflé, épatant. Bref, moi avec quinze piges de moins! En toute modestie, bien entendu. il me parle de ses ressources qui sont chétives: en tout et pour tout, il possède une centaine de dol­lars. Mais il a confiance, tout se passera bien. iparle, il parle... il se raconte: il a vécu à Paris en étant mouflet, son vieux mamait à l'ambassade comme gratte-papier. il a voyagé à travers l'Europe. il est heureux de vivre et fier de son âme de coureur de grands chemins. - Et vous, demande-t-il enfin, vous habitez les U.S.A.? - Non. - Touriste? J'hésite. En moi s'agglomèrent des petits bouts d'idées. - Non, je travaille. - Représentant? - En quelque sorte, je représente la police fran­çaise. - Pas possible? - Si... Comme je le sens sceptique, je lui tends mon portefeuille ouvert sur ma carte d'identité. - Sans blague, vous êtes commissaire? - Tout juste. Je suis ici pour mettre au net une affaire à laquelle un Français serait soi-disant mêlé. Mais Chicago est le pays des caïds; ceux-ci n ai­ment pas qu'on s'occupe d'eux. Bref, j'ai fait sem­blant de les mettre. Et, maintenant, je reviens incognito. Un seul handicap: je ne connais pas l'anglais. C'est moche! il rougit- Si je pouvais vous rendre service, murmure-t-il timidement. Je lui pose la main sur l'épaule. - Figure-toi que j 'étais en train d'y songer, jus­tement. Ecoute, on va faire un marché. Je t'engage comme mterprète pour deux ou trois jours. Ça te permettra de visiter Chicago. Tu verras, c 'est une sacrée ville ! Comme dédommagement, je te filerai mille dollars! Il bredouille. - ..... comment ?... - Mille dollars; ainsi, tu pourras faire ton viron en pulîman comme un pape. Ça te botte? - Bien sûr, dit-il, mais c'est trop. Fais pas la bête. Il ne faut jamais refuser les présents du ciel. Mors, d'accord? Bien sûr! - Tiens, voilà cent dollars pour sceller le marché. Comment t'appelles-tu? - Robert Dauwel. - Moi, c'est San-Antonio. Tu peux me tutoyerNous nous arrêtons afm de casser une graine dans une cafétéria sur la route. Puis nous fonçons sur Chicago qui est tout proche. Il fait encore grand jour lorsque nous y parvenons. Je décide de déplacer mon P.C. par rapport àmon précédent débarquement. C'est-à-dire qu'au lieu de m'installer dans le centre de la ville, je débarque dans le sud de la cité. Robert et moi descendons dans le même hôtel, une boîte de troisième ordre. Je m'inscris sous un nom d'emprunt et je me donne comme étant de nationalité belge. - Dis donc, gamin, tu n'as pas un autre dégui­sement, dans ton sac? Je me propose de rendre certaines petites visites et tu ne peux pas te présen­ter chez les gens fringué en boy-scout! - J'ai un pantalon et un blouson de daim. - Parfait. Prends une douche, comme moi, et viens me retrouver. Et surtout, la ferme quant à ma profession, hein? - N'ayez pas peur, commissaireLorsqu'il réapparaît, je l'examine avec satisfac­tio il est bien comme ça. Bénard gris foncé, che­mise blanche, foulard, blouson, mocassins de cuir. il ressemble à ce qu'il est, c'est-à-dire à un brave petit étudiant en vadrouille. - Que faisons-nous? s'inquiète-t-il, frémissant comme un oeuf en gelée- Voilà, des taxi-girls ont été assassinées. J'aimerais rendre visite à leurs logeurs ou à leurs voisins. J'ai des questions à poser. Je te les dirai au fur et à mesure. Partout, tu nous présenteras de la façon suivante: moi, je suis un vieil ami belge de la fille défunte. J'ai appris que la petite est morte et je voudrais des détails. Tu es mon cousin. Tu me sers d'interprète. Vu? -Vu! - Tu peux ajouter des variantes, si tu veux. L'essentiel est que nous n'éveillions pas la méfiance des gens interrogés. Autre chose : dis tout de suite que je suis prêt à dédommager ceux qui ont des choses intéressantes à raconter. Tu piges? - D'accord... il a les yeux brillants. Faut dire que c'est formi­dable pour un adolescent de se mettre à jouer les mspecteurs à Chicago. fl va en avoir long à racon­ter, Robert, lorsqu'il écrira ses mémoires pour le bulletin des écoliers. J'extrais de ma poche intérieure les feuillets contenant le résumé de l'affaire du " Français ". C'est à ces détails que je comprends que ma décision était prise avant même que je grimpe dans l'avion. Si j 'avais eu un seul instant l'intention de laisser choir Chicago, j'aurais commencé par foutre ces paperasses en l'air. Non? Au lieu de ça, je les ai soigneusement pliées en quatre et rangées avec les fafes dans mes profondes. Histoire de les avoir sous la main. Non, voyez-vous, les mecs, il ne faut pas essayer de tricher avec soi-même! C'est pas correct. C'est s'abaisser... Se prendre pour un tocasson! Je parcours les papzingues à toute pompe. Il y a sept noms, là-dessus. Sept noms qui ne me disent absolument rien. Par quel bout commencer? Je m'en remets à l'ordre alphabétique. La souris qui vient en tête dans cet ordre-là s'appelait Molly Dayton, vingt-six ans... Elle créchait 117, Peterson Avenue, et elle a été farcie d'une balle dans la nuque. J'achète à la brave dame de la réception un plan de la ville et je me mets à chercher Peterson Avenue CHAPITRE X UN CLERGYMAN... ET DES BOUQUINMolly Dayton, si elle est première dans l'ordre alphabétique, est la troisième dans l'ordre des décès. Elle créchait dans un immeuble assez bien, quoi­qu'un peu désuet. La taule est une espèce de pen­sion de famille... Une pension de famille où les pensionnaires ne seraient pas nourris. Mrs. Morton, la taulière, nous explique qu'elle n'assure que le petit déjeuner à ses gens. Elle, c'est une vioque de soixante carats, avec des deuils plein son passé, des poils plein son menton et des filets de vinaigre plein sa voix. Elle paraît accepter le truc du vieux copain qui désire tous les détails. Par le truchement de Robert, la conversation s'engage donc. Au début, c'est un peu réticent, mais ensuite (dèport. Je découvre un éclat de convoitise dans 1< regard de Mrs. Morton. - Je crois, fait-elle, qu'un monsieur venait k voir assez souvent. Mais il s'agissait certainemen d'une relation d'affaires, il restait fort peu dc temps. il avait un livre à la main.., et il le laissait? la petite. Oui, une relation d'affaires. - A quoi ressemblait-il, ce monsieur? - il était grand, maigre, entre deux âges. il res­semblait à un clergyman. - Est-il venu ici la nuit où la petite est morte? - Je ne l'ai pas vu. - Avez-vous vu quelqu'un? - Non. - Entendu quelque chose? - Personne n'a rien entendu. Vous pouvez interroger mes autres locataires. - Pourtant, elle a été tuée d'un coup de feu? - La police prétend que le revolver était muni d'un silencieux. - Avez-vous parlé de cet homme à la police? - Non. - Pourquoi? - Parce que j'ai assez d'ennuis avec ça sans aller compliquer encore les choses. - Est-il possible de sortir de chez vous la nuit? - Oui, chacun de mes pensionnaires possède une clef de la porte d'entrée- A-t-on retrouvé la clef de Molly? - Oui. Mais le meurtrier avait dû entrer avec elle et veiller à ce que la porte ne soit pas ferméc complètement. C'est du moins ce qu'ont dit le~ inspecteurs. Je danse d'un pied sur l'autre. - Ça va merci. Excusez le dérangement. - Y a pas de mal. Non, en effet, y a pas de mal, pas trop pour ving dollars. Elle doit se dire que c'est de l'osier vitc gagné. - Je peux jeter un coup d'oeil à la chambre qu'elle occupait? - Si vous voulez. Elle nous guide à une gentille piaule luxueuse­ment meublée. - Le mobilier appartenait à Molly, dit-elle. J'attends que sa famille le fasse enlever. C'est bien ennuyeux, car je ne peux pas louer en attendant et, pourtant, j'ai besoin de vivre. Voyez, elle était là, en travers du lit, à plat ventre. C'est la femme de peine qui l'a découverte. J'inspecte la chambre. Du moderne cossu. Un poste de télé, un de radio, des objets de mauvais goût, mais coûteux. Sur les murs, des tableaux qui flanqueraient de l'urticaire à Picasso. Et quelques publications d'amour à vingt-cinq centsC'était ça, les lectures offertes par le clergy­ man~ Oh ! non, il apportait de beaux livres reliés. - Où sont-ils? - Je l'ignore. Sans doute Molly les a-t-elle donnés à des amies à elle ? Donnés ou prêtés... - On peut parler à la femme de peine? - Facile !... Violet! Vio-let! crie la vieille femme de sa voix qui écorcherait le tympan d'un sourdingue. Une morue de cent dix kilos s'annonce en souf­flant comme une baleine. La mère Morton lui parle. Elle fait un signe de tête affirmatif. Je l'entreprends toujours par le truchement de mon petit Belge. - Vous faisiez la chambre de Molly Dayton? - Oui. - Avez-vous remarqué qu'elle eût de beaux livres ? Des livres reliés? - Oui... Mais elle les mettait dans son sac àmain et ne les laissait jamais ici. Elle les emportait avec elle. - Merci, c'est tout... Je salue les deux grognaces et je fais signe àRobert de me suivre. Une fois dans la voiture, il me pose cette inno­cente question- Vous êtes content? Je lui donne une bourrade. - Si tii veux parler de tes services, je suis ravi. Tu es un interprète de première catégorie. De l'en­quête aussi je suis content. Attends que je résume: cette MoUy Dayton était taxi-girl, mais elle avait des ronds, beaucoup de ronds, beaucoup plus que n'en ont ordinairement ses consoeurs. Elle recevait des hommes la nuit, des gars qui venaient prendre du bon temps, des pigeons à faire reluire, quoi! Peut-être est-ce là l'origine de son aisance. Elle s'envoyait en l'air pour son confort. Marrant! Mais elle recevait aussi un escogriffe à gueule de pasteur qui lui apportait de mystérieux bouquins reliés qu'elle ne laissait pas traîner. Et elle ne lisait que des romans à la mords-moi le chose. Tout ça est assez bizarre. Je m'étonne que la police d'ici ne se soit pas rencardée davantage. Nous démarrons. - Où allons-nous? Ce qu'il est frémissant, le petit gars. - Attends. Quelle heure est-il? - Huit heures. - Bon, on peut encore en faire une. Je range la guinde le long du trottoir. Je tire ma liste. Voyons maintenant le numéro 2, par ordre alpha­bétique toujoursLa souris en question se nommait Katharine Fellow, 1020. Laramie Ave. C'est la morte numéro 6. Elle a été sucrée d'une balle dans la tête. Morte sur le trottoir, devant sa cabane, alors qu'elle s'ap­prêtait à y entrer. CHAPITRE XB ENCORE £ CLERGYMAPas de logeuse, cette fois. Nous sommes dans une maison basse. Une des rares cahutes à un étage de cette ville sensationnelle. La bicoque termine l'avenue. Elle se perd dans une sorte de no man's land qui tient du terrain vague et du square abandonné. Assez minable, comme quartier. De la marmaille grouille un peu partout. Des chiens faméliques circulent avec l'air de savoir où ils vont et pourquoi ils y sont. Drôle de coin. Katharine Fellow créchait dans la moitié de la maison, l'autre partie est occupée par un vieux vio­loniste qui gratte dans un bastringue. L'homme en question se pointe juste au moment où nous venons de nous rencarder chez le teinturier du coin. C'est un petit juif frileux. Il est très dégarni 5ile couvercle; il porte des lunettes cerclées de cuivre, un complet noir avec des poches aux genoux et aux coudes. Et il a des poches sous les yeux aussi. il se nomme Povicci. - Fais-lui le baratin de départ, fais-je à Robert Dauwel. Le petit musico ajuste sa boîte à violon. - Je parle le français, affirme-t-il. Robert se renfrogne parce qu'il va devenir inutile. C'est comme un acteur dans le rôle duquel un metteur en scène impitoyable se met à tailler. - Je suis un vieil ami de cette pauvre Katharine, dis-je. Je vis en Europe, il y a très long­temps que je ne l'avais pas vue. J'ai appris ce qui lui est arrivé, c'est affreux. Je voudrais avoir tous les détails sur les circonstances de sa mort. - En ce cas, allez à la police, me dit-il assez sèchement. Moi, je ne sais rien. - La police en sait encore moins que vous. Je n'ai pas l'intention de vous importuner pour la peau. Si vous pouvez m'accorder un petit quart d'heure, je suis prêt à payer ce petit quart d'heure un bon prix. Vraiment, il existe des formules magiques. il dresse l'oreille. C'est littéralement vrai. Ses oreilles ont bougé- En ce cas, dit-il, entrez chez moi, mais je crains que vous ne soyez déçu. Il nous introduit dans une pièce qui abrite un for­midable capharnatim. Des pupitres, des partitions de musique, des instruments, des bouquins, des bustes de compositeurs. il débarrasse deux chaises branlantes. - Asseyez-vous. - Merci, M. Povicci. Parlez-moi un peu de votre voisine. Quelle sorte de fille était-ce? - Je croyais que vous étiez un de ses bons amis ? objecte-t-il doucement. Je me mords les baveuses. - C'est-à-dire que je suis détective, détective belge. J'agis pour le compte d'un ami très cher àKatharine. Ce monsieur aimerait avoir des détails... - Oui, oui, fait le petit homme. Il est méfiant. Il a peur que je lui tire les vers du naze pour balpeau. C'est le moment de lui montrer les taîbins. J'en pose un de dix sur une pile de livres. - Ça, fais-je, c'est l'ouverture. Elle vaut celle d'Aida. Non? Il rafle l'artiche comme un caméléon gobe une mouche. Rappelez-vous que, pour ce pèlerin, il enfouraille tout ce qui est ni trop chaud ni trfroid avec une dextérité qui rendrait malade le pré­sident des prestidigitateurs. - Bon, murmuré-je, alors, parlons. Quelle vie menait la donzelle? - Ma foi, une vie de noctambule. Son métier... - Je sais. Rentrait-elle des mâles en chaleur, le soir? - Très rarement. - Mais cela arrivait? - Rarement, je vous le répète, et fort discrète­ment. Je ne m'occupais du reste pas de ça. Chacun sa vie... - Hum ! Philosophe, hé? - Indépendant, simplement. - Pour être indépendant on n'en a pas moins des yeux ; des yeux et des oreilles... - Evidemment... - Elle n'avait pas d'amis? - Féminin ou masculin, le mot ami? - A vous de me le dire. - Elle avait des amies... Des copines, quoi ! Je n'ai jamais remarqué d'homme parmi ses relations intimes. - Pas même un grand type maigre aux allures de clergyman défroqué? Là, il sourcille. - Tiens, fait-il, je ne pensais pas à ce bon­hommeMon coeur joue Monte là-dessus. - Donc, vous le connaissez? - Je ne le connais pas. Je me souviens qu'elle a reçu la visite d'un type comme vous dites à plu­sieurs reprises. Mais ça ressemblait à une visite d'affaires plus qu'à une visite d'ami. Je pensais que ce gars était un assureur, ou quelque chose comme ça. il ne restait jamais longtemps. - Ah? - Oui. - Il n'avait pas de livre à la main, en arrivant? - Au fait, peut-être bien. Oui, et c'est pour cela que j'ai pensé à un homme de loi. Je soupire. - C'est bien lui. Le moment est revenu d'arroser. J'extirpe un nouveau bif de ma fouille. - Ouvrez grandes vos manettes, M. Povicci. Ce billet vous appartient d'ores et déjà. Mais je vous en allonge un autre de cinquante si vous parvenez àme donner un détail qui me permettrait de retrou­ver cet homme. J'ai dit cinquante! Vous auriez réalisé une chouette journée. Non? Il fait oui de la tête, très gravement; il paraît soucieux. Il veut à tout prix cet artiche, mais il craint de ne pouvoir le gagner; alors il réfléchit. il réfléchit ferme. il me semble voir de la fumée lui sortir par les oreillesPuis il s'écrie: - Ça y est! - Qu'est-ce qui y est? - Je me rappelle un détail. - - -O.K.! - Un après-midi, il est venu. La petite n'était pas là. Il a sonné, resonné. Puis il a écrit quelque chose sur un morceau de carton et l'a glissé sous la porte. Je n'y ai pas pris garde. Seulement, je suis sorti une heure plus tard. J'ai aperçu ce morceau de papier. Machinalement, je l'ai ramassé, sans penser que j'avais vu l'homme l'écrire. - Vous l'avez vu? - Oui... il a le regard qui fiche un peu le camp, Povicci. Pour le championnat de discrétion, il se pose là! - Vous vous souvenez du texte? fl fronce les sourcils. - Je crois qu'il lui donnait rendez-vous dans un bar de Bhue Island Avenue. Un bar qui doit s'appe­ler Le Perroquet ou La Perruche, il me semble. - Il vous semble ou vous en êtes certain? - On n'est jamais certain de rien; mais je le crois fortement. - La nuit où Katharine a été effacée, vous avez entendu quelque chose? - Oui, car j'ai le sommeil léger. J'ai perçu comme un bruit d'échappement. Evidemment, jn'y ai pas pris garde. C'est seulement un peu plus tard, lorsqu'un passant a découvert le corps, que j'ai compris qu'il s'agissait d'un coup de revolver. Un revolver avec silencieux. - O.K.! Personne n'occupe l'appartement de la môme? - Non, le propriétaire veut faire construire un magasin dans la maison. Justement, il tenait à ce que nous la libérions. La petite morte, il ne lui reste qu'à me trouver un autre logement. Je ne suis pas exigeant. - Je peux jeter un coup d'oeil? - Où ça ? Chez elle? - Oui. - C'est fermé à clef. - C'est le genre de truc qui ne m'impressionne pas. - Moi, je veux bien, murmure-t-il, pourvu que ça ne m'attire pas d'ennuis. - Je ne veux absolument rien dérober, si c'est ce que vous craignez. - Alors... Je défouille un taîbin de cinquante. - Chose promise, chose due, mon cher Paganini. J'espère avoir le droit au silence pardes­sus le lot. Non? - Bien entendu. - Autre chose, vous m'avez l'air dégourdochdu côté des cellules grises. A votre avis, le clergy­man était-il homme à envoyer la purée à la fillette? Il réfléchit. - Peut-on porter un jugement efficace sur ses semblables ? murmure-t-il en épongeant le billet. - Oh! ne nous jouez pas les penseurs. Je vous demande votre avis. - Non, dit-il, cet homme n'avait rien d'un tueur. Et puis, ça ne peut être lui le criminel, car il n'était certainement pas français, lui! Et il me bigle. - Ecoutez, Toto, je rouscaille, vos sous-enten­dus ne m'atteignent pas. Si j'ai un conseil à vous donner, c'est de vous calmer. Au cas où vous ne sauriez pas où mettre votre nase, carrez-le dans votre tire-gomme. Vu? Sur ce, j'entraîne Robert de l'autre côté de la strasse. En deux temps et pas de mouvements, mon sésame a raison de la serrure. L'appartement de la Katharine est gentiment arrangé. Les tentures sont lourdes, les meubles chérots. Encore une qui devait secouer pas mal d'artiche à ses clilles ! Ou alors qui avait une rente quelconque Je farfouille un peu partout. Sur un rayon, j'avise quelques bouquins. Ce sont des publications comme chez l'autre, genre Mon coeur est à tepieds ou La Gondole du rêve. Ces soeurs avaient l'âme bleu pastel. Soudain, je tombe en arrêt devant un bouquin àreliure de cuivre. Ça c'est du sérieux. Je le tends àRobert. - Qu'est-ce que c'est, comme livre, ça? il ligote le titre. - C'est un ouvrage de sociologie. - Pas possible! La grognace qui suit la collection printemps et qui se farcit des ouvrages aussi trapus! Non, passez-moi la paluche! Je vais pour feuilleter le livre et je pousse une exclamation. Ce bouquin est déguisé en bible. L'intérieur a été évidé et une boîte y est planquée. Elle est vide. Je renifle, une odeur douceâtre s'en échappe. Une odeur que j'ai déjà reniflée quelque part en France. Je mets le livre sous mon brandillon. - Ce sera un petit souvenir, dis-je à mon petit Belgicot. Allez, traçons, maintenant. Le violoneux d'à côté nous regarde grimper dans la tire par la fenêtre. Je lui adresse un petit signe d'adieu. Son rideau retombe. - C'est formidable, déclare Robert Dauwel avec son magnifique accent d'outre-Quiévrain. il ajoute, exalt- Où allons-nous, maintenant? - Maintenant, dis-je, je t'offre à boire dans un bar qui s'appelle Le Perroquet. Ou La Perruche, complète-t-il. Et il récite comme une prière: - Blue Island Avenue. - Toi, lui dis-je, t'es un sacré petit champion! CHAPITRE XIII UN BOUQUIN DOR1~ SUR TRANCHE Nous parcourons tout Blue Island Avenue qui est une voie populeuse tracée en diagonale au beau milieu de la ville. Pas plus de Perroquet ou de Perruche que de beurre dans le slip de Nixon. - T'es sûr de ton anglais? fais-je à mon jeune collègue. - Oui, oui, dit-il. J'ai ma licence. - Ecoute, on va refaire le chemin en sens mverse. Le zig n'avait pas l'air absolument certain de l'enseigne. Peut-être a-t-il confondu avec quel­que chose d'approchant? - D'accord... Il se détranche, mon pote. Mon père, biglez àgauche, mon père, biglez à droite. Je vais au pas, comme si je suivais un enterrement ou un défilé militaire. Ça ne fait pas l'affaire des autres conduc­ teurs qui m'invectivent copieusement; seulement, comme je ne pige rien à leur jargon, je m'en bats les flancs. - Attendez ! s'écrie Dauwel. Je ralentis encore davantage. Il a les mirettes qui lui pendent sur la poitrine comme des jumelles de courses. - Quoi ? fais-je. - il y a là un bar qui s'appelle The Cockatoo. - Et alors, ça veut dire perroquet? - Non, ça veut dire cacatoès. Je case ma tire et nous entrons dans le bar. L'établissement est arrangé en navire, à l'intérieur. Le navire boîte de nuit, vous voyez le tableau ? Ça existe sous tous les cieux, dans toutes les villes de plus de dix mille tranches. On s'installe au bar. - Qu'est-ce que tu bois ? Whisky? - Je veux bien. - Alors, deux doubles. Vas-y, commande! Et, par la même occase, interroge le garçon. Tâche de savoir s'il connaît un zig du style clergyman. Mon petit pote se débarbouille tandis que je file un coup de saveur à ce tapis. Y a des clients ordi­naires, c'est-à-dire des glands qui ont filé rencard àleur secrétaire. Ça se bouffe la gueule dans tous les angles. La salle est plongée dans la pènombre. Elle est divisée en petits boxes cernant une piste de danse grande comme un couvercle de lessiveuse. Chaque box est éclairé par une lampe à abat-jour très discrète. Seul, le bar est à peu près éclairé. Mon gars Dauwel baratine sec. Je lis sur la hure du barman les réponses. Oui, il connaît le gars. Ça se sent à la façon dont il jacte. - Alors? je demande lorsque l'entretien est terminoché. - Ça va, affirme Robert. Il connaît. Le type vient tous les soirs ici. Il a rendez-vous avec des filles. il leur parle à peine. Il leur apporte un bou­quin. - Au poil... A quelle heure radine-t-il? Robert traduit ma question. - Vers les dix heures. - Parfait. Tiens, allonge cinq dollars au barman en lui disant qu'il ne parle pas de nous au mec lors­qu'il s'annoncera. Je consulte ma tocante: neuf plombes. Nous avons tout le temps! - Qu'est-ce qu'on fait ? insiste ce frénétique de Belgicot. - Rien, dis-je. On écluse encore un godet, ensuite tu rentres à la casbah pour faire dodo, car tu as besoin de repos. - Mais non, pensez-vous. - Si. Je peux être amené à faire des choses pluou moins.., mettons légales, et je ne tiens pas àcompromettre un type aussi choucard que toi. Il insiste encore, mais je me montre inflexible. - Tiens, bonhomme, voilà cinq cents pions en plus à valoir sur ton cacheton. Fais une petite java seulâbre, mais méfie-toi des souris. Elles ont la main plus leste que le derche. Nous sortons. - Tu connais notre adresse? - Evidemment. - Eh bien ! va. il s'éloigne, tout déconfit. Moi, je grimpe dans le bahut et je me mets à guetter les allées et venues de la clientèle du Cockatoo. Pour passer le temps, je fume. Et comme fumer incite à la méditation, je me mets à penser que cette fois je tiens le bon bout. M'est avis qu'avant longtemps je serai au parfum de toute l'histoire. Alors, peut-être que j'irai dire deux mots àGrane, trois à Maresco et le reste aux joumaleux du patelin. Oui, peut-être bien. A force de cligner dans la fumée pour ne pas rater les entrées du bar, mes roberts se mettent àchialer. On dirait que j'ai du chagrinil est à peine dix plombes lorsque se radine un mec correspondant au signalement que la mère Morton et le Paganini des faubourgs m'ont donné. L'homme en question ressemble en effet à un pasteur. Il est loqué de noir. Il porte une chemise blanche - ce qui est assez rare ici - et une cravate gris perle. Son bada est noir, à larges bords plats. il est grand, maigre, blanc, triste. il tient à la main un livre truqué sans doute, ce qui renforce son air austère. Au fond, c'est ce bou­quin qui complète sa ressemblance avec un clergy­man. Ça lui fout l'air intellectuel constipé. il entre dans le bar d'une démarche solennelle. Puis il disparaît. Moi, j'hésite à entrer derrière lui. Tout compte fait, j'y renonce; le barman me connaît et il pour­rait vendre la mèche même sans le vouloir, car l'autre endeuillé doit avoir l'oeil vif. J'attends un instant... Puis je descends de car­riole. A ce moment-là, une belle souris débarque d'un taxi et plonge vers le bar en remuant du cul­buteur. Mon petit doigt me dit que c'est une pou­fiasse qui vient au rambour pour chercher le fameux livreEt je ne me goure pas. Passant devant la lourde, je les aperçois, tous les deux, installés à une table devant deux verres de Coca. Je reviens à ma bagnole. Je suis perplexe. Et je le suis parce que j 'hésite sur la conduite àadopter. En somme, deux pistes se présentent. J'ai à ma disposition le " clergyman ", d'une part, c'est-à-dire l'élément le plus important, et la souris avec qui il parle, d'autre part. Seulement, lui, peut-être ai-je intérêt à le ména­ger, car il doit se méfier. Si je rate mon entrevue avec sa pomme, il sera paré et je pourrai toujours lui chanter le premier acte de Manon, je serai marron. Alors qu'en questionnant la fille, j'en apprendrai peut-être assez pour le cravater sérieu­sement. D'autant plus que, lui, je sais où l'épingler, puisqu'il vient tous les soirs ici. Bon, c'est dit, je me charge de la fillette. Comme j 'ai pris cette décision, elle sort du bar. En effet, les relations sont schématiques avec le clergyman. Elle tient un bouquin sous le bras. Je la vois héler un taxi. S'agit de pas louper le coche! Mais le pilote du bolide est raisonnable, il conduit en père peinard. Le suivre, c'est du biscuit! BAS Nous enfilons des avenues, puis d'autres ave­nues, sous un flamboiement d'enseignes au néon. C'est fatigant, à la longue, ces lumières aveu­glantes! Enfin nous stoppons. La fille casque la course et pénètre dans une boîte de danse qui s'appelle Theflying dancer. J'y entre à sa suite. Je prends des jetons à la caisse, car je commence à avoir l'habitude de ces sortes d'endroits, et je file le train à la souris qui a pénétré par une petite porte située derrière le vestiaire. Comme il y a du trèpe au vestiaire, je contourne celui-ci sans me faire remarquer. Je fonce par la fameuse petite porte. Elle donne sur un couloir où s'ouvrent les loges des filles, des musiciens et des chanteurs à la gomme qui se produisent dans la strasse. Le coincetot est désert. Pourtant, la môme vient d'entrer laga! Je pénètre dans un réduit à instruments, un local dans le genre de celui où j 'ai bouclé l'escogriffe de Seruti, la veille. J'attends en renouchant par le trou de serrure. Si jamais je me fais harponner ici, ça va hurler à la mort dans le patelin! Mais l'orchestre fait rage et le public affluC'est l'heure où les pigeons viennent se faire reluire au lieu d'aller se zoner. Quelques minutes s'écoulent. La donzelle que je file ressort d'une loge du fond. Elle a troqué sa pelure contre une robe du soir en lainé, coupe Uniprix ! Elle ferme soigneusement sa lourde et se carre la clé de la loge dans le soutien-gorge. Elle n~ a plus son bouquin. Je la laisse se tailler, je compte jusqu'à treize, parce que ça porte bonheur, et je m'annonce en face de la lourde. il ne me faut pas douze secondes pour l'ouvrir. J'entre dans la loge et je referme. La pièce est exigue. Grande comme deux gué­rites, on a envie d'y monter la faction. Mais je ne me mets pas au garde-à-vous, ça, je vous l'annonce! Rapidos, je fais l'inventaire du lieu. Je ne trouve pas de bouquin. Pourtant, elle l'a bien planqué quelque part, elle a tout de même pas pu s'en servir comme suppositoire. J'ouvre le tiroir de la table à maquillage: bal-peau ! Je bigle par terre: zéro. Enfm, je me mets àsourire. L'unique siège est recouvert de velours. Je soulève la partie rembourrée et je constate que la chaise peut servir de boîte à couture. Sous le capi­tonnage de velours, il y a une cavité renfermant le bouquin. J'ouvre celui-ci, il est truqué comme celui que j'ai trouvé chez Katharine. Et à l'inté­ BAS LES PA'rrES! rieur, il y a un tas de petits paquets. Je flaire ces derniers. L'odeur me renseigne cette fois. C'est de l'opium. Je glisse les paquets dans ma vague et je remets tout en place. Me voici affranchi, cette fois. Je commence à y voir tellement clair qu'on peut éteindre l'électricité! Toutes les souris assassinées faisaient du trafic de stups ! Il y en a une par boîte de danse. C'est le lieu idéal pour refiler de la came. Tous les désoeu­vrés qui draguent dans les parages tirent sur le bambou ou se bourrent le pif! Ce trafic n'est pas passé inaperçu de Maresco. Et c'est lui le Français... Ou du moins un de ses hommes. Pourtant, cette explication ne me satisfait pas. Maresco a d'autres moyens d'action. il n'aurait pas besoin de faire cette mise en scène à grand spec­tacle. Et puis, si j'ai découvert l'existence du clergy­man avec autant de facilité, il l'aurait décelée encore plus vite, lui, avec les moyens dont il dis­pose. Alors ?... Je remets le gros gambergeage à plus tard. L'essentiel, maintenant, est de sortir d'ici sans se faire remarquer. Je dénoue ma cravate, je prends une démarchtitubante pour maller des loges.., ceci au cas où je rencontrerais quelqu'un. Et bien m'en prend car, justement, je me trouve pif à pif avec un serveur noir. J'exhale un formidable hoquet et, d'une voix mourante, j'implore: - Lavatory, please, lavatoryl Le type se fend la gueule et me montre un cla­vier étincelant. Toutes ses chailles sont présentes àl'appel. Il me guide obligeamment vers les gogues. - Thanks, balbutié-je en lui fourrant un billet de cinq dans la patte à mangave. il en a le vertige, le zouave. Sur le coup, il ne doute plus un instant que je sois miron. Lorsqu'il a calté, j 'évacue les ouatères. Je plonge dans la salle de danse où toute une humanité en péril se frotte la membrane sous pré­texte de danser. Un tango, y a rien de tel pour amorcer les séances de pointage. Je cherche ma donzelle du regard. Elle est dans les brandillons d'un troufion qui s'en fait un noeud autour de l'estom. Ma parole, il la confond avec sa ceinture Rasurel J'attends que la danse soit finie. Puis jm'avance vers la poulette. Un ticket brandi me sert d'entrée en matière. Au moins, c'est pratique Le troufion, vaguement gabouillé, m'écarte d'un revers de main. - She's mine I déclare-t-il. Moi, que voulez-vous, je ne peux pas entraver les façons cavalières. C'est pourquoi j'attrape le militaire par son revers et lui file un coup de boule dans la marganette. Il avale un grondement de rage et de douleur... plus une demi-douzaine de dents. Et il se répand sur le parquet. K.-O., le frangin! Les spectateurs se gondolent. Deux serveurs qui en ont vu d'autres le bichent par les pattes et par les bras et l'évacuent vers la sortie. Je tends mes abattis à la petite fille. Elle les accepte avec un beau sourire. Les gonzesses sont toujours bonnes pour les vainqueurs. Surtout lorsque la bataille a eu lieu pour elles. Elle se met à me roucouler des gentillesses. - I arn Belgium..., dis-je pour couper court. - Oh! gazouille-t-elle. Ju parlant oune littie française... Et elle m'explique qu'elle a connu un Français pendant la dernière guerre. Un gars qui était jour­naliste. Ils ont vécu deux mois ensemble et ça a laissé des traces dans son éducationDécidément, les Français se manifestent toujours dans la vie d'une greluse. On fait plusieurs danses. Lorsque je regagnerai Paris, je vais cavaler à l'Opéra m'inscrire comme petit rat ! Ce voyage m'aura appris à me servir de mes gambettes, je vous l'assure Lorsque je n'ai plus de jetons, je vais en acheter d'autres. Bref, ça devient la grosse passion, nous deux. Je lui susurre des trucs à la guimauve. Elle biche. Lorsque je lui demande si on peut passer la nuit ensemble, elle me dit qu'elle est d'accord. La soirée est longue comme un rapport d'expert. Je suis vanné lorsque la carrée boucle. - Allant attendre in rue ! me fait la poule. Je la quitte à regret. J'ai eu tort de lui chauffer son " noir " 1~ Si elle s 'aperçoit de la chose, main­tenant, elle va en avoir sec et la suite de nos rela­tions sera compromise. Or je ne voudrais pas qu'elle le soit. Le coup est admirablement amorcé. Parti comme je suis, j 'ai toutes les chances de mon côté pour lui tirer les vers du nase. Et aussi pour lui faire le coup qu 'Adam a si bien réussi. Elle vaut l'exercice! Elle est rousse comme une couverture de revue déshabillée. Elle a les yeux verts - c'est ce qui vle mieux aux rousses! - et ses jambes sont par­faites. Le brancard idéal, quoi Je monte dans ma tire et j'attends. Qui vivra verra, comme le dit si pertinemment Félicie, ma brave femme de mère L'attente se prolonge. Je vois calter les com­pagnes de ma bergère. Mais elle tarde et ça m'in­quiète. Sans doute s'est-elle aperçue du larcin et est-elle affolée. J'attends encore. Enfm, la voilà. Le valseur ondulant. Elle me sourit si gentiment que mes craintes s'évaporent comme de la rosée d'avril. Elle s'avance vers ma guinde. Elle est belle, ma foi ! Elle a renforcé son maquillage et s'est vapo­risé un parfum pas tellement désagréable. Elle est gentillette. Une fois à mes côtés, je ne peux attendre ; je la serre contre moi et je lui file un patin maison. Après ça, elle peut faire de la pêche sous-marine, elle a acquis l'entraînement nécessaire. Je démarre. - Où habitez-vous ? fais-je. Elle me bonnit un nom de rue que j 'ignore tota­lement. Ça va être coton pour y aller, à moins qu'elle ne me guide sérieusement- Give me... le... Elle touche le volant. - O.K., ma poupée, fais-je. Je descends de la voiture et je la contourne tandis qu'elle s'installe à ma place. - Vous savez conduire, au moins ?... je demande une fois que je suis réinstallé à sa droite. - Oh I yes! Ça, pour savoir conduire, elle sait... Elle démarre en souplesse et fonce dans la ville. Cette décapotable est follement agréable. L'air de la nuit me fait un bien immense. C'est bon de sentir la caresse de la brise sur son visage. Dites, vous vous rendez compte de la somme de poésie qui stagne dans mon âme? Le jour où j'aurai remisé mon colt, je me lance­rai dans la poésie. Je publierai des plaquettes à compte d'auteur; il n'y a rien qui fasse davantage plaisir à un éditeur! Oui, il fait doux et frais. En sortant de la four­naise où nous étions, c'est une vraie thérapeutique, je vous l'affirme. La môme pilote à moyenne allure. C'est repo­sant. Soudain, au tournant d'une rue, je vois se dres­ser devant nous un immeuble que je reconnais. - Mais... fais-je. Je n'ai pas le temps d'en dire plus long. Je reçoiderrière le crâne un de ces gnons qui volatilise­raient Notre-Dame. " Tiens, pensé-je avant de sombrer dans le sirop, il y avait un mec à l'arrière de la voiture. CHAPITRE XIV DRÔLE D'ALLIANCOui, il y eh avait un. Et ce gnace sait se servir d'un gummi, moi je vous le dis, parce que je suis bien placé pour le savoir. Le bâton de caoutchouc renforcé, c'est son ins­trument de travail. Oh! ma douleur! Des bada­boums pareils, ça vous ramollit la matière grise! Pourtant, bien que je flotte dans une demi-inconscience, je me sens véhiculé. Des mains me saisissent. On grimpe des escadrins; on suit des couloirs... Et puis, plouf! on me jette à terre. Là, je lâche les pédales. Mon cirage ne doit cependant pas durer très longtemps. Une rasade de whisky me ramène au grand jour. Je m'ébroue comme un caniche qui a reçu la flotte et je me mets sur mon séant. Je suis sur la carpette du bureau de Maresco. Lui est assis à sa table de travail, il écrit sans s'occuper de rien. Ses pieds nickelés m'entourent. A l'arrière-plan se tiennent le clergyman et la souris rousse. - Salut! dis-je. Excusez-moi pour ce petit voyage, mais, après le coup que j'ai dérouillé sur la noix, il s'imposait. Je porte la main à mon crâne. J'ai l'impression que mon bocal a changé de consistance et qu'il est maintenant devenu mou comme du chewing-gum mâché. Maresco relève la tête. - Tiens, fait-il, il récupère vite. Il contourne son bureau et me dit: - Asseyez-vous là. Il donne un ordre. Ses boy-scouts m'agrippent et m'assoient dans le fauteuil pivotant qui fait face au sien. Des cloches aux notes graves sonnent vache­ment sous mon dôme. Je dodeline du but comme un malheureux. Puis, enfm, je me ressaisis. En me tenant le menton, je parviens à lutter contre le ver­tige qui me déséquilibre. Et alors mes yeux tom­bent sur la feuille de papier que noircissait Maresco. Et je tique en constatant que son écriture est exactement la même que celle du gars qui a écrit les fameux billets : le Français. Pas moyen de se gourer, ce sont bien ces mêmes lettres un peu pointues, aux pleins appuyésDu coup, j'ai un éblouissement. Maresco serait le Français? il aurait la connerie de signer ses meurtres de son écriture ? J'en suis ratabois! Brusquement, je réalise qu'il est en train de me parler. Faut croire que j'ai un drôle de coup de vapeur. - Hmm ? grommelé-je lourdement. Maresco s'assied en face de moi. - Vous m'avez joué, dit-il. Vous avez empoché l'argent que je vous proposais pour partir et, au lieu de cela, vous avez quitté l'avion àCleveland... et vous êtes revenu... - C'est de la maniaquerie professionnelle, lui fais-je. Que voulez-vous, il y a des ménagères qui ne peuvent pas sortir de leur appartement si les lits ne sont pas faits, et vous avez des flics qui ne peu­vent pas lâcher un os sans savoir de quelle couleur est la moelle. J'appartiens à cette catégorie-là. Quant aux ronds que vous m'avez refilés, rendez-moi cette justice que je les ai refusés. Je ne les ai empochés que lorsque vous m'avez eu dit que vous les considériez comme des dommages pour l'atten­tat dont j'ai été victime. - Ne fmassez pas, San-Antonio... - Je ne finasse pas! - On a trouvé sur vous une certaine marchan- L'opium que votre clergyman distribue aux petites filles de vos boîtes? - C'est ça. - Et alors? - Alors, j'aimerais que vous me disiez de quelle façon vous êtes arrivé à mettre la main dessus. Cela revêt une certaine importance pour moi... - Vous avez les chocottes, hein, Maresco? Je commence à piger votre combine. " Les stups, c'est une branche annexe de votre activité. Vous ne voulez pas la confondre avec le consortium des boîtes qui est une chose légale. Alors, vous avez organisé un trafic clandestin comme si les taules ne vous appartenaient pas. De cette façon, en cas de coup dur, vous ne risquez rien. C'est ça? " - Exactement. - Seulement, il y a des filles, vos détaillantes, qui vous font du contrecarre; alors vous les liqui­dez... Et c'est ça, les crimes du sadique français. Il abat son poing sur la table. - Non ! fait-il sèchement. - Si... La preuve! J'attrape la feuille de papier. - C'est la même écriture, Maresco! Il ne bronche pas. Ses yeux froids et incisifs me scrutent- Vous n'êtes décidément pas un crétin, fait-il. Mais vous vous trompez. Je ne suis pour rien dans ces morts qui, au contraire, troublent... mes affaires. Il est exact pourtant que les billets sont de ma main. J'ai affaire à un adversaire rusé. - Cela me paraît difficilement admissible. Comment diantre avez-vous écrit ces billets? Il hausse les épaules: - De la façon la plus stupide qui soit... J'avais, l'an dernier, dans mon équipe, un Canadien nommé Le Français. C'était son nom patrony­mique. Or je tiens une comptabilité de mes colla­borateurs officiels. Chacun d'eux figure sur un gros camet où ses opérations sont ~nscrites. Ce camet m'a été dérobé. L'assassin des filles a découpé l'en-tête des pages sur lesquelles j 'avais écrit le nom du Canadien. - Je comprends. Vous me racontez tout cela pourquoi, Maresco? - Parce que vous n'êtes pas bête et qu'on pro­fite toujours de l'opinion d'un homme intelligent. - Je vois. Alors, pourquoi avez-vous cherché àm'éloigner au lieu de m'engager? - Je n'engage pas les flics trop perspicaces. - ils peuvent en découvrir trop? - C'est ça. - Et, maintenant, vous ne craignez plus que j'en découvre trop sur votre compte- Non, puisque je vous tiens. - Ça va se terminer de quelle façon, nos rela­tions? - Oh! ça dépend d'un tas de facteurs... Parlons d'autre chose. - De votre affaire? - Par exemple... - Vous ne savez pas qui a étouffé ce camet? - Si. - Quelqu'un de votre entourage immédiat? - Oui. - Et qu'a-t-il dit? - Il n'a rien dit. On l'a trouvé mort dans un fossé, sur la route de Toledo. Le gars pour qui il a fait ça ne faisait confiance qu'aux morts. - Quel intérêt a l'assassin de tuer vos messa­gères? - Il leur prend la camelote. - Donc, c'est par cupidité qu'il agit... Pourquoi signer ce meurtre : le Français? - Afm de juguler la police. - Je ne pige pas. - Ces billets ont été rédigés par moi, donc cela me mêle à l'affaire. Or, je ne tiens pas à être mêlé àune affaire de meurtres directement branchée sur une affaire de stupéfiants que je dirige. - La police sait que les billets sont de vous? - Oui, la police d'ici, c'est-à-dire celle que jpeux museler. Il m'a été du reste facile de me dis­~ulper. D'autant plus facile que je dînais en compa­gnie du chef de la police l'un des soirs où l'on tuait ~ne de mes filles. Seulement, si le F.B.I. s'en mêle, cela deviendra plus délicat. Le F.B.I. trouverait à2oup sûr l'assassin, mais, du même coup, mettrait àjour cette affaire d'opium. Comme je ne veux pas qu'on parle de l'affaire, j'ai intérêt à ce que l'as­~assin ne soit pas identifié. Du moins, pas par la police. - Votre rêve serait de le trouver vous-même? - Voilà! - Je comprends. - Vous pouvez m'aider! Si vous avez décou­vert mon trafic, vous devez découvrir le meurtrier. Ça lui en a mis plein les carreaux, mon enquête éclair. - Comment avez-vous fait ? demande-t-il. - J'ai fureté chez certaines filles mortes et j 'ai léniché la piste de monsieur. Je désigne le clergyman. - Ensuite, la routine, la bonne vieille routine 'rançaise... - Bravo! - Merci. Et vous, comment avez-vous déniché na trace? - Oh! facile. Maintenant, je fais filer toutes mes petites livreuses. Le fileur de celle-ci vous a 3A5 LES PATTES! .81 :epéré. Il vous a suivi sans que vous vous en dou­;iez. C'est un Noir. Je souris. - En effet, j'ai eu affaire à lui. - fl m'a prévenu aussitôt que quelqu'un filait la petite. Pendant que vous dansiez avec elle, un de mes hommes est allé vous voir; il vous a reconnu. Par mesure de précaution, j 'ai téléphoné à la com­pagnie aérienne qui m'a dit que vous aviez aban­donné l'avion à Cleveland. - Bon. Eh bien! je crois que nous nous sommes mis à jour, Maresco! - Je le crois aussi. - Je sens que vous allez me proposer un marché. - Vous " sentez " très bien. En effet, voilà ce que j'ai à vous dire: vous collaborez avec moi pour dénicher l'assassin ou bien vous refusez. Si vous refusez, mes hommes vous emmènent faire un tour. Si vous acceptez et si vous réussissez -j 'insiste sur ce dernier point -' je vous laisse l'ar­gent que je vous ai remis et un de mes gars vous raccompagne jusqu'à New York. Cette fois, il vous met dans l'avion pour la France! Je pense: " Parle, beau merle. " Car ces promesses-là sont des promesses de den­tistMais il faut que je gagne du temps. - D'accord, je suis à votre disposition. - A la bonne heure! Donnez-moi votre passe-port. Je lui tends le carnet demandé. Il le glisse dans un tiroir. Votre revolver, je l'ai déjà, votre argent aussi. Vous voici donc sans papiers, désarmé, désargenté. Pas moyen de faire grand-chose ici dans de telles conditions. De plus, vous aurez deux collabora­teurs. il fait signe à deux hommes. - Voici Dick et Jo. Dick parle un peu de fran­çais. Vous vous entendrez très bien. Je vous prie également de ne rien tenter sur leur personne, car il vous en cuirait... N'oubliez pas que vous êtes l'as­sassin de Seruti. Son collaborateur, que vous avez quelque peu malmené est prêt à témoigner que vous l'avez descendu. Donc, une fausse manoeuvre et je vous fais passer à la chambre à gaz, aussi vrai que je m'appelle Maresco fl a tout prévu, le Rital. Pour un fortiche, c'est un fortiche! - A propos de Seruti, dis-je, que s'est-il passé avec la souris morte soi-disant dans son taxiphone? - Elle a été assassinée dans son bureau pendant son absence. Ça la fichait mal. Alors, après la fer- meture de l'établissement, il l'a installée dans la cabine. C'est ce que je pensais. Dites voir, la hui­tième môme est de vous. Non? Non, de lui. Seruti a fait du zèle. Lorsque vous lui avez dit qu'une fille brune du salon de danse voisin vous avait fait certaines confidences, il a eu peur. Il m'a téléphoné, mais je n'étais pas chez moi, ce soir-là. Alors, il s'est occupé de ça tout seul. - Seruti connaissait votre section stups? -Oui. - Tous vos collaborateurs sont au courant? - Non, pas tous. Seuls les Siciliens. - Bref, la Mafia? - On ne peut rien vous cacher. Et vous avez confiance en eux? - Une confiance totale. - Jamais de... déceptions? - Rarement, et elles ont été sanctionnées. - Vous n'avez pas votre idée personnelle au sujet du tueur? - Si j'avais mon idée personnelle, je ne ferais pas appel à votre sagacité. Bien sur... Je me frotte le crâne. -~ Je boirais bien un verre de rye. - Facile..- Je veux vous dire quelque chose, Maresco. - C 'est le moment. - Au sujet de mon retour ici; je ne suis pas revenu pour vous emmerder personnellement, je n ai rien contre vous, si ce n'est une certaine admi­ration. J'admire tous les types grand format. - Merci. - Je suis venu à cause de cette marotte dont je vous ai parlé cette manie de la vérité. A part ça, je n'ai rien à voir avec le F.B.I. - Tant mieux. Il redevient bourru, lointain, froid. il a cet air des gens que vous emm... et qui sont trop polis pour vous le dire. Je siffle un glass et je me lève. Dick and Jo se lèvent aussi! CHAPITRE XV AU DODick et Jo sont ce qui se fait de mieux dans le style défonceur de portrait! Des armoires de ce format, vous pouvez en cher­cher des mêmes pendant cent dix ans à la salle des ventes, vous ne réussiriez pas à en trouver, ils ont des poitrines larges comme des portes de grange et des biscotos plus durs qu'un steak à bon marché. Me voilà parti avec ces deux molosses sans un radis en poche, sans arme, sans papelards et, ce qui est plus grave, sans la moindre idée de l'endroit où je vais aller. Maresco, c'est un drôle de vieux. Il doit croire au Père No~l à ses moments perdus. Parce que je lui ai prouvé que je n'avais pas la boîte crânienne fourrée aux amandes, il s'imagine que je vais dégauchir son tueur de souris en deux temps, trois mouvementsDécidément, j 'aurais dû rester dans l'avion. Certes, j 'ai fait un pas de géant en découvrant le trafic de noir du Rital, mais à quoi cela m'avance-t-il, je vous le demande? Maintenant, je suis coincé. Maresco a une façon peu ordinaire d'utili­ser les compétences. Ah ! la came ! Ce vieux-là, quand il sera canné, faudra le faire naturaliser et l'exposer au musée de l'homme; il vaut cinquante points d'entrée Dick me demande de son air le plus intelligent -ce qui est extraordinairement négatif: - Où nous aller? - Nous coucher, je fais. Avec ce coup de télé­phone sur la praline, maintenant, je suis bon à nib. Tant que j 'aurai pas récupéré, il ne faut pas comp­ter sur moi. Il grommelle je ne sais quoi de pas gentil, gentil, certainement. Je m'installe à mon volant, lui à mes côtés, son autre portion derrière. Et je reviens à l'hôtel où j 'ai retenu ma piaulette, mais, comme je m'apprête à ralentir, je pense au petit Robert et je me dis que ce serait une sale blague à lui faire que de le colloquer dans ce bain. Si je descends à mon hôtel, il me rendra visite, les deux costauds le harponneront; ils préviendront Maresco et il arrivera des choses pas gentilles au petit Belgicot. Non, pas de ça, LisetteJe file un coup de seringue et le bahut fonce plus loin. A force de tourniquer, je finis par découvrir un autre hôtel. - Dis donc, Dick, fais-je à mon convoyeur, je vais prendre une turne ici. C'est toi qui les allonge­ras, puisque je suis lavé de mornifle. Il grogne. Je considère que cette onomatopée est une approbation et je débarque dans l'hôtel. C'est Dick qui va baratiner la séquelle de la réception. Moi, j'attends en compagnie de Jo, lequel ne me lâche pas d'un poil, comme s'il s'at­tendait à ce que je me déguise en trou de gruyère! - Monter ! décide Dick. On nous embarque dans un ascenseur. On nous conduit à deux chambres communicantes. L'une a deux lits. C'est dans cette dernière que me fait entrer Dick. - Déshabiller ! dit-il. Je me déloque. il prend mes fringues et va les planquer dans la piaule voisine. Ensuite de quoi, il tire une paire de menottes de sa poche. Il empri­sonne mon poignet droit, me dit de me coucher et passe l'autre boucle de la poucette au lampadaire de fer forgé qui flanque le divan-lit. Cela fait, il ôte sa veste, s'allonge sur le divan voisin après avoir fenné la porte à clé, glisse la clé dans sa poche et traîne son pieu devant la fenêtreMaresco savait ce qu'il faisait en me confiant àcette nurse. Voilà un chéri qui compte avec le hasard et ne lui laisse pas le moindre morceau de gâteau. il allume une cigarette et éteint. Dans l'obscurité, je vois grésiller le bout incan­descent de la cibiche. Je me dis que mon but me fait mal, que la vie est moche et que le roupillon est une chose nécessaire. Je m'endors comme un petit ange! Comme le disait avec pertinence Pierre Dac: " Il ne faut jamais faire le jour même ce qu'on peut renvoyer au surlendemain matin. " CHAPITRE XVI DES RETROUVAILLEIl m'arrive souvent de rêver. Lorsqu'on mène une existence à grand spectacle, comme la mienne, c'est presque nécessaire. Un rêve, pour moi, c'est une soupape de sûreté. Donc, je suis dans un avion. Et cet avion ron­ronne comme tous les avions en vol. Mais, sou­dain, la porte de l'oiseau s'ouvre, un gars me prend par les pieds et me jette dans le vide sans qu'il me soit possible de réagir. Vache de blague ! Je fonce dans le vide comme un verre de vin blanc dans le gosier d'un ivrogne. Puis, soudain, je suis arrêté par le bras. Au pas­sage, j'ai eu le temps de saisir une courroie qui pendait hors de l'appareil. Je m'éveille et réalise la situation. Comme je fais un peu de température, because le coup de téléphone sur mon crâne, j'ai eu un saut de carqui m'a projeté hors du divan. Et mon bras reste suspendu par la menotte fixée au lampadaire. Quant au moteur d'avion, il est merveilleuse­ment imité par Dick, lequel ne s'est pas fait enlever les végétations et ronfle comme un bienheureux. Je me remets sur mon pieu. Mais, pour la chose du sommeil, je suis chouravé. Maintenant, je vais me tortiller sur le duvet sans parvenir à en écraser. Le mieux que j 'aie à maquiller, c'est encore de gamberger à la situation. Je suis pris dans cette his­toire comme un rat dans un piège. Pour s'en sortir, faut avoir de sérieuses accointances avec le petit Bon Dieu. Maresco a l'impression que je peux découvrir le coupable. il se carre le doigt dans l'oeil jusqu'au gros côlon. L'affaire des stups, c'était pas marie àentraver à cause du clergyman qui ne passait pas inaperçu. Mais l'assassin, lui, ne s'est pas déguisé en lancier du Bengale pour bousiller les porteuses de noir. Pour le démasquer, il faudrait que je sois au parfum des us et coutumes de ce bon Chicago, que je connaisse au moins la langue à fond, que j'aie les mains libres et du pèze pour arroser les muets. Non, je n'arriverai à rien. Si je n'arrive à rien, Maresco me fera distribuer des jetons de calibre 45, et si j 'arrive à quelque chose, ce sera du même tabac, parce qu'au point où en sont les choses, il npeut pas laisser papillonner à travers l'univers un flic au courant de ses combines clandestines. Donc, la seule chose qu'il me reste à faire, c'est de tout plaquer et de garer mon lard. Déjà, ça, c'est coton. Si j'arrive à fausser com­pagnie aux deux armoires qui m'escortent, je connaîtrai les transes d'un outlaw. Toute la meute galopera après mon pétrousquin et ce sera un drôle de cri dans la région, moi, je vous l'annonce sur papier timbré Pourtant, les idées, c'est comme les pelotons de ficelle: à force de les tripoter, on finit par les choper par le bon bout. " A toi de jouer, bonhomme! " me dis-je. Je commence à prêter l'oreille. Le Dick, mainte­nant, s'en donne comme une escadrille. C'est un vrai meeting à lui tout seul. Et faut croire qu'il a le sommeil aussi épais que son intelligence, car il ne m'a pas entendu tomber du page. Je biche doucettement le lampadaire. C'est une tige de bois. Elle se dévisse en son milieu. Je me mets donc à la dévisser. Bientôt, l'objet est en deux morceaux, seulement reliés par le fil électrique passant à l'intérieur. Du moment que le lampadaire est éteint, c'est que le jus n'y est pas. Vous êtes d'accord ? Je saisis un cendrier de verre posé sur la tablette du divan. Je le tortille dans ma couverture et je le casse. Çse passe sans bruit. Je chope le plus gros tesson de verre et je l'utilise comme une lame pour trancher le fil électrique. J'y parviens très aisément. Lentement, je fais remonter la boucle de la menotte et je la dégage. Dick ronfle toujours. Je retiens ma respiration pour ne pas perdre le moindre bruit. Je me glisse hors du divan et je rampe sur la carpette dans la direction du dormeur. Le jeu consiste simplement à le neutraliser sans éveiller le copain qui occupe la chambre voisine dont la porte de communication est ouverte. Heureusement, une enseigne lumineuse filtre àtravers le store. Elle tombe juste sur la face du cos­taud. Je me mets droit devant lui. Je prends bien mon temps, comme font les forts à bras de village qui veulent enregistrer leur force sur les punching-ball à cadran. Je serre mon poing droit, je bande mes muscles; je me cale bien sur mes jambes, de profil, et puis, vlan! Parole, c'est le plus beau taquet de ma vie. J'en ai balancé des chouettes, mais une livre avec os de cette ampleur, le grand Sugar n'en a jamais dépê­ché de semblable Mon poing explose sur la tempe de Dick. il ne pousse pas un cri. Son ronflement déraille es'achève pas un ridicule reniflement. il part en avant et je le redresse d'un coup de genou sous le menton. Comme ça, il a le bon poids et ne peut écrire une lettre de râlage à la direction... Groggy, qu'il est, le biscoteux. Quand il se réveillera, dans une demi-journée, il aura l'impression d'avoir reçu l'Everest sur le coin de la figure. Une confiture de marron pareille, ça vous change les idées pour un bout de temps! Et tout ça s'est déroulé sans bruit. Enfin, avec le mmimum! Je masse de ma main gauche mes phalanges endolories, puis, lorsque je parviens à refaire jouer mes articulations, je fouille les vagues du mec pour récupérer la clé des poucettes. Elle est dans la poche de son gilet. Je libère mon poignet. Ouf ! je me sens un autre homme. Rien de tel que l'action pour vous tonifier un zouave! Pendant que j'en suis à le vaguer, je chauffe son morlingue et son artillerie. Le portefeuille contient quelques centaines de dollars, ce qui suffit pour le moment. Bon, maintenant, s'agit de liquider l'autre tordu et de retrouver mes fringues. Je passe dans la chambre voisine à pas de loup. Mais l'autre a dû percevoir quelque chose, car il se retourne dans son page. Il baragouine quelque chose en anglais, d'unevoix pâteuse. Puis il donne la lumière. Il a l'air ahuri en m'apercevant. Je ne lui laisse pas le temps de se demander de quelle couleur était le cheval blanc d'Henri IV. D'un bond, je suis sur lui. Je le chope par la gargane tandis que lui fouille sous son oreiller pour y attraper sa machine à effeuiller les extraits de naissance. Un drôle d'oiseau! Ce qu'il pense de moi, il ne veut pas me le dire avec des fleurs " Fais vite, bonhomme! me supplié-je, ou alors tu vas écoper d'une praline où tu mets la main lorsque tu reçois ta feuille d'impôts ! " Et je fais vite. Je serre son cou avec une rage folle. Je sens craquer des machins cartilagineux sous mes doigts. Le gnace glousse et devient mou. Je porte ma main sur sa poitrine: son battant s'est arrêté. J'ai un peu forcé sur la manette des gaz. il a avalé son extrait de naissance alors que je voulais seulement le maîtriser. Cette fois, je suis dans le jus de boudin jus­qu'aux sourcils, les potes. C'est du peu avant le gros coup de tataouine! Lorsque Maresco va savoir que je lui ai démoli ses zèbres, il voudra avoir la peau de mes valseuses pour s'en faire faire une couverture chauffante! il va me coller les flics au dargeot. Et, cette fois, ils fonceront de bon coeur, les perdreaux, car ils saveque je ne suis pas un caïd, que je ne bouffe pas avec le gouverneur et qu'en fait de millions, je n'ai que le bonjour de chez moi à leur donner. Je me fringue à la vitesse d'un illusionniste, j'empoche le feu de Dick, son blé, le blé récolté sur Jo. Et me voilà parti dans les couloirs de l'hô­tel. Il est près de quatre heures du mat'. Le jour commence à rôdaillerJe sors du palace sans avoir éveillé l'attention. Je me remue la rondelle. il s'agit de faire vinaigre pour prendre les dispositions qui s'imposent. Je me souviens avoir vu un bureau de poste ouvert la nuit. A force de tourner au volant de mon baquet, je finis par tomber dessus. Je m'y précipite. A un gnace du guichet " telegraph ", j'explique que je veux envoyer un message urgent en France. Il me tend le formulaire. Mais, réflexion faite, je me dis qu'on en trouvera la trace et je réclame une carte-lettre à poster par avion. J'écris hâtivement à mon chef pour le mettre au parfum de ce qui est arrivé. Je lui résume en dix lignes la situation en l'affranchissant sur les activi­tés de Maresco. Je lui demande de faire fissa pour intervenir auprès des autorités américainesJe poste la bafouille. Il l'aura après-demain. Il s'agit de pouvoir tenir jusque-làHalsted St... C'est là. Je repère l'immeuble et je poursuis ma route. Je trouve un parc à voitures, un peu plus loin. il est peu garni. J'abandonne ma tire et je reviens jus­qu'à la carrée de Ceciia. Cette gosse est ma planche de salut. Je ne vois qu'elle qui puisse me planquer le temps nécessaire. J'appuie sur un bouton de sonnette. Un long moment s'écoule. Comme je m'apprête à appuyer de nouveau, sa voix brumeuse résonne dans l'ap­pareil acoustique. - Qu'est-ce que c'est? - C'est moi, dis-je, San-Antonio. Elle a une exclamation et enclenche le système d'ouverture de la porte principale. Je ne fais qu'un bond jusqu'à la cage d'ascenseur. Elle est là, sur le palier, devant son bouclard. Elle est dévêtue d'une robe de chambre en tulle bleu bordée de velours blanc. Avec des fringues aussi vaporeuses, une jeune fille nubile serait sûre et certaine de perdre son berlingue dans la minute qui suivrait les présentations avec bibi - My love! gazouille-t-elle en se collant contre moi, tii n'es donc pas parti? - Comme tii vois-turabras, dis-je non sans finesse. J'ai eu la nostalgie de ton corps d'albâtre. Vite, je repousse la lourde. - Tu faisais dodo, chérie? - Oui, je rêvais de you. - Eh bien! tes rêves vont prendre de la consis­tance, si j'ose ainsi m'exprimer! Nous passons dans la chambre où le lit défait, tout chaud, tout parfumés me tend pour ainsi dire les draps. - Ecoute, souris jolie, accepteraistu de me cacher ici pendant quarante-huit heures? Je me suis mis Maresco à dos et ça va barder pour mon matricule dans un futur tout ce qu'il y a d'immé­diat. - Qu'est-il arrivate? - Ce serait trop long, je t'expliquerai cela plus tard. Puis-je compter sur toi, oui ou non? That is the question I comme disait Breffort. - Mais, bien sûr, tu le peux, mon grand fou! - Vrai, tii me cacheras? - Je te cacherai! - Même... - Même? - Même de la police? Figure-toi que j'ai eI 9S une explication orageuse avec un des tueurs de Maresco. Elle s'est mal terminée.., pour lui! - Je te cacherais du diable, s'il le fallait! - Je ne t'en demande pas tant! Elle envoie promener sa robe de chambre arach­néenne. S'il me restait un centimètre cube d'air dans les éponges, je sifflerais d'admiration. Un corps comme le sien, vous n'en avez jamais vu. A côté d'elle, notre B.B. est juste bonne à écos­ser des petits pois. Ah ! mes enfants! Des jambes longues, fmes, bien proportionnées, nerveuses, racées comme celles d'une pouliche de course. Un ventre plat sur lequel vous avez envie de battre la charge. Des seins qui regardent orgueilleusement en ...... Bref, un digest de Folies-Bergère à faire damner un saint. Elle me regarde en souriant. Elle s'avance sur moi. Ses cheveux courts, ébou­riffés par le dodo, lui font une coiffure d'archange. J'allonge les bras... Je la cueille comme une brassée de bonheur. Je la renverse sur le pucier. Et alors, en moins de temps qu'il n'en faut à un huissier pour mettre une saisie-arrêt sur les appoin­tements d'un prolo qui n'a pas fmi de cigler les traites de sa télé, j'oublie ma situation critique, j'oublie Chicago, Maresco, ses boy-scouts. J'oublie tout ce qui n'est pas ce corps affolant! Ne comptez pas que je vous donne davantage de détails, vos bourgeoises ne sauraient plus ce qui leur arrive- C'est rien de le dire, mon âme... Je la chope par la taille. Je suis tout prêt à remettre le couvert, mais elle me repousse. CHAPITRE XVIENQUÊTE AU TÉLÉPHONJe suis soûl d'amour lorsque j 'ouvre un store languissant. il fait bon.., il fait jour. C'est bath d'être zoné dans la chaleur lorsqu'on a un gros coup de fatigue, lorsqu'il fait jour et qu'on n'a pas besoin de se lever. J'entends un petit air de radio, suave comme une patte de chat. J'ouvre mes châsses en grand. La pièce est toute blonde de soleil. Ah! ce qu'il fait bon vivre! Au milieu de la lumière, Cecilia évolue, gracieuse comme une fée. Elle porte une jupe de flanelle grise, un chemisier ocre et son maquillage est neuf. Elle tient à la main un plateau supportant un bol de café fumant, des toasts beurrés et un pot de confiture. Justement, j 'ai la dent. - Vous êtes bien reposé ? demande-t-elle. - Il faut que j 'aille à mon bureau. - Eh bien, soyez sage. S'il y a du nouveau, vous me téléphonez? - Oui. - Ecoutez, je ne répondrai au téléphone que si je suis certain que c'est vous. Pour cela, appelez-moi deux fois. Une première, vous raccrocherez dès que vous entendrez votre sonnerie d'ici, vous compterez dix secondes et vous referez le numéro. Compris? - Compris! Un beau patin pour mariage pauvre et me voilà seulâbre dans la strasse. Je baisse l'amplificateur du poste jusqu'à n~ avoir qu'un murmure imperceptible du dehors. Je chope un paquet de gitanes et je commence à le réduire en cendres en me laissant bercer par l'or­chestre de chambre. Après tout, je ne peux rien faire d'autre. il y a des moments dans cette garce de vie où il faut savoir faire abstraction de tout ce qui vous entoure. Tout à coup, je repense à mon petit copain, le Belge errant Robert Dauwel. Le pauvre môme doit se cailler le raisin à m' at­tendre. Comme il me parait dégourdoche, il voudra retrouver ma trace, il se lancera dans l'aventure avec la fougue d'un jeune clébard et ça bardera pour sa praline si jamais il tombe dans l'espace vital de Maresco. Il faut absolument que je le prévienne. Je me rappelle que l'hôtel où nous étions des­cendus s'appelait The Spanish. Et qu'il y avait des tableaux espagnols plein les murs du hall. Je fouinasse dans l'appartement de ma cocotte pour dégauchir un annuaire. Je finis par en engour­dir un qui lui sert de petit banc sans doute, car il est posé par terre à la cuisine. Elle doit mettre ses pin­ceaux dessus lorsqu'elle tourne une mayonnaise. Je le feuillette. The Spanish Hôtel, c'est écrit en caractère gras, ce qui est normal pour un établisse­ment qui se veut espagnol. Je compose le numéro sur le cadran et un portier polyglotte répond à mon coup de grelot. - Je voudrais parler à M. Robert Dauwel! dis-je - Tout dé souité! Un crachotement prometteur. La voix traînante éveillée pourtant, du petit globe-trotter me par vient. - C'est toi, Christophe Colomb ? fais-je. - Enfin ! s'écrie-t-il. Commissaire! - Chut! Ecoute, bonhomme, les choses oni mal tourné cette nuit. Je suis obligé de me déguisei en homme invisible! Justement, j'ai trouve une panoplie complète chez un costumier de mes aminches, alors je te le dis pour que tu ne te tra­casses pas pour ma cerise. Si j'ai un conseil à te donner, c'est de continuer ton voyage sans perdre une minute. Je ne t'ai pas refilé les mille dollars, mais, heureusement, je t'ai versé des arrhes sub­stantielles. Tu devras t'en contenter, mon pauvre gros, car ces vaches m'ont sucré tout ce qui me restait. - Vous tracassez pas pour ça, dit-il vivement. Vous m'avez donné six cents dollars, c'est beau­coup trop. Voulez-vous que je vous les rende? - Tu débloques, môme! Mais si vous n'en avez plus! - J'en trouverai, t'occupe pas! - Vrai, vous n'avez plus besoin de moi? - Mais non... Vous n'êtes pas en danger, au moins? - Mais non, mon gars. - Voulez-vous un coup de main? - Pas besoin. -Vrai? - Tu es obstiné comme un mouche à miel! - C'est que je sens que ça ne va pas pour vous. Je ne voudrais pas vous laisser comme ça. On ne peut pas au moins se dire au revoir? - Non- Où êtes-vous? - T'occupe pas. - Dites donc, vous avez lu les journaux? - Non, fais-je, intéressé. Pourquoi, il est ques­tion de moi? - Pas de vous, du tueur. Il a bousillé une nou­velle fille. Je croasse: - Quoi? - Vous n'avez pas vu le journal? - Et même, si j'en avais un, tout ce que je pourrais faire, c 'est envelopper des oeufs avec, tu sais bien que... - C'est vrai, vous ne savez pas lire. - Pas lire l'anglais, rectifié-je, car je n'aime pas qu'on défigure trop mon standing... Eh bien! qu'est-ce qu'il dit, le baveux? - Que Le Français a frappé pour la neuvième fois - Une fille de boîte? - Oui. - Comment? - Un coup de pétard, du 7,65 mm. Et, pour la première fois, l'une de ces filles est tuée par une balle de fabrication française, ce qui renforce la thèse des policiers comme quoi il s'agit d'un cri­minel de votre pays. - Voyez-vous ! Tu as le journal sous la pogneJ'étais en train de le lire lorsque vous m'avez sonne - On ne parle pas de l'assassinat d'un certain Seruti? - Attendez. Je perçois des froissements de papelards. - Si, dit-il au bout d'un instant, c'est dans les faits divers... Le directeur d'une boîte? Une boîte appelée le Cyro's? - Tout juste. Qu'est-ce qu'on dit? - Que l'homme est mort en nettoyant un revol­ver - Parfait. Je vois que Grane a été correct. - Bon, merci. Finis bien ton voyage, petit gars. Et à un de ces quatre, dans notre vieille Europe! Je raccroche. Je retourne à mon paquet de gitanes. Je recom­mence à fumer. La radio joue La vie en rose. Tu parles. Ici, ça serait plutôt la vie en rouge. Je bondis au bignou et je passe un nouveau coup de grelot à Robert. Je l'ai juste comme il payait sa note à la réception. - Dis, bonhomme, c'est encore moi. C'est au sujet de la fille descendue. Avait-elle le classique petit papier à la main- Mais oui, je vous l'ai dit. - J'entends, un papier écrit à la main? - Oui, il était écrit à la main. Et c'est la même écriture que les autres. - Ça va, ciao! Cette fois, je raccroche pour de bon. Donc c'est bien le tueur qui a bigorné la neu­vième fille, la huitième pour son palmarès, puisque celle d'avant l'a été par Seruti. Et il l'a bigornée au moyen d'un pétard crachant des pastilles françaises. Marrant... Calibre 7,65, re-marrant! J'ai de quoi réfléchir. Mais va te faire voir: la sonnerie du bignou retentit, très brève. Elle s' ar­rête. Ce doit être Cecilia. Oui, dix secondes ne se sont pas écoulées qu'elle reprend, insistante. J'attends un peu, elle continue. Alors, je décroche. C'est ma souris. - Tony ? murmure-t-elle. - Oui, mon coeur... - Dites, Tony chéri, il y a du nouveau. J'ai été obligé de dire à Grane que vous étiez chez moi. Il est d'accord pour vous sauver la mise une fois de plus, mais il faut faire vite. Il va vous chercher en voiture pour vous conduire en sûreté. - Qu'y a-t-il de nouveau? - Je ne puis vous expliquer cela ici, c'est trègrave; il vous expliquera en cours de route. Je vous annonce sa visite simplement pour que vous lui ouvriez la porte. A tout à l'heure, Tony! Elle raccroche. Je raccroche. Je n'aime pas les " choses nouvelles ". Surtout lorsque c'est un flic comme Grane qui vient vous les annoncer. Cette gourde n'a pas pu tenir sa langue. Les souris, même celles qui godent pour vous, vous vendent mille fois avec leur machine àbabiller. Je tourne en rond dans la piaule. Puis, au mépris de toute prudence, je vais me mettre à la fenêtre. Tout en jetant de fréquents coups de roberts en bas, je compulse l'annuaire. il ne me faut pas long­temps pour trouver ce que je cherche: le numéro de tube du consulat de France. Fiévreusement, je fais le numéro. - Allô I dit une voix. - Allô! dis-je. Passez-moi le consul, c'est urgent. Ici, police française! - Mais... - Au trot, ça presse! - C'est de la part de qui? - Je vous dis, police française. - Un instant... Ça doit jaspiner dans le téléphone intérieur dconsulat. Enfin, une voix d'homme, une voix fran­çaise, murmure: - J'écoute. - Vous êtes le consul de France? - Parfaitement. - Ici, commissaire spécial San-Antonlo. J'ai été envoyé ici en mission par les Services secrets français et j'ai besoin de votre assistance. Tandis que je parle, je vois stopper en bas une voiture de la police. Trois hommes en descendent, parmi lesquels je distingue aisément Grane. Les deux autres sont en uniforme. Ils tiennent quelque chose sous leur bras et ce quelque chose ressemble davantage à une Sten qu'à un parapluie. Drôle d'ustensile pour aller expliquer quelque chose àquelqu'un. - Ça urge! dis-je. il faut que vous veniez immédiatement à l'adresse que je vais vous indi­quer. Prenez la voiture officielle. C'est une ques­tion de vie ou de mort. Je lui file l'adresse de Cecilia et je prends congé rapidos lorsqu'il m'a donné l'assurance qu'il s'an­nonçait illico. Le c... de tout ça, c'est que je suis à loilpé. Je ne peux pas me tirer dans cette tenue. Vite, je saute dans mon bénard, dans ma che­mise. J'enfile mes targettes, ma vesteJe me précipite à la porte. Trop tard ! J'entends stopper l'ascenseur. Un triple bruit de pas résonne sur le sol du coi loir. Un coup de sonnette... Le silence s'établit CHAPITRE XVIIA LA SERINGUJ'ouvre la porte de la cuisine qui est juste à côté de celle de la porte d'entrée. La voix de Grane retentit: - San-Antonjo! C'est moi, Grane. Vous 6tes là? " Vas-y, bonhomme, me dis-je, ça se passera bien si tu es à la hauteur. " Je chipe une écumoire à long manche. - Oui, dis-je, en prenant bien soin de rester dans la cuisine. Oui, je suis là. - Ouvrez vite! Je tapote la porte avec l'écumoire, toujours depuis la cuisine. - Que voulez-vous ? demandé-je. - Ouvrez! - Pas sans savoir ce que vous me voulezJe continue à frotter la porte d'entrée avec l'us-tensile pour faire croire que je me tiens tout contre. Il y a un silence. Et, soudain, je souris en consta­tant que mon vieux flair est toujours de première qualité. Une fameuse seringuée secoue la porte. Un essaim de balles pénètre dans le vestibule et va secouer une potiche pseudo-chinoise qui trônait sur une console. La console aussi est chouravée. Aucune importance, elle était aussi tartouze que la potiche! Je pousse un cri terrible. Puis, je me mets àgeindre. Ça parlemente derrière la lourde. Puis une nou­velle giclée décarre, mais celle-ci est destinée à la serrure. Il y a bientôt un trou comme mon poing àla place de cette dernière. Les flics poussent la lourde. Ils s'attendent à trouver mon cadavre sur le tapis. Je ne leur laisse pas le temps de revenir de leur stupeur. Vite fait sur le gaz, je farcis le mec à la Sten. Il bloque une valda dans la bouche. Celle-là, il n'est pas près de l'avaler. Il lâche son moulin àcafé et reste debout, l'air éperdument gland. A se demander s'il est vivant ou non. Je fonce dans le tas sans attendre, car je viens de réaliser que Grane et son autre acolyte n'ont pa21d'arme au poing. Je les bouscule sauvagement. Ur coup de saton dans les valseuses de l'autre flic et il appelle sa mère à la rescousse. Je me retrouve nez à nez avec Grane. Il porte la main à son hoîster. - Touche pas ça, fumier! je dis. Tu vas y passer et ça me fera un plaisir fou. Ah! tu m'as bien eu, avec tes manigances. Je lève mon pétard, mais je me ravise. Au lieu de lui tirer dans le battant, je lui tire dans une flûte. La canne brisée, il tombe. Un coup de pompe dans le portrait et me voilà libre pour quel­ques secondes. Tout ça s'est déroulé en moins d'une minute. Je suis déjà dans l'ascenseur au moment où le branle-bas commence dans le building. Vous dites que j'ai de la pulpe de pamplemousse dans les biscotos, les mecs? Cet ascenseur va vite, mais pas aussi vite que je le souhaite. Mon rêve, à l'instant même, ce serait un tapis volant avec tout le confort. Seulement, nous ne sommes pas en Orient! Enfm, voici le hall. Je le traverse en galopant. Voici le grand air! Et voici, tournant la rue, une vache Delahaye munie d'un macaron. Je bondis. Un type d'une quarantaine d'années, assez corpulent, un peu chauve, esquisse un mouvement de parade. - Ayez pas peur, dis-je. Je suis le commissaire San~Antonio. Vous arrivez à point, comme un pol d'eau fraîche près d'une bouteille de pastisEn somme, dis-je, une fois dans le consulat, ici, je suis en territoire français? - Oui. - Câblez à Paris, ils vous donneront des ins­tructions sur mon rapatriement. Merci pour votre aide; sans vous, je serais truffé de plomb à l'heure présente. Je peux téléphoner? - Oui, bien sûr. - Ou plutôt, non, téléphonez pour moi. Vous avez entendu parler de Maresco? - On ne parle que de lui, ici. - Voulez-Vous le convoquer d'urgence? - Le convoquer? - Oui. Dites-lui qu'il vienne en personne pour avoir un entretien de la plus haute importance. - Parfait. Ce qu'il y a de bien avec Pralot (le consul d'ici porte ce blaze), c'est qu'il est docile. Je lui deman­derais de faire les pieds au mur qu'il me demande­rait seulement s'il peut conserver ses gantségal à lui-même, Maresco. Sobre, élé­gant, parfumé, sévère et cordial. - Je voudrais vous parler seul à seul, lui dis-je. Le consul, que j 'ai affranchi, se retire. Maresco n'a pas eu un geste de surprise en m'apercevant. Il m'a salué très gentiment, avec comme de la défé­rence. - Alors ? demande-t-il. - Ecoutez, fais-je, je commence par m'excuser pour la façon dont j'ai faussé compagnie à mes anges gardiens, mais je ne peux pas travailler avec des types sur mon dos. Une enquête, c'est comme l'amour, ça se fait sans témoins. il sourit d'un air de dire : bagatelle! - Ce qui importe, pour vous, lui dis-je, ce sont des résultats. Eh bien! soyez heureux, j'ai votre tueur! Il a un frémissement. - Est-ce bien vrai ? dit-il très vite. - Oui. C'est le lieutenant Grane. - Allons donc! - Si. Ce type doit aimer le pognon. C'est lui qui s'interpose entre les livreuses de noir et vous. Personne n'a jamais pu fournir de détail sur le tueur parce que c'est un flic. Ses coups, il les faits en uniforme. Les filles ne lui résistaient pas et personne ne le remarquait. Pourquoi les tuait-il? Parce que, justement, il raflait la drogue en étant en uniforme. Ce qui constituait sa sécurité constituait aussi sa perte, s'il faisait grâce aux filles. C'est un combinard. J'ai compris qu'il était combinard lors­qu'il m'a avoué m'avoir fait venir de France pour me donner en pâture à la presse. Il a tissé ça contre vous de longue date. Il ne pouvait rien d'autre que ces coups dans l'ombre, car vous êtes un monu­ment! " C'est lui qui a dû corrompre le mec qui vous a fauché le camet. Un jour, il a mis accidentellement le pif dans votre affaire de stups et ça l'a intéressé comme un chien qui renifle un gigot. " Maresco m'écoute religieusement. N'était l'éclat de ses yeux, je pourrais penser qu'il gamberge àautre chose. Continuez, fait-il. - Une de vos gonzesses a été dessoudée cette noye, hein? - Oui. - Elle l'a été avec un pétard français de 7,65 mm? - C'est vrai. - Ce pétard est à moi. Grane me l'a échangé l'autre nuit contre le sien. Quand il a su que j' avais calté d'ici, il s'en est servi pour renforcer llégende du tueur français. Rappelez vos souvemrs, Maresco. il a bien dû, au début de l'affaire, vous montrer les papiers écrits par vous? - C'est exact! fait Maresco, frappé par une évidence. - Ben! voyons... De la sorte, il savait qu'on étoufferait l'affaire grâce à vous. C'est un fortiche. Vous étiez sa victime et son protecteur. Il a pour assistante une petite garce qui est plus rouée que le diable. Elle a commencé par me vamper. C'est chez elle que je suis allé me planquer, comme un crétin, au petit jour. Je me fourrais ainsi sans le savoir dans la gueule du loup. Je lui raconte le coup de tube de Cecilia, m'an­nonçant l'arrivée de Grane qu'il fallait laisser entrer. - il venait me flinguer comme un lapin, conclus-je, car, n'étant pas parti, je pouvais témoi­gner au sujet du pétard échangé et le mettre un peu trop en lumière. Mais j 'étais sur mes gardes et ça a raté. Par exemple, j 'ai descendu un flic. Ça fait trois viandes froides à mon actif. Alors, Maresco, on va faire un marché: vous amortissez la casse pour moi, tout rentre dans l'ordre. Et vous, vous vous expliquez gentiment avec Grane. J'aurais pu le crever, tout à l'heure, mais je ne l'ai pas fait... j 'ai pensé que vous almenez... lui parler. - Vous avez bien fait, me complimente Maresco. Soyez sans inquiétude pour vos petites frasques, j 'arrangerai ça. - En revanche, moi, je ne me souviens plus avoir trouvé de l'opium en cherchant un meurtrier. Il sort son portefeuille. - Voilà le restant de vos dix mille dollars, ainsi que vos papiers. - Comment! m'écrié-je, vous les avez appor­tés ici - La preuve. - Vous pensiez me rencontrer? - Je ne pensais pas, je savais vous rencontrer ici. De même que je savais que vous vous débar­rasseriez de Dick et Jo: c'est du reste la raison pour laquelle j'ai attaché un troisième type à vos semelles. Et lui ne vous a pas perdu de vue. fl me tend la main. - Le bonjour à l'EuropCONCLUSION Je pousse la porte du jardinet. Et j'aperçois Félicie, ma brave femme de mère, qui met à refroi­dir une crème renversée sur la fenêtre. En me voyant, elle manque la renverser pour de bon. - Mon petit! s'écrie-t-elle. Nous nous ruons l'un vers l'autre et nous nous embrassons vachement. Elle est là, toute larmoyante, à écarquiller les yeux pour les égoutter et me regarder à son aise. - Je savais que tu viendrais aujourd'hui, dit­elle. La preuve, j'ai fait une crème renversée et j'ai préparé des oiseaux sans tête. - Tu sais toujours tout. Je la prends par l'épaule. - Dis, vieille mère, je ne t'ai rien rapporté de là-bas, sauf des dollars. On va acheter un frigopuis on fera repeindre la salle à manger. Et aussi on changera la voiture. Non? Elle sourit. - Mais oui, mon grand. Et elle questionne: - Ça s'est bien passé, à Chicago? - Merveilleusement bien. - C'est un drôle de pays, hein? - Un drôle de pays, oui, m'man. - Ce matin, je lisais dans le journal que des gangsters avaient enlevé un officier de police en traitement dans une clinique. Ils l'ont enlevé ainsi que sa secrétaire qui se trouvait à son chevet. Ils les ont arrosés d'essence et ils y ont mis le feu ! Tu ne crois pas que les journaux exagèrent? Tu crois que c'est possible, des choses pareilles? Je me perds un peu dans le flou. Je renifle la crème qui fume sur la fenêtre. Je regarde la branche fleurie d'un arbre du jardin où deux merles se poursuivent pour se faire reluire. - Penses-tu, m'man, dis-je enfin, ces affaires-là, c 'est tout des charres! MORCEAUX CHOISIS fin de l'histoire Ironiques, insolentes, cinglantes, corrosives cruelles, paillardes ou hilarantes, les réflexions de San-AntoniO vous feront pleurer de rire ou grincer des dents. Disponibles chez votre librain 1. Réflexions énamourées sur les femmes 2. Réflexions pointées sur le sexe 3. Réflexions poivrées sur la jactance 4. Réflexions appuyées sur la connerie 5. Réflexions sur les gens de chez nous et d'ailleurs 6. Réflexions passionnées sur l'amour 7. Réflexions branlantes sur la philosophie 8. Réflexions croustillantes sur nos semblables 9. Réflexions définitives sur l'au-delà îo. Réflexions 1ubilatoires sur l'existence Un guide de lecture inédit élaboré par Raymond Milési REMONTEZ LE FLEUVE AVEC LE COMMISSAIRE SAN-ANTONIO La première aventure du commissaire San-Antonio est parue en 1949. Peu à peu, ce personnage au punch et àla sincérité extraordinaires a pris dans le coeur des lec­teurs de tous âges une place si importante qu'on peut parler à son sujet de véritable phénomène. Qu'il s'agisse de son exceptionnel succès dans l'édition ou de l'enthousiasme qu'il provoque, on est en droit de le situer - et de loin - au premier rang des " héros lit­téraires " de notre pays. 1. Bibliographie des aventures de San-Antonio A) La série Aujourd'hui, la série est disponible dans une col­lection appelée " San-Antonjo ", avec une numérota­tion qui ne tient pas compte - pour une bonne partie - de l'ordre originel des parutions. C'est également cette numérotation qui est proposée, depuis 1997, dans la liste présente au début de tous les San­ 227 226 SAN-ANTONIO MODE D'EMPLOI Antonio. La bibliographie ci-dessous est rétablie dans son ordre chronologique, respectant les dates de paru­tions. Toutefois, le numéro actuel figure en bonne place après chaque titre. On le trouvera entre parenthèses et en caractères gras, précédé de la mention S-A. Le tout premier " San-Antonio ", RÉGLEZ-LUI SON COMPTE, est paru en 1949, aux éditions Jacquier (Lyon). Le Fleuve Noir a repris cet ouvrage en 1981, dans la collection " San-Antonjo ", (S-A 107). On le retrouvera, à son rang, dans la bibliographie. · 1950-1972 la collection " Spécial-Police "Après l'année de sortie et le TITRE, sont mentionnés la collection d'origine (Spécial-Police, avec le numéro jadis attribué au livre dans cette collection), puis le numéro actuel (S-A). " O.C. " signale que le ti~reaété réédité dans les oeuvres complètes - volumes reliés comportant chacun quatre ou cinq romans -' le numéro du tome étant précisé en chiffres romains. 1950 LAISSEZ TOMBER LA FILLE Spécial-Police Il - (S-A 43) - OC. III 1951 LES SOURIS ONT LA PEAU TENDRE Spécial-Police 19 - (S.A 44) - 0.C. Il 1952 MES HOMMAGES À LA DONZELLE Spécial-Police 30 - (S-A 45) - O.C. X SAN-ANTONIO MODE D'EMPLOI 1953 DU PLOMB DANS LES TRIPES Spécial-Police 35- (S-A 47) - 0.C. XII 1953 DES DRAGÉES SANS BAPT ME Spécial-Police 38 -(S-A 48) - O.C. IV 1953 DES CLIENTES POUR LA MORGUE Spécial-Police 40 - (S-A 49) - 0.C. vi 1953 DESCENDEZ-LE À LA PROCHAINE Spécial-Police 43 - (S-A 50) - o.c. vn 1954 PASSEZ-MOI LA JOCONDE Spécial-Police 48- (S-A 2) - 0.C. I 1954 SÉRÉNADE POUR UNE SOURIS DÉFUNTE Spécial-Police 52 - (S-A 3) - O.C. vm 1954 RUE DES MACCHABÉES Spécial-Police 57- (S-A 4) - 0.C. viii 1954 BAS LES PATTES! Spécial-Police 59 -(S-A 51) - 0.C. XI 1954 DEUIL EXPRESS Spécial-Police 63 - (S-A 53) - O.C. IV 1955 J'AI BIEN L'HONNEUR DE VOUS BUTER Spécial-Police 67- (S-A 54) - O.C. VIII 1955 C'EST MORT ET ÇA NE SAIT PAS! Spécial-Police 71 - (S-A 55) - 0.C. XIII 1955 MESSIEURS LES HOMMES Spécial-Police 76 - (S-A 56) - O.C. Il 1955 DU MOURON À SE FAIRE Spécial-Police 51 - (S-A 57) - OC. XV 1955 LE FIL À COUPER LE BEURRE Spécial-Police 85- (S-A 58) - O.C. XI 1956 FAIS GAFFE À TES OS Spécial-Police 90 - (S-A 59) - O.C. III 228 229 SAN-ANTONIO MODE D'EMPLOI 1956 À TUE... ET À TOI Spécial-Police 93 - (S-A 61) - O.C. VI .956 ÇA TOURNE AU VINAIGRE Spécial-Police 101 - (S-A 62) - O.C. IV 1956 LES DOIGTS DANS LE NEZ Spécial-Police 108 - (S-A 63) - O.C. VII AU SUIVANT DE CES MESSIEURS Spécial-Police 111 - (S-A 65) - O.C. IX 1957 DES GUEULES D'ENTERREMENT Spécial-Police 117 - (S-A 66) - O.C. IX LES ANGES SE FONT PLUMER Spécial-Police 123 - (S-A 67) - O.C. XII 1957 LA TOMBOLA DES VOYOUS Spécial-Police 129 - (S-A 68) - O.C. IV 1957 J'AI PEUR DES MOUCHES Spécial-Police 141 - (S-A 70) - O.C. I 1958 LE SECRET DE POLICHINELLE Spécial-Police 145 - (S-A 71) - O.C. III 1958 DU POULET AU MENU Spécial-Police 151 - (S-A 72) - O.C. V 1958 TU VAS TRINQUER, SAN-ANTONIO Spécial-Police 157 - (S-A 40)- O.C. V (tout en pouvant se lire séparément, ces deux derniers romans constituent une même histoire en deux parties) 1958 EN LONG, EN LARGE ET EN TRAVERS Spécial-Police 163 - (S-A 7) - O.C. XIII 1958 LA VÉRITÉ EN SALADE Spécial-Police 173 - (S-A 8) - O.C. VI 1959 PRENEZ-EN DE LA GRAINE Spécial-Police 179 - (S-A 73) - O.C. Il SAN-ANTONIO MODE D'EMPLOI 1959 ON T'ENVERRA DU MONDE Spécial-Police 188 - (S-A 74) - O.C. VII 1959 SAN.ANTONIO MET LE PAQUET Spécial-Police 194 - (S-A 76) - O.C. IX 1959 ENTRE LA VIE ET LA MORGUE Spécial-Police 201 - (S-A 77) - O.C. IX 1959 TOUT LE PLAISIR EST POUR MOI Spécial-Police 207 - (S-A 9) - O.C. XIII 1960 DU SIROP POUR LES GU PES Spécial-Police 216 - (S-A 5) - O.C. il 1960 DU BRUT POUR LES BRUTES Spécial-Police 225 - (S-A 15) - O.C. IX 1960 J'SUIS COMME ÇA Spécial-Police 233 - (S-A 16) - O.C. VI 1960 SAN~ANTONIO RENVOIE LA BALLE Spécial-Police 238 - (S-A 78) - O.C. VII 1960 BERCEUSE POUR BÉRURIER Spécial-Police 244 - (S-A 80) - O.C. IV 1961 NE MANGEZ PAS LA CONSIGNE Spécial-Police 250 - (S-A 81) - O.C. XI 1961 LA FIN DES HARICOTS Spécial-Police 259 - (S-A 83) - O.C. X 1961 Y A BON. SAN~ANTONIO Spécial-Police 265 - (S-A 84) - O.C. VIII 1961 DE"A"JUSQU'A"Z" Spécial-Police 273 - (S-A 86) - 0C. XII 1961 SAN-ANTONIO CHEZ LES MAC Spécial-Police 281 - (S-A 18) - O.C. VII 1962 FLEUR DE NAVE VINAIGRETTE Spécial-Police 293 - (S-A 10) - O.C. I 51 230 SAN-ANTONIO MODE D'EMPLOI 1962 MÉNAGE TES MÉNINGES Spécial-Police 305 - (S-A 11) - O.C. IX 1962 LE LOUP HABILLÉ EN GRAND-MÈRE Spécial-Police 317 - (S-A 12) - OC. X 1962 SAN-ANTONIO CHEZ LES " GONES " Spécial-Police 321 - (S-A 13) - O.C. V 1963 SAN-ANTONIO POLKA Spécial-Police 333 - (S-A 19) - O.C. V 1963 EN PEIGNANT LA GIRAFE Spécial-Police 343 - (S-A 14) - O.C. Il 1963 LE COUP DU PÈRE FRANÇOIS Spécial-Police 358 - (S-A 21) - OC. XI .963 LE GALA DES EMPLUMÉS ipécial-Police 385 - (S-A 41) - O.C. V >64 OTEZ BÉRURIER pécial-Police 391 - (S-A 22) - O.C. I '~ ÉRURIER AU SÉRAIL pécial-Police 427 - (S-A 87) - O.C. III '65 A RATE AU COURT-BOUILLON pécial-Police 443 - (S-A 88) - O.C. I 55 AS-Y BÉRU! pécial-Police 485 - (S-A 23) - O.C. VIII '66 ANGO CHINETOQUE pécial-Police 511 - (S-A 24) - O.C. VI '66 4LUT, MON POPE! ,écial-Police 523 - (S-A 25) - O.C. X 66 [ANGE ET TAIS-TOI ,écial-Police 565 - (S-A 27) - O.C. XII 67 ~UT ÊTRE LOGIQUE ,écial-Police 577 - (S-A 28) - O.C. X AN-ANTONTO MODE D'EMPLOI 67 ~ DE L'ACTION! ~cial-Police 589 - (S-A 29) - O.C. XIII 67 I RU CONTRE SAN~ANTONIO écia1~Po1ice 613 - (S-A 31) - O.C. XII 67 I ARCHIPEL DES MALOTRUS écia1~Po1ice 631 - (S-A 32) - O.C. XI 68 ERO POUR LA QUESTION écial~PoliCe 643 - (S-A 34) - O.C. XIII iS I ~AVO, DOCTEUR BÉRU ~ - (S-A 35) - O.C. XIV ~>% RN pécial-Police 679 - (S-A 37) - O.C. XIV >68 LIN ÉLÉPHANT, ÇA TROMPE Spécial-Police 697 - (S-A 38) - O.C. XIV '69 ~'AUT-IL VOUS L'ENVELOPPER? ipécial-Police 709 - (S-A 39) - O.C. XIV 69 EN AVANT LA MOUJIK pécial-Police 766 - (S-A 89) - O.C. XIV 70 N4A LANGUE AU CHAH Spécial-Police 780 - (S-A 90) - O.C. XV 70 ÇA MANGE PAS DE PAIN Spécial-Police 829 - (S-A 92) - O.C. XV '71 N'EN JETEZ PLUS! Spécial-Police 864 - (S-A 93) - O.C. XV 71 MOI. VOUS ME CONNAISSEZ? Spécial-Police 893 - (S-A 94) - O.C. XV 72 EMBALLAGE CADEAU Spécial-Police 936 - (S-A 96) - O.C. XVI 72 APPELEZ-MOI CHÉRIE Spécial-Police 965 - (S-A 97) - O.C. XVI 233 232 SAN-ANTONIO MODE D'EMPLOI 1972 T'ES BEAU, TU SAIS! Spécial-Police 980 - (S-A 99) - O.C. XVI (dernier roman paru dans la collection Spécial-Police) · 1973-1979: la collection " San-Antonio ", numé­rotation anachronique En 1973 débute la collection " San-Antonjo ". Désormais, tous les romans y paraîtront. De 1973 à1979, les 78 titres précédents sont republiés sous leur nouvelle numérotation, entrecoupés des 21 inédits suivants. Les numéros affichés - et qui figurent aujourd'hui sur les livres - se poursuivent donc de manière anachronique. On les trouve toujours ci-des­sous précédés de S-A. 1973 ÇA NE S'INVENTE PAS (S-A 1) - O.C. XVI 1973 J'AI ESSAYÉ, ON PEUT! (S-A 6) - O.C. XVII 1974 UN OS DANS LA NOCE (S-A 17) - O.C. XVII 1974 LES PRÉDICTIONS DE NOSTRABÉRUS (S-A 20) - O.C. XVII 1974 METS TON DOIGT OÛ J'AI MON DOIGT (S-A 26) - O.C. XVII SI, SIGNORE (S-A 30) - O.C. XVIII 975 MAMAN, LES PETITS BATEAUX (S-A 33) - O.C. XVIII SAN-ANTONIO MODE D'EMPLOI 1975 LA VIE PRIVÉE DE WALTER KLOZETT (S-A 36) - O.C. XVIII 1975 DIS BONJOUR À LA DAME (S-A 42) - O.C. XVIII 1975 CERTAINES L'AIMENT CHAUVE (S-A 46) - O.C. XIX 1976 CONCERTO POUR PORTE-JARRETELLES (S-A 52) - O.C. XIX 1976 SUCETTE BOULEVARD (S-A 60) - O.C. XIX 1977 REMETS TON SLIP, GONDOLIER (S-A 64) - OC. XIX 1977 CHÉRIE, PASSE-MOI TES MICROBES! (S-A 69) - O.C. XX 197' UNE BANANE DANS L'OREILLE (S-A 75) - O.C. XX 1977 HUE, DADA! (S-A 79) - OC. XX 1978 VOL AU-DESSUS D'UN LIT DE COCU (S-A 82) - OC. XX 1978 SI MA TANTE EN AVAIT (S-A 85) - O.C. XXI 1978 FAIS-MOI DES CHOSES (S-A 91) - O.C. XXI 1978 VIENS AVEC TON CIERGE (S-A 95) - O.C. XXI 1979 MON CULTE SUR LA COMMODE (S-A 98) - O.C. XXI 237 236 1986 986 1986 1986 1987 1987 1987 1987 1987 1988 1988 1988 [988 1989 k SAN-ANTONTO: MODE D'EMPLOI CHAUDS, LES LAPINS! (5-A 125) ALICE AU PAYS DES MERGUEZ (S-A 126) FAIS PAS DANS LE PORNO... (S-A 127) (également en feuilleton dans Le Matin de Paris) LA FÊTE DES PAIRES (S-A 128) LE CASSE DE L'ONCLE TOM (S-A 129) BONS BAISERS OÙ TU SAIS (S-A 130) LE TROUILLOMÈTRE À ZÉRO (S-A 131) CIRCULEZ! Y A RIEN À VOIR (S-A 132) GALANTINE DE VOLAILLE POUR DAMES FRIVOLES (S-A 133) LES MORUES SE DESSALENT (S-A 134) ÇA BAIGNE DANS LE BÉTON (S-A 135) BAISSE LA PRESSION, TU ME LES GONFLES! (S-A 136) RENIFLE. C'EST DE LA VRAIE (S-A 137) LE CRI DU MORPION (S-A 138) 1989 1989 1989 989 1990 1991 1991 1991 1991 1991 1992 1992 1992 SAN-ANTONLO MODE D'EMPLOI PAPA, ACHÈTE-MOI UNE PUTE (S-A 139) MA CAVALE AU CANADA (S-A 140) VALSEZ, POUFFIASSES (S-A 141) TARTE AUX POILS SUR COMMANDE (S-A 142) COCOTTES-MINUTE (S-A 143) PRINCESSE PATTE-EN-L'AIR (S-A 144) AU BAL DES ROMBIÈRES (S-A 145) BUFFALO BIDE (S-A 146) BOSPHORE ET FAIS RELUIRE (S-A 147) LES COCHONS SONT LÂCHÉS (S-A 148) LE HARENG PERD SES PLUMES (S-A 149) TÊTES ET SACS DE NoeUDS (S-A 150) LE SILENCE DES HOMARDS (S-A 151) Y EN AVAIT DANS LES PÂTES (S-A 152) AL CAPOTE (S-A 153SAN~ANTONIO: MODE D'EMPLOI FAITES CHAUFFER LA COLLE (S-A 154) 993 LA MATRONE DES SLEEPINGEs (S-A 155) 1993 FOIRIDON À MORBAC CITY (S-A 156) ALLEZ DONC FAIRE ÇA PLUS LOIN (S-A 157) 993 AUX FRAIS DE LA PRINCESSE (S-A 158) 994 SAUCE TOMATE SUR CANAPÉ (S-A 159) MESDAMES VOUS AIMEZ " ÇA " (S-A 160) 994 MAMAN, LA DAME FAIT RIEN QU'À ME FAIRE DES CHOSES (S-A 161) 1995 LES HUÎTRES ME FONT BÂILLER (S-A 162) 1995 TURLUTE GRATOS LES JOURS FÉRIÉS (S-A 163) LES EUNUQUES NE SONT JAMAIS CHAUVES (S-A 164) 995 LE PÉTOMANE NE RÉPOND PLUS (S-A 165) 1996 T'ASSIEDS PAS SUR LE COMPTE-GOUTTES (S-A 166) 996 DE L'ANTIGEL DANS LE CALBUTE (S-A 167) 997 LA QUEUE EN TROMPETTE (S-A 168) .99' GRIMPE-LA EN DANSEUSE (S-A 169) SAN-ANTONIO MODE D'EMPLOI 99' NE SOLDEZ PAS GRAND-MÈRE, ELLE BROSSE ENCORE (S-A 170) 998 DU SABLE DANS LA VASELINE (S-A 171) 999 CECI EST BIEN UNE PIPE (S-A 172) 999 TREMPE TON PAIN DANS LA SOUPE (S-A 173) 1999 LÂCHE-LE, IL TIENDRA TOUT SEUL (S-A 174) (tout en pouvant se lire séparément, ces deux derniers romans constituent une même histoire en deux parties) B) Les Hors-Collection Huit romans, de format plus imposant que ceux de la " série ", sont parus de 1964 à 1976. Tous les origi­naux aux éditions FLEUVE NOIR, forts volumes car­tonnés jusqu'en 1971, puis brochés. Ces ouvrages sont de véritables feux d'artifice allumés par la verve de leur auteur. L'humour atteint ici son paroxysme. Bérurier y tient une place " énorme ", au point d'en être parfois la vedette! Remarque importante : outre ces huit volumes, de nombreux autres " Hors-Collection " - originaux ou rééditions de Frédéric Dard - signés San-Antonio ont été publiés depuis 1979. Ces livres remarquables, souvent bouleversants (Faut-il tuer les petits garçons qui ont les mains sur les hanches ?, La vieille qui marchait dans la mer, Le dragon de Cracovie...) ne concernent pas notre policier de choc et de charme. 240 SAN-ANTONIO MODE D'EMPLOI Sont mentionnés dans les " Hors-Collection " ci-des­sous uniquement les romans dans lesquels figure le Commissaire San-Antonio! L'HISTOIRE DE FRANCE VUE PAR SAN-ANTONIO, 1964 -réédité en 1997 sous le titre HISTOIRE DE FRANCE LE STANDINGE SELON BÉRURIER, 1965 - réédité en 1999 sous le titre LE STANDINGE BÉRU ET CES DAMES, 1967 LES VACANCES DE BÉRURIER, 1969 BÉRU-BÉRU, 1970 LA SEXUALITÉ, 1971 LES CON. 1973 SI QUEUE-D'ÂNE M'ÉTAIT CONTÉ, 1976 (aventure entière­ment vécue et racontée par Bérurier) - réédité en 1998 sous le titre QUEUE-D'ÂNE. 2. Guide thématique de la série " San-Antonio " Les aventures de San-Antonio sont d'une telle richesse que toute tentative pour les classifier ne prête­rait - au mieux - qu'à sourire si l'on devait s'en tenir là. Une mise en schéma d'une telle oeuvre n'a d'intérêt que comme jalon, à dépasser d'urgence pour aller voir " sur place ". Comment rendre compte d'une explosion permanente ? Ce petit guide thématique n 'est donc qu'une " approche " partielle, réductrice, observation d'une constellation par le tout petit bout de la lorgnette. San-Antonio, on ne peut le connaître qu'en le lisant, tout entier, en allant se regarder soi- SAN-ANTONIO: MODE D'EMPLOI même dans le miroir qu'il nous tend, le coeur et les yeux grands ouverts. Dans les 174 romans numérotés parus jusqu'à fin 1999 au Fleuve Noir, on peut dénombrer, en simpli­fiant à l'extrême, 10 types de récits différents. Bien entendu, les sujets annexes abondent ! C'est pourquoi seul a été relevé ce qu'on peut estimer comme le thème " principal " de chaque livre. Le procédé vaut ce qu'il vaut, n'oublions pas que " simplifier c'est fausser ". Mais il permet - en gros, en très gros ! - de savoir de quoi parlent les San­Antonia, sur le plan " polar ". J'insiste : gardons à l'es­prit que là n'est pas le plus important. Le plus impor­tant, c'est ce qui se passe entre le lecteur et l'auteur, et qu'on ne pourra jamais classer dans telle ou telle caté­gorie. Mode d'emploi Comme il serait beaucoup trop long de reprendre tous 'les titres, seuls leurs numéros sont indiqués sous chaque rubrique. Ce sont les numéros de 1' actuelle collection " San-Antonio ", c'est pourquoi ils sont tous précédés de S-A. Néanmoins, ils sont chaque fois rangés dans l'ordre chronologique des parutions du plus ancien roman au olus récent (comme dans la Bibliographie). ~ Rappel pour retrouver un titre à partir de ces numé­ros, il suffit de consulter la liste qui vous est proposée au début de chaque San-Antonio depuis 199SAN-ANTONLO MODE D'EMPLOI A. Aventures de Guerre, ou faisant suite à la Guerre. Pendant le conflit 39-45, San-Antonio est l'as des Services Secrets. Résistance, sabotages, chasse aux espions avec actions d'éclat. On plonge ici dans la " guerre secrète ". -~ S-A 107 (reprise du tout premier roman de 1949) s S-A 43 · S-A 44 · S-A 47 Dans les années d'après-guerre, le commissaire poursuit un temps son activité au parfum de contre-espionnage (espions à identifier, anciens " collabos ", règlements de comptes, criminels de guerre, trésors de guerre). Ce thème connaît certains prolongements, bien des années plus tard. -+ S-A 45 · S-A 50 · S-A 63 · S-A 68 · S-A 78 B. Lutte acharnée contre anciens (ou néo-) nazis. La Guerre n'est plus du tout le " motif " de ces aventures, même si l'enquête oppose en général San­Antonio à d'anciens nazis, avec un fréquent mystère àélucider. C'est pourquoi il était plus clair d'ouvrir une nouvelle rubrique. Les ennemis ont changé d'identité et refont surface, animés de noires intentions; à moins qu'il s'agisse de néo-nazis, tout aussi malfaisants. -+ S-A 54 · S-A 58 · S-A 59 · S-A 38 · S-A 92 · S­A93.S-A42.S-A123.S-A151 SAN-ANTONIO: MODE D'EMPLC. San-Antonio opposé à de dangereux trafi­quants. Le plus souvent en mission à l'étranger, San­Antonio risque sa vie pour venir à bout d'individus ou réseaux qui s'enrichissent dans le trafic de la drogue, des armes, des diamants... Les aventures démarrent pour une autre raison puis le trafic est découvert et San-Antonio se lance dans la bagarre. -> S-A 3 · S-A 65 · S-A 67 · S-A 18 · S-A 14 · S-A 110 · S-A 159 D. San-Antonio contre des sociétés secrètes: un homme traqué! De puissantes organisations ne reculent devant rien pour conquérir pouvoir et richesse: Mafia (affrontée par ailleurs de manière " secondaire ") ou sociétés secrètes asiatiques. Elles feront de notre héros un homme traqué, seul contre tous. il ne s'en sortira qu'en déployant des trésors d'ingéniosité et de cou­rage. -* S-A 51 · S-A 138 · S-A 144 · S-A 160 · S-A 170 · S-A 171 · S-A 172 · S-A 173 Certains réseaux internationaux visent moins le profit que le chaos universel. San-Antonio doit alors défier lors d'aventures échevelées des groupes terro­ristes qui cherchent à dominer le monde. Frissons garantis! -~ S-A 34 · S-A 85 · S-A 103 · S-A 108 244 SAN-ANTONIO: MODE D'EMPLOI E. Aventures personnelles: épreuves physiques et morales. Meurtri dans sa chair et ses sentiments, San-Antonio doit s'arracher à des pièges mortels. Sa " personne " - quelquefois sa famille, ses amis - est ici directe­ment visée par des individus pervers et obstinés. Jeté aux enfers, il remonte la pente et nous partageons ses tourments. C'est sans doute la raison pour laquelle plu­sieurs de ces romans prennent rang de chefs-d'oeuvre. Bien souvent, le lecteur en sort laminé par les émotions éprouvées, ayant tout vécu de l'intérieur! -> S-A 61 · S-A 70 · S-A 86 · S-A 27 · S-A 97 S-A 36 · S-A 111 · S-A 122 · S-A 131 · S-A 132 S-A 139 · S-A 140 · S-A 174 F. À la poursuite de voleurs ou de meurtriers (thème le plus copieux) Pour autant, on peut rarement parler de polars " classiques ". Ce sont clairement des enquêtes, mais à la manière de San-Antonio! · Enquêtes " centrées " sur le vol ou l'escroque­rie. Les meurtres n'y manquent pas, mais l'affaire tourne toujours autour d'un vol (parfois chantage, ou fausse monnaie...). Peu à peu, l'étau se resserre autour des malfaiteurs, que San-Antonio, aux méthodes " ris­quées ", fmit par ramener dans ses filets grâce à son cerveau, ses pomgs et ses adjoints. -> S-A 2 · S-A 62 · S-A 73 · S-A 80 · S-A 10 S-A 25 · S-A 90 · S-A 113 · S-A 149 SAN-ANTONIO MODE D'EMPLOI 245 · Enquêtes " centrées " sur le meurtre. A l'inverse, ces aventures ont le meurtre pour fil conducteur. San-Antonio doit démêler l'écheveau et mettre la main sur le coupable, en échappant bien des fois à la mort. Vol et chantage sont d'actualité, mais au second plan. ?> S-A 55 · S-A 8 · S-A 76 · S-A 9 · S-A 5 · S-A 81 · S-A 83 · S-A 84 3 S-A 41 · S-A 22 · S-A 23 S-A 28 · S-A 35 · S-A 94 · S-A 17 · S-A 26 · S-A 60 · S-A 100 · S-A 116 · S-A 127 · S-A 128 · S-A 129 · S-A 133 · S-A 135 · S-A 137 · S-A 143 S-A 145 · S-A 152 · S-A 161 · S-A 163 · (Variante) Vols ou meurtres dans le cadre d'une même famille. -~ S-A 4 · S-A 7 · S-A 74 · S-A 46 · S-A 91 · S-A 114 · S-A 141 · S-A 148 · S-A 154 · S-A 165 G. Affaires d'enlèvements Double but à cette poursuite impitoyable: retrou­ver les ravisseurs et préserver les victimes! -> S-A 56 (porté à l'écran sous le titre Sale temps pour les mouches) · S-A 16 · S-A 13 · S-A 19 S-A 39 · S-A 52 · S-A 118 · S-A 125 · S-A 126 S-A 136 · S-A 158 H. Attentats ou complots contre hauts personnages. Chaque récit tourne autour d'un attentat - visant souvent la sécurité d'un état - que San-Antonio doit 246 SAN-ANTONIO : MODE D'EMPLOI à tout prix empêcher, à moins qu'il n'ait pour mission de... l'organiser au service de la France! S-A 48 · S-A 77 · S-A il · S-A 21 · S-A 88 · S-A 96 · S-A 33 · S-A 95 · S-A 98 · S-A 102 · S-A 106·S-A109·S-A120·S-A124·S-Aî3o I. Une aiguille dans une botte de foin! A partir d'indices minuscules, San-Antonio doit mettre la main sur un individu, une invention, un document d'un intérêt capital. Chien de chasse infati­gable, héroïque, il ira parfois au bout du monde pour dénicher sa proie. -~ S-A 49 · S-A 53 · S-A 57 · S-A 66 · S-A 71 · S- A 72 · S-A 40 · S-A 15 · S-A 12 · S-A 87 · S-A 24 · S-A 29 · S-A 31 · S-A 37 · S-A 89 · S-A 20 · S- A 30 · S-A 69 · S-A 75 · S-A 79 · S-A 82 · S-A 101 · S-A 104 · S-A 105 · S-A 112 · S-A 115 · S- A 117 · S-A 119 · S-A 121 · S-A 134 · S-A 142 S-A 146 · S-A 147 · S-A 150 · S-A 153 · S-A 156 · S-A 157 · S-A 164 · S-A 166 · S-A 167 J. Aventures aux thèmes entremêlés Quelques récits n'ont pris place - en priorité du moins - dans aucune des rubriques précédentes. Pour ceux-là, le choix aurait été artificiel car aucun des motifs ne se détache du lot : ils s'ajoutent ou s 'in­sèrent l'un dans l'autre. La caractéristique est donc ici l'accumulation des thèmes. -~ S-A 32 · S-A 99 · S-A 1 · S-A 6 · S-A 64 · S-A 155 · S-A 162 · S-A 168 · S-A 169 SAN-ANTONLO : MODE D'EMPLOI SANS OUBLIER... 247 Voilà répartis en thèmes simplistes tous les ou­vrages de la série. Mais bien entendu, les préférences de chacun sont multiples. Plus d'un lecteur choisira de s'embarquer dans un San-Antonio pour des raisons fort éloignées de la thématique du polar. Encore heu­reux ! On dépassera alors le point de vue du spécia­liste, pour ranger de nombreux titres sous des ban­nières différentes. Avec un regard de plus en plus coloré par l'affection. Note Contrairement à ce qui précède, certains numéros vont apparaître ici à plusieurs reprises. C'est normal : on peut tout à la fois éclater de rire, pleurer, s'émer­veiller, frissonner, s'émouvoir.., dans un même San­I Antonio! · incursions soudaines dans le fantastique. Au cours de certaines affaires, on bascule tout àcoup dans une ambiance mystérieuse, avec irruption du " fantastique ". San-Antonio se heurte à des faits étranges : sorcellerie, paranormal, envoûtement... ù~ S-A 28 · S-A 20 · S-A 129 · S-A 135 · S-A 139 · S-A 140 · S-A 152 · S-A 172 · S-A 174 · inventions redoutables et matériaux extraordinaires. Dans plusieurs romans, le recours à un attirail futu­ 248 SAN-ANTONIO MODE D'EMPLOI riste entraîne une irruption soudaine de la science-fic­tion. il arrive même qu'il serve de motif au récit. Voici un échantillon de ces découvertes fabuleuses pour les­quelles on s'entretue: objectif fractal (un grain de beauté photographié par satellite !), réduction d'un homme à 25 cm, armée tenue en réserve par cryogéni­sation, échangeur de personnalité, modificateur de cli­mats, neutraliseur de volonté, lunettes de télépathie, forteresse scientifique édifiée sous la Méditerranée, fragment d'une météorite transformant la matière en glace, appareil à ôter la mémoire, microprocesseur réactivant des cerveaux morts, et j'en passe... -* S-A 57 · S-A 12 · S-A 41 · S-A 23 · S-A 34 · S- A 35 · S-A 37 · S-A 89 · S-A 17 · S-A 20 · S-A 30 · S-A 64 · S-A 69 · S-A 75 · S-A 105 · S-A 123 S-A 129 · S-A 146 Savants fous et terrifiantes expériences humaines. -~ S-A 30 · S-A 52 · S-A 116 · S-A 127 · S-A 163 · Romans " charnière ". Sont ainsi désignés les romans où apparaît pour la première fois un nouveau personnage, qui prend défmi­tivement place aux côtés de San-Antonio. S-A 43: Félicie (sa mère), en 1950. S-A 45: Le Vieux (Achille), en 1952. S-A 49: Bérurier, en 1953. S-A 53: Pinaud, en 1954. S-A 66: Berthe (déjà évoquée, mais première ap­parition physique), en 1957. SAN-ANTONIO : MODE D'EMPLOI S-A 37: S-A 94: S-A 128: S-A 168: S-A 173: 249 Marie-Marie, en 1968. Toinet (ou Antoine, le fils adoptif de San-Antonio), en 1971. Jérémie Blanc, en 1986. Salami, en 1997. Antoinette (fille de San-Antonio et Marie-Marie), en 1999. Mathias, le technicien rouquin, est apparu peu àpeu, sous d'autres noms. · Bérurier et Pinaud superstars! Le Gros, l'Inénarrable, Béru ! est sans conteste le plus brillant " second " du commissaire San-Antonio. Présent dans l'immense majorité des romans, il y déploie souvent une activité débordante. Sans se hisser au même niveau, le doux et subtil Pinaud tient égale­ment une place de choix... · participation importante de Bérurier. S-A 18 · S-A 10 · S-A il · S-A 14 · S-A 22 · S- A 88 · S-A 23 · S-A 24 · S-A 27 · S-A 28 · S-A 32 · S-A 34 · S-A 37 · S-A 89 · S-A 90 · S-A 93 · S­A 97 · S-A i · S-A 20 · S-A 30 · S-A 33 · S-A 46 S-A 52 · S-A 75 · S-A 101 · S-A 104 · S-A 109 S-A 116 · S-A 126 · S-A 145 · S-A 163 · S-A 166 N'oublions pas les " Hors-Collection ", avec notam­ment Queue-d'âne où Bérurier est seul présent de bout en bout 250 SAN-ANTONIO: MODE D'EMPLOI · participation importante de Bérurier et Pinaud S-A 12 · S-A 87 · S-A 25 · S-A 35 · S-A 96 S-A 105 · S-A 111 · S-A 148 (fait exceptionnel: San-Antonio ne figure pas dans ce roman !) S-A 156 · Marie-Marie, de l'enfant espiègle à la femme mûre Dès son apparition, Marie-Marie a conquis les lec­teurs. La fillette malicieuse, la " Musaraigne "éblouissante de Viva Bertaga qui devient femme au fil des romans est intervenue dans plusieurs aventures de San-Antonio. · Fillette espiègle et débrouillarde. S-A 37 · S-A 38 · S-A 39 · S-A 92 · S-A 99 · Adolescente indépendante et pleine de charme. ->5-A 60 · S-A 69 · S-A 85 · Belle jeune femme, intelligente et profonde. Il ne s'agit parfois que d'apparitions intermittentes. -~ S-A 103 · S-A 111 · S-A 119 · S-A 120 · S-A 131 (où Marie-Marie devient veuve !) · S-A 139 S-A 140 · S-A 152 · Femme mûre, mère d'Antoinette (fille de San­Antonjo). -* S-A 173 · S-A 174 SAN-ANTONIO: MODE D'EMPLOI 251 · Le rire Passé la première trentaine de romans (et encore !), le rire a sa place dans toutes les aventures de San­Antonio, si l'humour, lui, est partout, y compris au coeur de la colère, de l'amour et de la dérision. Mais plusieurs aventures atteignent au délire et nous trans­portent vraiment d'hilarité par endroits. Dans cette catégorie décapante, on conseillera vivement: S-A 10 · S-A 14 · S-A 87 · S-A 88 · S-A 23 · S­A25·S-A2·S-A35 Y ajouter, là encore, tous les " Hors-Collection ". Qui n'a pas lu L'Histoire de France vue par San­Antonio ou Les vacances de Bérurier n'a pas encore exploité son capital rire ! Des romans souverains contre la morosité, qui devraient être remboursés par la Sécurité Sociale! · Grandes épopées planétaires San-Antonio - le plus souvent accompagné de Bérurier - nous entraîne aux quatre coins de la pla­nète dans des aventures épiques et " colossales ". Humour, périls mortels, action, rebondissements. -> S-A 10 · S-A 87 · S-A 88 · S-A 24 · S-A 37 S-A 89 · Les " inoubliables " Je rangerais sous ce titre quelques romans-choc (dont certains ont déjà été cités plusieurs fois, notam­ment dans les épopées ci-dessus). On tient là des 252 SAN-ANTONIO : MODE D'EMPLOI chefs-d'oeuvre, où l'émotion du lecteur est à son comble. Bien sûr, c'est subjectif, mais quel autre cri­tère adopter pour ce qui relève du coup de coeur ? Lisez-les : vous serez vite convaincus! S-A 61 · S-A 70 · S-A 83 · S-A 10 · S-A 87 · S- A 88 · S-A 24 · S-A 25 · S-A 37 · S-A 111 · S-A 132 · S-A 140 Achevé d'imprimer en mars 2000 POUR FINIR. sur les presses de l'imprimerie Bussi~re à Sain:-Amand (Cher) il ne reste plus qu'à souhaiter à tous ceux qui découvrent les aventures de San-Antonio (comme je les envie !) des voyages colorés, passionnants, émouvants, trépidants, surprenants, pathétiques, burlesques, magi­ques, étranges, inattendus ; des séjours enfiévrés ; des rencontres mémorables ; des confidences où l'intime se mêle à l'épopée. Quant aux autres, ils savent déjà tout ça, n'est-ce pas? Ce qui ne les empêche pas de revisiter à tout ins­tant ce monument de la littérature d'évasion, inscrit à notre patrimoine. Et, comme moi, d'attendre, encore et toujours, le prochain San-Antonio!